Université de Franche-Comté

[Ressorts psychologiques]

Femmes en situation de violence conjugale

Qu’est-ce qui explique que certaines femmes victimes de violence conjugale s’enferment dans une situation devenant malheureusement chronique, et que d’autres quittent leur conjoint au premier coup porté ? C’est la question centrale de la thèse1 de Justine Cesari, réalisée au laboratoire de psychologie de l’université de Franche-Comté. Un sujet que la jeune chercheuse a choisi après avoir constaté la diversité des profils psychiques de femmes rencontrées dans un service de médecine légale et victimologie. Dans sa thèse, Justine Cesari a étudié et analysé le contexte psychique de ces victimes de violences, pour 25 d’entre elles « chroniques » et pour 25 « uniques ».

Affiche Elodie Caillaud – Behance

Elle a constaté que les femmes qui ont quitté le domicile conjugal et mis fin à la relation avec leur conjoint dès les premiers accès de violence sont aussi les plus aptes à réaliser un travail psychique de compréhension de leur propre comportement et de celui des autres, un concept appelé mentalisation en psychologie. « Cette capacité est directement liée aux notions de sécurité, de confiance, d’attachement qui se développent et s’expriment dans les relations précoces entre un enfant et son entourage proche, ses « donneurs de soins­ ». La construction psychique d’un être jusqu’à son adolescence influence lourdement sa capacité future de résistance à une situation de violence », explique Justine Cesari.

Malgré les difficultés, les personnalités dotées de bonnes capacités de mentalisation parviennent à gérer leurs émotions pour faire face à la violence, à mobiliser des ressources pour s’y opposer et pour organiser de façon pratique leur départ. La chercheuse met aussi l’accent sur le fait que des « tuteurs de résilience », rencontrés au cours de la vie, peuvent dans une certaine mesure pallier les déficits des interactions précoces et aider à une construction psychique favorable à la mentalisation.
Par ailleurs, l’écoute et le soutien de personnes proches ou référentes sont des facteurs décisifs pour que les femmes victimes de violence puissent stopper ce processus mortifère.

Bénéficiaire d’une bourse des MSH de Besançon et de Dijon, octroyée à des jeunes chercheurs pour la coordination d’événements scientifiques, Justine Cesari a organisé en octobre dernier une journée d’études sur les violences envers les femmes. Des chercheurs en sociologie, histoire, philosophie et psychologie se sont réunis à Besançon pour partager les fruits de leurs travaux.

La violence envers les femmes est constatée à toutes les époques depuis l’Antiquité, et ne connaît pas plus de frontière sociale que géographique. Elle a des répercussions évidentes sur la santé psychique des victimes, qui peuvent aussi conduire à de graves maladies somatiques. Elle impacte également leurs proches, en particulier les enfants. Malgré les progrès accomplis, notamment grâce à la libération de la parole, elle constitue toujours un dramatique phénomène de société : 220 000 femmes sont aujourd’hui victimes de violence conjugale en France, où chaque jour plus de trois femmes sont victimes de féminicide ou de tentatives de féminicide conjugal (chiffres 2023, Miprof). À l’échelle de la planète, c’est toutes les dix minutes qu’une femme perd la vie sous les coups de son conjoint ou d’un proche (chiffres 2023, ONU).

1 Thèse codirigée par les professeurs Rose-Angélique Belot et Houari Maïdi au laboratoire de psychologie de l’UMLP, soutenue à Besançon en décembre 2023. Désormais docteure en psychologie clinique et psychopathologie, Justine Cesari réalise un post-doctorat à l’université de Bourgogne.
Contact(s) :
Laboratoire Psy-DREPI
Université de Bourgogne
Justine Césari
Tel : +33 (0)6 16 10 28 98
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