Université de Franche-Comté

À l'instar de la vaccination, les plantes aussi peuvent être préparées à se défendre efficacement


Sous certaines conditions, les végétaux peuvent développer une forme de résistance aux pathogènes qui rappelle le système immunitaire animal : le contact avec des agents − biotiques ou non − induit chez certaines plantes génétiquement prédisposées une résistance à une large gamme de pathogènes tels que les oomycètes, les virus, les champignons ou les bactéries. Trois systèmes de défense peuvent être activés selon le traitement initial. La  résistance systémique acquise Ÿ (SAR), connue chez de nombreuses espèces, est induite par des agents provoquant des nécroses localisées. D'apparence similaire, la  résistance systémique induite Ÿ (ISR) s'observe suite à la colonisation des racines par des souches non pathogènes de la bactérie Pseudomonas fluorescens. Enfin, le contact avec des substances chimiques spécifiques* peut également induire une résistance. Dans la mesure où ils activent la même famille de gène de défense et où ils sont efficaces contre les mêmes types de pathogènes, ces composés sont supposés induire une résistance de type SAR. L'acide aminé ß-aminobutyrique (BABA) agit, chez de nombreuses plantes, de la même façon.
• Les plantes ayant développé une résistance induite à la maladie ont cette caractéristique de réagir contre une infection par une réponse cellulaire beaucoup plus rapide et efficace. Ce phénomène (dont les mécanismes physiologiques et moléculaires sont encore largement inconnus) s'appelle le  primed state Ÿ** de la plante. Les recherches du groupe tentent de décrypter les mécanismes sous-jacents à ce phénomène  d'amorçage Ÿ. Parmi les nombreux composés chimiques connus pour leurs capacités à induire le  primed state Ÿ, BABA a été choisi car les concentrations nécessaires pour induire une résistance ne provoquent pas l'expression de gènes de défense. Il est alors possible d'étudier séparément les deux phénomènes.

Chez Arabidopsis, les premiers résultats ont révélé que le déclenchement d'une résistance par BABA ne dépendait pas d'une accumulation préalable de produits de transcription des gènes de défense. En effet, BABA induit des résistances contre l'oomycète P. parasitica à la fois chez le type sauvage d'Arabidopsis et chez des espèces mutantes dont les gènes de défense sont défectueux. Dans ces derniers cas, la résistance est induite indépendamment de l'acide salicylique, de l'expression génique liée à la pathogenèse ou de l'activation de tout autre gène de défense. Comment ces mutants se défendent-ils ? On observe dans tous les cas une accumulation (rapide et importante) de callose − un polymère semblable à la cellulose − au niveau du site d'infection de P. parasitica, qui empêche la pénétration du pathogène dans les tissus. Les réactions de défenses ultérieures deviennent alors inutiles.
Comment est provoqué le dépôt de callose ? L'équipe de l'Institut de Botanique de l'université de Neuchâtel a démontré l'importance d'une voie balisée par l'acide abscisique : lors de  l'amorçage Ÿ par BABA, seules les plantes possédant cette voie réagissent en accumulant de la callose, empêchant ainsi la pénétration des agents pathogènes. Le traitement de ces plantes avec BABA favorise la formation de cellules contenant la callose.
• L'hypothèse actuelle est que  l'amorçage Ÿ accélère et augmente la capacité d'une plante à induire la voie la plus adaptée pour l'aider à faire face à une situation donnée. Cette découverte constitue un paramètre agronomique et écologique important dans la mesure où la substance protectrice est entièrement naturelle et totalement inoffensive pour l'environnement. Autre atout : tout en conférant une résistance accrue, ce mécanisme de défense n'altère que peu les aspects commercialement importants, tels que la croissance des plantes ou leur fructification.

 

Brigitte Mauch-Mani
Institut de Botanique
Université de Neuchâtel
Tél. 41 32 718 22 05 – Fax 41 32 718 22 01
brigitte.mauch@unine.ch

 

 

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