Université de Franche-Comté

[Usinage]

Vers des lubrifiants à base d’eau pour les outils de coupe

Le monde de la mécanique ne saurait se passer de lubrifiants. Tournage, fraisage, taraudage et autres opérations d’usinage nécessitent de recourir à ces fluides, qui ont pour vocation de refroidir pièces et outils pendant la coupe, et de limiter le frottement entre outil et matériau usiné. Cela permet de garantir la qualité des pièces produites et de réduire l’usure des outils coupants.

Le marché des lubrifiants, traditionnellement dérivés du pétrole, demande aujourd’hui à être positionné sur des produits moins délétères pour l’environnement et pour la santé des opérateurs qui les manipulent. Les procédés de fabrication de pointe appellent aussi à des évolutions, comme le micro-usinage qui s’accommode mal des huiles qui se collent aux minuscules résidus de production, ou la fabrication hybride qui, en combinant enlèvement et ajout de matière, crée des besoins inédits.

Mettre au point de nouveaux fluides de coupe, c’est donc répondre à différentes attentes, tout en se heurtant à des contraintes particulières pour trouver les bons constituants.

Dans le projet ECOLUB, les chercheurs expliquent qu’ils « s’appuient sur une expérience préalable de développement de lubrifiants contenant des molécules à longue chaîne carbonée, destinées à se déposer sur la surface à lubrifier et ainsi servir de troisième corps lubrifiant sans présence de corps gras ».

L’alcool est généralement utilisé dans ces fluides particuliers afin de solubiliser les molécules puis de les déposer sur des métaux. « Mais c’est ici un produit à écarter, car il n’est pas question d’utiliser d’alcool dans des machines-outils en raison des risques d’incendie ».

L’eau est alors l’élément préconisé pour la solution de base. Ressource disponible et recyclable, excellent refroidisseur, elle n’a cependant que de faibles propriétés lubrifiantes. De plus, elle favorise la corrosion des métaux et est susceptible de favoriser le développement de bactéries, il faut donc lui ajouter des biocides et des agents anticorrosion.

L’objectif des chercheurs revient en définitive à élaborer des molécules dotées de propriétés lubrifiantes, capables de se greffer sur du métal, et de les rendre solubles dans l’eau.

Tel est le triple défi du projet ECOLUB, qui réunit des chercheurs de l’Institut UTINAM et de l’Institut FEMTO-ST autour d’un casse-tête qui tient autant de la chimie que de la mécanique. Le projet est piloté par les chimistes Jérôme Husson et Fabrice Lallemand, et par les mécaniciens Michaël Fontaine et Xavier Roizard. Le projet, soutenu par le Fonds régional d’aide à l’innovation (FRI), financé par la BPI, bénéficie des travaux de recherche de plusieurs doctorants.

Molécules à l’essai

La première étape consiste à mettre au point de nouvelles molécules qui puissent répondre aux exigences du cahier des charges. Élaborées sur les paillasses de l’Institut UTINAM, plusieurs molécules, développant des modes d’action différents, ont été choisies pour les propriétés de solubilité dont elles font notamment preuve.

La formulation permet ensuite de doser le plus finement possible l’ajout de biocides, indispensables pour contrer tout risque bactérien, et d’agents anticorrosion. « Les fluides de coupe sont des produits utilisés en grande quantité dans l’industrie, leur prix de revient est un paramètre important. Or plus une molécule est complexe, plus elle coûte cher. Il nous faut trouver le bon compromis entre coût et efficacité », explique Jérôme Husson.

Les synthèses chimiques pour l’industrie sont traditionnellement effectuées dans des réacteurs de gros volume. Les chercheurs proposent ici de recourir à la chimie de flux, pour laquelle les réacteurs sont plus petits, mais sont plusieurs à travailler en parallèle. Cette technologie assure une meilleure qualité à la réaction chimique, en même temps que des gains d’énergie et de produits chimiques, et davantage de sécurité.

Les molécules sont aujourd’hui soumises à des tests à l’Institut FEMTO-ST, pour caractériser leurs interactions avec les pièces mécaniques lors d’un processus de fabrication et pour vérifier leur capacité à protéger les outils de coupe de l’usure.

Le taraudage, qui consiste à créer un filetage dans une pièce pour y insérer une vis, fait l’objet des premiers essais comparatifs entre les huiles traditionnelles et les nouvelles formulations proposées par le consortium ECOLUB.

« Les études tribologiques préliminaires montrent que les solutions aqueuses testées absorbent la chaleur aussi bien que l’huile soluble et qu’elles limitent de la même manière l’usure des outils de taraudage. Si elles sont sur ce point un peu moins performantes que les huiles entières, elles ont beaucoup moins d’impact sur l’environnement et la santé des opérateurs », précise Michaël Fontaine.

Les tests mécaniques pour d’autres procédés tels que le tournage, le fraisage ou encore le micro-usinage et la fabrication hybride ne font que commencer, et pourront donner lieu à des ajustements dans les formulations chimiques : rendez-vous en fin d’année 2026 pour les résultats !

Crédit photo 1 : Michael Schwarzenbergera – Pixabay
Crédit photo 2 : Freepik
retour