Université de Franche-Comté

Du chanvre sur les sols

Employé dans les jardins pour garder l’humidité dans les sols et empêcher la pousse des mauvaises herbes, le chanvre a aussi une propriété épurative. Une disposition que des chercheurs du laboratoire Chrono-environnement stimulent grâce au greffage de molécules naturelles sur les fibres de chanvre, des ligands capables de retenir en surface les substances potentiellement toxiques contenues dans les formulations de fongicides.

Les triazoles sont des fongicides de large spectre, efficaces dans la lutte contre les champignons pathogènes. Ils sont utilisés en prévention comme en thérapie, pour la santé des cultures comme pour la santé humaine.

Aspergillus fumigatus est un champignon très courant responsable d’infections pulmonaires chez des personnes à la santé fragile. Présent dans les sols des champs de céréales, il est victime des traitements aux triazoles qui se disséminent dans les sols lors de l’aspersion des plantes, ce qui est la principale cause de leur résistance aux traitements. Pour limiter, voire empêcher la diffusion des fongicides dans les sols, des chercheurs de Chrono-environnement travaillent à la mise au point d’un tapis de chanvre agissant comme un filtre dépolluant en surface. « Parmi toutes les qualités que possède le chanvre, ce sont ses propriétés épuratives qui sont ici exploitées, expliquent Nadia et Grégorio Crini, tous deux chimistes au laboratoire bisontin. Pour renforcer leur action naturelle, les fibres de chanvre sont greffées chimiquement, via des acides citriques, avec des « molécules-cages », des cyclodextrines capables d’emprisonner des métaux, des HAP, des PCB, des composés organiques volatils, des perturbateurs endocriniens, des pesticides… Les chercheurs ont développé des systèmes 2 en 1, efficaces pour le piégeage de substances organiques et minérales ; leur objectif est désormais d’ajouter les particules à la liste des substances filtrées pour un dispositif complet et inédit. Les feutrines mises au point sont obtenues à partir du cardage de fibres, voire de copeaux de chanvre, modifiées par des produits agro-alimentaires. Les recherches concernent désormais les cultures céréalières après s’être attachées aux surfaces maraichères et à l’industrie du bois. « Maintenant que la preuve de concept est établie, la difficulté est d’imaginer une solution économiquement viable et réalisable en pratique à une échelle aussi importante. »

L’équipe comtoise travaille en étroite collaboration avec une équipe de l’université de Lille, que la tradition textile locale a dotée de compétences et d’équipements spécifiques, et avec une coopérative agricole d’Arc-les-Gray (70). Les recherches sont également menées avec l’équipe de Vincent Placet à l’Institut FEMTO-ST, dont les compétences en caractérisation des surfaces permettent de démontrer les fonctionnalités des feutrines de chanvre chimiquement greffées. Elles interviennent dans un contexte régional porteur : le département de Haute-Saône est le deuxième producteur français de chanvre, et offre des possibilités de valorisation à la recherche.

Vignes saturées en cuivre

Dans les vignes, le chanvre greffé pourrait limiter les effets du traitement à la bouillie bordelaise, qui n’est pas aussi anodin que l’usage le considère : les fortes teneurs en cuivre que ce produit comporte saturent les sols et pourraient être toxiques, notamment pour les vers de terre. En 2018, l’INRA faisait état de 200 à 500 mg de cuivre par kg de terre sur des parcelles traitées à la bouillie bordelaise, contre 3 à 100 mg/kg sur des sols non traités.

Crédit photo : © Pixabay
Contact(s) :
Laboratoire Chrono-environnement
UFC / CNRS
Nadia Crini / Grégorio Crini
Tél. +33 (0)3 81 66 57 86 / 57 01
retour