Certains anciens élèves peuvent avoir en tête le souvenir du « surgé », le surveillant général qui au lycée contrôlait les absences et distribuait à l’occasion les punitions. Si cette image peu gratifiante persiste dans la mémoire collective, le CPE, le conseiller principal d’éducation, est en réalité investi d’autres rôles que le seul respect de la discipline dans son établissement. À l’interface entre tous les acteurs de l’enseignement secondaire, il peut être considéré comme un « agent de la modernité », en charge d’un nouvel ordre scolaire face à l’émergence de problématiques éducatives comme la violence et le harcèlement à l’école, le décrochage, la laïcité, et plus récemment l’identité de genre des élèves.
Au laboratoire ELLIADD, la sociologue Émilie Saunier mène l’enquête depuis plusieurs années pour mieux connaître les conseillers principaux d’éducation, en collaboration avec Marianne Woollven, son homologue à l’université Clermont-Auvergne. Des travaux de recherche intéressants à double titre, puisque chacune est aussi responsable dans sa composante (INSPE) du master MEEF « Encadrement éducatif », parcours « Conseiller principal d’éducation », qui prépare au concours externe d’accès à cette profession. « Comme pour d’autres groupes professionnels tels que les assistants sociaux ou les infirmiers, la formation des CPE s’est progressivement « universitarisée », ce qui participe à une forme de valorisation du métier. Il est désormais nécessaire d’obtenir la première année de master pour passer un concours présenté comme particulièrement sélectif : en 2020, et dans la continuité des années précédentes, seulement un candidat sur dix a été admis à l’issue du concours. »
Le recrutement des CPE, qui organisent le service de vie scolaire et l’équipe des assistants d’éducation, s’effectue dans la catégorie A de l’Éducation nationale. Ce bilan d’un reclassement social reste cependant en demi-teintes : les CPE sont toujours référencés en « profession intermédiaire » pour l’INSEE ; l’origine sociale des postulants, de même que leur parcours scolaire, demeure plus modeste que celle des candidats se préparant aux métiers de l’enseignement. « Surtout, il subsiste une division du travail assez nette entre CPE et enseignants au collège ou au lycée, où la valeur du travail éducatif a toujours tendance à être considérée comme subordonnée à celle de la transmission de savoirs disciplinaires. »
La définition officielle du métier de CPE souligne pourtant son aspect coopératif : « [Les CPE] sont associés aux personnels enseignants pour assurer le suivi individuel des élèves et procéder à leur évaluation. En collaboration avec les personnels enseignants et d’orientation, ils contribuent à conseiller les élèves dans le choix de leur projet d’orientation ». L’étude menée par les chercheuses affine les attentes formulées par l’institution, grâce à la lecture des rapports de jury et à l’observation des oraux lors du concours, ou par les entretiens menés auprès des membres des jurys.
« À côté des incontournables connaissances sur les règles relatives au fonctionnement de l’institution scolaire, les savoirs requis relèvent d’une variété de domaines : la psychologie, les sciences de l’éducation, la philosophie, la sociologie, l’histoire, également la pédagogie. » Il est aussi demandé au futur CPE de savoir « se positionner » par rapport aux autres acteurs avec lesquels il est en lien, en tant que spécialiste de la vie scolaire : « Il lui faut réussir à occuper sa place dans la division du travail de socialisation scolaire, et montrer sa capacité à distinguer sa spécificité professionnelle ». Les CPE ont encore à négocier cette place au quotidien, pour rendre plus concrète, sur le terrain, la valorisation de leur métier.