Université de Franche-Comté

Pratiques frauduleuses
L’ ILCE prend l’ arnaque par les sentiments

Les théories économiques et les cadres législatifs sont des cartes du jeu des sociétés libérales. Les pratiques frauduleuses aussi. Dans des registres très différents, les cartels (lire ici) et les « arnaques aux sentiments » sont dans le collimateur des économistes du CRESE, à l’université de Franche-Comté, et des criminologues de l’ILCE, à la Haute Ecole Arc.

 

Photo Fizkes, Shutterstock

 

Fléau des sociétés actuelles renforcé par les périodes de confinement COVID, les délits numériques ont augmenté de 24 % en Suisse entre 2020 et 2021 (source : Office fédéral de la statistique, 2022).

Parmi eux, les « arnaques aux sentiments » sont particulièrement visées par les chercheurs de l’ILCE, qui s’intéressent à une stratégie innovante pour mieux les contrer. Les plateformes de rencontre sont les lieux de prédilection de telles arnaques, dont les montants s’échelonnent de 50 à 30 000 euros, et qui poussent parfois le désespoir des victimes jusqu’au suicide.

Pour mener à bien leur mission, les chercheurs n’hésitent pas à s’inscrire sur ces sites. « Nous échangeons avec les escrocs et prenons le rôle des victimes, entretenant la discussion jusqu’au moment où l’on obtient des informations bancaires pour le versement de sommes d’argent », explique Olivier Beaudet-Labrecque, criminologue à l’ILCE. Une façon de procéder fondée sur le scambaiting, une technique analogue à ce qui est fait pour lutter contre la pédopornographie, où des policiers se font passer pour des pédophiles à la recherche de contenus illégaux.

La méthode porte ses fruits : lors de deux campagnes menées en Suisse et en France ce début d’année, deux cents identifiants IBAN et des dizaines de numéros de téléphone ont été recueillis par les pseudo-victimes. L’objectif de la démarche est de démontrer qu’il serait possible de collecter de la sorte ces informations pour les utiliser à l’encontre des cybercriminels, en demandant par exemple aux établissements bancaires de bloquer les comptes incriminés. De grandes tendances se dégagent clairement, en France comme en Suisse. Elles mettent en cause certains profils d’opérateurs téléphoniques et de banques, voire pointent du doigt plus précisément certaines sociétés. Elles montrent que les sites de rencontre les plus sujets aux arnaques sont les plateformes proposant des inscriptions rapides et sans frais, une facilité d’accès cachant un manque de contrôle évident.

« Cette méthode représente un changement de paradigme dans la lutte contre la cybercriminalité. Il s’agit de décourager de telles entreprises grâce à la mise en place de processus techniques adaptés. » Les malfaiteurs, ne disposant souvent que de très peu de moyens, sont pour la majorité originaires d’Afrique subsaharienne. Les criminologues de l’ILCE développent actuellement une collaboration avec l’université Félix-Houphouët-Boigny d’Abidjan, en Côte d’Ivoire, pour poursuivre le travail d’investigation sur leur terrain.

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