Habiter la Terre suppose un certain équilibre dans ce qui la compose, du végétal au minéral, des communautés animales aux sociétés humaines, de la vie d’une bactérie à l’existence d’un écosystème. La pandémie de la Covid-19 rappelle avec force et de façon douloureuse cette loi, à tort souvent ignorée. Les crises, qu’elles soient sanitaires, financières, économiques ou écologiques, s’imbriquent les unes dans les autres. Plus généralement, les problématiques issues de fonctionnements aussi complexes que ceux qui régissent la vie sur Terre ne peuvent qu’être également complexes ; elles obligent à les aborder dans leurs différentes dimensions pour dépasser des regards forcément partiels, souvent divergents.
À l’échelle locale et à titre d’exemple, comprendre et tenter d’endiguer le problème de la mortalité piscicole dans la Loue demande à mettre en lien les pratiques, qu’elles soient agricoles, industrielles ou citoyennes, les stratégies politiques, et les études scientifiques. Et à l’intérieur même de la sphère scientifique, les apports croisés de plusieurs disciplines comme l’écologie, la microbiologie, la géologie, la sociologie ou la chimie sont indispensables pour cerner ce phénomène aux multiples facettes. Cette nécessité d’un rapprochement disciplinaire pour considérer une problématique sous divers angles complémentaires est explicitée dans l’ouvrage Socio-écosystèmes. L’indiscipline comme exigence du terrain, dans lequel plusieurs chercheurs témoignent de leur propre expérience.
Aborder l’ensemble d’un socio-écosystème par le prisme de différentes approches scientifiques est une démarche qui a fait la preuve de sa pertinence dans des études réalisées dans l’Arc jurassien, parfois sur plusieurs décennies, et qui a pu être transposée à d’autres situations, dans d’autres régions ou sur d’autres continents, comme l’Asie ou l’Afrique. Cette approche révèle par exemple comment l’intensification des pratiques agricoles ou l’éradication de la rage chez le renard sont des facteurs qui se sont combinés pour influencer les variations de la prolifération des campagnols dans les prairies jurassiennes, et comment la transmission de l’échinococcose alvéolaire par ces rongeurs à la population humaine est facilitée par les modes de vie ou certaines caractéristiques du comportement des hommes. À l’instar de cet exemple, le livre relate des projets de recherche d’envergure impulsés au laboratoire Chrono-environnement, qui tous étayent l’intérêt de la construction de « communautés des savoirs ». Une méthode servant l’observation d’un phénomène, la compréhension des mécanismes impliqués, puis la mise à disposition d’outils de prévention adaptables selon les situations.