Université de Franche-Comté

Pandémie : du plasma convalescent pour transmettre des anticorps aux malades

L’histoire mondiale des cent dernières années est endeuillée par la mort de dizaines de millions de victimes d’épidémies et de pandémies dues à des virus. Grippe espagnole, grippe asiatique, grippe de Hong-Kong… virus Ebola, Zika, Chikungunya… Mers-CoV, SARS-CoV-1, SARS-CoV-2… le nom de COVID-19 s’inscrit à la suite sur ce tableau décidément très noir, sans qu’on sache aujourd’hui vraiment de quelle façon le virus va se comporter et la maladie évoluer au cours des prochains mois, voire des prochaines années. En virologie, immunologie, pharmacie et dans d’autres disciplines encore, les chercheurs n’ont qu’un mot d’ordre : se préparer au mieux pour l’avenir, dans un monde qui ne peut ignorer plus longtemps l’omniprésence de la menace des virus.

En 1901, Behring remportait un prix Nobel de médecine pour son travail sur la thérapie par le sérum, obtenu après coagulation du sang, notamment pour lutter contre la diphtérie. Aujourd’hui, c’est à partir du plasma sanguin que les scientifiques cherchent à soigner les malades atteints de la COVID-19. Le principe reste le même : transférer à des patients des anticorps produits par des organismes atteints par la maladie et guéris, pour qu’ils puissent à leur tour se défendre contre le virus. Immunologiste, le Pr Pierre Tiberghien mène ses recherches au laboratoire RIGHT et enseigne sa discipline à l’uni­versité de Franche-Comté. Il est l’initiateur et l’investigateur pour l’Établissement français du sang de l’essai clinique CORIPLASM, aux côtés du Pr Karine Lacombe, cheffe du service des maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital Saint-Antoine – AP-HP, qui en est l’investigatrice prin­cipale. L’étude CORIPLASM vise à tester l’innocuité et l’efficacité du « plasma convalescent ».

« Le plasma est la partie liquide du sang assurant la communication au sein du système vasculaire ; il est riche en protéines, notam­ment en immunoglobulines, c’est-à-dire des anticorps. Nous avons pu à la fois vérifier que le plasma des patients guéris comporte des anticorps spécifiquement dirigés contre le SARS-CoV-2, et que la richesse de ces anticorps pré­sente des disparités en fonction des donneurs », explique Pierre Tiberghien.

Le plasma est prélevé sur des patients exempts de symptômes depuis au moins 15 jours, par aphérèse : lors du prélève­ment sanguin, un séparateur isole le plasma des autres constituants du sang, qui sont réin­jectés au donneur. 2 000 aphérèses ont été réalisées entre début avril et début juin, permettant la mise à dispo­sition de quelque 4 000 poches de plasma. 4 poches sont nécessaires pour soigner un patient.

Etudes parallèles

« La thérapie concerne en premier lieu les patients pour lesquels le risque de développer de sévères complications pathologiques est élevé », précise le profes­seur. L’inclusion des patients dans la cohorte CORIPLASM est aujourd’hui ralentie du fait de la décroissance spectaculaire du nombre de malades de la COVID-19 en France. Parallèle­ment à l’essai clinique, l’ANSM1 a autorisé la mise en place d’un protocole d’utilisation théra­peutique (PUT), prévoyant la possibilité de recourir au plasma convalescent au cas par cas. Outre les aspects de soin eux-mêmes, ce protocole permet de compléter l’essai clinique en cours, dans le but d’établir la preuve d’intérêt de la thérapie dans les différentes formes de la maladie. « Les résultats sont encourageants chez certains patients. Des premiers résultats d’essais menés par exemple en Italie et en Chine vont également dans ce sens. Cepen­dant nous ne disposons actuelle­ment pas du recul nécessaire ni d’un nombre suffisant de patients pour pouvoir tirer des conclu­sions formelles. »

Pour pallier cet inconvénient statistique, les établissements de transfusion de l’Union euro­péenne, membres de l’European Blood Alliance (EBA), que préside Pierre Tiberghien, ont décidé de mettre en commun et de comparer les résultats de leurs recherches pour réaliser ensemble une évaluation de l’intérêt du plasma convalescent. Le consortium pro­duira également des recomman­dations sur les pratiques à mettre en oeuvre en termes de prélève­ment, préparation et transfusion de ces plasmas issus de donneurs convalescents, pour se préparer le mieux possible à l’éventualité d’une nouvelle vague épidémique COVID-19 et / ou à l’émergence d’un nouvel agent infectieux.

1Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé
Contact(s) :
Unité de recherche RIGHT « Interactions Hôte-Greffon-Tumeur, Ingénierie Cellulaire et Génique »
EFS / UFC / INSERM
Pierre Tiberghien
Tél. : +33 (0)3 81 61 56 15
retour