Université de Franche-Comté

Alimentation : le sens de l’équilibre

Elle influe sur la santé autant qu’elle révèle les identités culturelles, elle est tributaire des ressources qu’offre la planète et du travail des hommes : de l’environnement jusqu’à nos assiettes, l’alimentation est une affaire d’équilibre…

 

Production, consommation et expériences sociales parallèles

Photo svklimkin – Pixabay

À l’université de Neuchâtel, Jérémie Forney est enseignant-chercheur en anthropologie de l’environnement, dont l’approche qualitative permet d’étudier de petits groupes, de comprendre à partir de l’individu ce qui se joue à l’échelle d’un système. Spécialiste de la question agricole, il axe naturellement aussi ses recherches sur l’alimentation, et sur la relation entre production et consommation. Il a notamment participé au Programme de recherche national (PNR 69) portant sur « alimentation saine et production durable », dont les conclusions ont été rendues en 2020 au terme de plusieurs années d’investigation dans différentes disciplines.

Jérémie Forney note que le producteur et le consommateur sont des individus, et qu’entre eux prend place ce « grand système qu’est l’alimentation ». « Sur la question de la protection environnementale, l’agriculteur est fatigué d’être accusé de tous les maux et le consommateur se sent démuni devant l’ampleur de la tâche. Il faut arrêter de stigmatiser et de culpabiliser l’individu, en trouvant les moyens d’agir de façon collective. » Les pratiques alternatives autour de l’alimentation sont des réponses possibles, que questionnent l’anthropologue et son équipe.

L’exemple de la pandémie de Covid montre combien l’engouement pour les réseaux locaux alors mis en place s’est vite essoufflé au retour à la normale, victime d’un fonctionnement qui pousse toujours le consommateur à renouer avec ses habitudes. Mais le chercheur rappelle aussi que les expériences de systèmes parallèles sont nés dès le début des années 2000, certains même dès la fin du siècle précédent, et selon différents modèles : associations de producteurs, de consommateurs, création de coopératives pour la culture de terres communes, fédérations nationales regroupant différentes initiatives, comme l’Agriculture contractuelle de proximité (ACP) en Suisse ou les Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (AMAP) en France, qui lient dans un partenariat direct et un engagement à long terme, une année en général, les agriculteurs et les consommateurs. « Cette entente

Photo Alexandra Golovac – Unsplash

décharge les producteurs de certains risques, les consommateurs s’engageant à acheter ce qui peut être produit, que l’année soit bonne ou mauvaise pour telle ou telle variété. »

Du côté du consommateur, la satisfaction de pouvoir manger local et de participer à lutter contre le gaspillage alimentaire signifie aussi accepter de renoncer à certains choix individuels et de revenir aux mêmes aliments en période d’abondance. Jérémie Forney étudie comment ce type d’accord peut être vécu et quels sont les leviers qui lui permettront de s’inscrire dans la durée. « Ces expériences témoignent d’un engagement qui peut s’apparenter à du militantisme.

Cependant la proximité entre producteurs et consommateurs n’est pas aussi automatique qu’on pourrait l’imaginer, elle se limite parfois à la récupération d’un panier à un point de collecte. » Pour aller au-delà, les producteurs proposent des animations ou des dégustations à la ferme, invitant les membres de l’association à y participer. En matière d’alimentation, si les initiatives se multiplient et prennent des formes très diverses, elles restent à la marge d’un système sur lequel elles ne peuvent exercer de pression ; elles agissent cependant sur les prises de conscience, et en proposant des solutions concrètes sur le terrain, participent à faire de chacun de nous un « consommacteur ».

Contact(s) :
Université de Neuchâtel
Institut d’ethnologie
Jérémie Forney
Tél. +41 (0)32 718 17 21
retour