Université de Franche-Comté

[Retour sur les JO]

Une bulle de rêve dans la réalité

Photo Mathhias Schrader – Associated Press

Toujours très attendues, les cérémonies d’ouverture et de clôture des Jeux olympiques sont suivies par des millions de personnes à travers le monde.

Grandiose, pour la première fois organisée hors de l’enceinte olympique, la cérémonie d’ouverture de Paris 2024 le 26 juillet a emporté l’adhésion et l’enthousiasme du plus grand nombre, même si elle a aussi suscité les controverses. Sur les réseaux sociaux, elle a été, et de loin, la plus relayée des quatre cérémonies, avec des images et des commentaires tournant pendant cinq jours d’affilée, « un écho très profond », comme a pu le constater Yann Descamps, historien du sport à l’université de Franche-Comté /­ laboratoire C3S.

Photo VIRGINIE LEFOUR MAXPPP

L’analyse du chercheur porte sur le sens et l’impact des messages véhiculés lors des cérémonies encadrant ces grands événements sportifs. En 2023, la coupe du monde de rugby montrait en prélude une France blanche et de terroir, incarnée par Jean Dujardin coiffé d’un traditionnel béret noir, dans une ambiance proche de l’imaginaire de l’entre-deux-guerres. Paris 2024 offrait un visage davantage métissé, notamment sous les traits d’Axelle Saint-Cirel chantant la Marseillaise, et se voulait inclusive, la prestation d’Aya Nakamura avec la garde républicaine en étant l’une des plus fortes démonstrations. « Les facettes que montrent ces festivités sont en définitive toutes représentatives de visions idéologiques de la société française. Selon leur propre réalité sociale, les gens se reconnaissent, ou pas, dans ce qui est mis en avant. »

Pays des Lumières, de l’univer­salisme, où les mots Liberté, égalité, fraternité sont inscrits au fronton des mairies, la France ne pouvait qu’afficher des valeurs progressistes aux yeux du monde lors des Jeux. « Quels que soient leurs convictions et discours habituels, les membres du gouvernement ont plébiscité la cérémonie, sachant qu’elle servait le mythe de la France à l’étranger », souligne Yann Descamps. Instrument parfait pour briller et convaincre, le spectacle a été intimement lié à l’histoire dans une célébration que Thomas Jolly a orchestrée de façon magistrale jusqu’à son terme. « Céline Dion acclamée et Paris transformé en décor ont cristallisé toutes les attentions, au-delà du récit proposé. Mais sans aucunement nier l’émotion qu’elle a véhiculée, la cérémonie d’ouverture Paris 2024 reste une bulle spectaculaire qui montrait une France idéale et détournait de la réalité, le temps d’un rêve. »

Car l’histoire, elle, devrait retenir du moment la vision d’un gouvernement disqualifié, d’un contexte politique chaotique et d’une société fragmentée. Les phryges, transformant en mignonnes mascottes olympiques les bonnets phrygiens des révolutionnaires de 1789, ne seraient-elles pas avant tout autre symbole celui du décalage entre spectacle « aseptisé et mythologisé », et véritable signification historique ?

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