Université de Franche-Comté

Une théorie novatrice à la croisée de la psychologie et des neurosciences

Prendre un thé, aller promener son chien, glisser un bulletin dans l’urne aux élections, téléphoner à son voisin… toutes ces actions sont le fruit d’une décision. Fonction centrale à toute expérience de vie humaine, la prise de décision est la cible de nombreuses recherches en psychologie, qui veulent comprendre les mécanismes qui l’alimentent. Le système moteur, qui abrite les neurones à l’origine du déclenchement de l’action, se traduisant donc dans le comportement, a cepen­dant tendance à être un peu oublié dans ces investigations.

Mathieu Servant a choisi de l’inclure dans les recherches qu’il mène à l’université de Franche-Comté au Laboratoire de recherches intégratives en neurosciences et psychologie cognitive (LINC) et à la MSHE Ledoux. Ses travaux montrent que le choix résultant d’une décision n’est pas communiqué au système moteur comme le postulent les modèles théoriques, mais que la décision elle-même se développe dans le système moteur.

 

 

Une prestigieuse bourse ERC

Ces recherches et cette découverte incitent Mathieu Servant à développer une « théorie intégrée de la prise de décision et de l’action », un projet récompensé par une prestigieuse bourse ERC (European Research Council) Starting Grant 2021. Cet important financement accordé sur cinq ans lui donne notamment la possibilité de s’entourer d’une équipe de jeunes chercheurs pour poursuivre ses travaux novateurs. « Une décision est un processus délibératif donnant naissance à un choix. La délibération se nourrit d’une accumulation d’informations provenant de nos sens et de notre mémoire. Ces informations sont dirigées vers différents « accumulateurs », des compartiments qui correspondent chacun à un choix possible : lorsque l’un d’eux dispose de suffisamment d’informations pour franchir un seuil décisionnel, le choix correspondant est arrêté. »

Les expérimentations menées par Mathieu Servant montrent une adéquation entre les modèles mathématiques du processus d’accumulation d’informations et l’activité électrique des groupes de neurones impliqués dans le système moteur, mise en évidence grâce aux moyens de l’électrophysiologie. Mais à l’intérieur de ce schéma, des expériences récentes ont révélé un mécanisme qui bouscule l’idée selon laquelle le système moteur serait un exécutant qui se contenterait d’accueillir le choix résultant du processus de décision pour le mettre en œuvre : « L’enregistrement de l’activité neuronale et de l’activité musculaire, cette dernière par électromyographie, montre que la course entre les accumulateurs est visible dans les structures motrices qui préparent et exécutent nos choix. »

Formalisée mathématiquement, la théorie issue de ces constats donne lieu à des prédictions sur les processus à l’œuvre, sur l’activité neurophysiologique sous-jacente, et sur le comportement. Ces modèles pourront servir de nombreuses applications, comme le développement de nouvelles stratégies de prévention de l’erreur en entreprise ou en milieu éducatif, ou la mise au point de thérapies pour le traitement de pathologies neuropsychiatriques impliquant des dysfonctionnements au niveau de la prise de décision et du contrôle moteur. La bourse européenne Starting Grant est réservée à des chercheurs en début de carrière, entre 2 et 7 ans après l’obtention de leur thèse. En 2021, seulement 8 d’entre elles ont été décernées dans les domaines relevant des sciences humaines et sociales en France. Une reconnaissance de haute volée pour Mathieu Servant, qui rejaillit sur le laboratoire LINC et sur l’université de Franche-Comté.

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