Université de Franche-Comté

Nutri-Score : vertus et limites

L’information donne aussi des moyens de consommer de façon plus éclairée, dès l’emballage-produit. Adopté en France, Belgique, Allemagne, Luxembourg, Pays-Bas, Espagne et Suisse, l’étiquetage Nutri-Score indique la qualité nutritionnelle globale d’un produit alimentaire, grâce à une notation en cinq lettres inscrite sur un dégradé de couleurs explicite.

Photo silviarita de Pixabay

En un clin d’œil, le consommateur pressé repère dans les rayons d’un supermarché si un aliment est réputé bon ou mauvais pour sa santé. L’appréciation est délivrée par un algorithme sur la base de la teneur en matières grasses, en sucres et en sel du produit. Si la démarche est vertueuse, et malgré des évolutions récentes de l’algorithme, elle montre des limites qui incitent à la polémique. Nutri-Score passe sous silence certains aspects de la qualité nutritionnelle du produit, une lacune que l’Espagne, l’Italie et la Grèce ont été les premières à pointer du doigt pour défendre l’un de leurs fleurons alimentaires, l’huile d’olive. Ce produit incontestablement gras présente des vertus pour la santé largement reconnues, sauf par Nutri-Score.

Également oubliées les vitamines A, D et E fournies par une noisette de beurre, dont la haute teneur en matières grasses aux 100 g le fait classer négativement par l’algorithme ; il n’est pourtant nullement nécessaire, ni habituel, d’ajouter la moitié de la plaquette à une assiette de haricots verts… L’échelle de valeurs ne tient pas non plus compte de la qualité de fabrication des produits. Sur la base de leur teneur respective en matières grasses, un fromage industriel peut ainsi être mieux noté qu’un fromage AOP. Un comble pour certains producteurs de terroir, et un enjeu de santé publique.

Car la fabrication, la transformation et la conservation des produits alimentaires industriels impliquent le recours à des additifs dont il est difficile d’estimer les effets à long terme sur la santé, surtout lorsqu’ils sont combinés. « Malgré son intérêt, le dispositif est fondé sur un algorithme utilisant des données basiques, ne prenant pas suffisamment de paramètres en compte », explique Christine Lebel, enseignante-chercheuse en droit privé au CRJFC, dont l’un des objectifs de recherche est de faire évoluer la réglementation autour des questions d’alimentation, et notamment de l’étiquetage Nutri-Score. Une démarche a été engagée avec des collègues de l’université de Pau, elle a donné lieu à un colloque scientifique, dont les actes 3 ont été publiés en 2023. « Notre souhait est d’agréger d’autres champs disciplinaires à notre réflexion pour considérer la problématique de manière large. »

Photo Willfried Wende – Pixabay

L’idée serait de faire converger les informations de type Nutri-Score et celles des Signes officiels de la qualité et de l’origine (SIQO), qui certifient l’exigence et le savoir-faire des producteurs par différents labels : l’appellation d’origine contrôlée (AOC) et son équivalent européen l’appellation d’origine protégée (AOP), le label rouge (LR), l’agriculture biologique (AB), l’indication géographique protégée (IGP) et la spécialité traditionnelle garantie (STG). « Il est nécessaire de renouveler notre vision de l’alimentation, de la replacer dans son contexte environnemental et sociétal. Dans les années 1960 et 1970, la volonté était de produire de manière à ce que son coût baisse, au point que ce poste devienne un « non-budget » pour les ménages. Il s’agit aujourd’hui de remettre l’alimentation au cœur des préoccupations et d’insister sur son importance en termes de santé, de plaisir et de sociabilité. »

 3 Ch. Lebel, La pomme de la discorde entre Nutri-Score et les signes de l’origine et de la qualité : Dalloz IP/IT : droit de la propriété intellectuelle et du numérique, 2023, 01, pp.14

Extrait de l’article Grand format [Alimentation : le sens de l’équilibre], journal en direct n°310.

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