Il est un fait admis et couramment dénoncé : nos modes de vie sédentaire entraînent des conséquences néfastes sur la santé. Tandis que les pouvoirs publics — et de plus en plus les entreprises — alertent sur cette situation, les scientifiques n'ont de cesse d'analyser l'effet de l'activité physique sur les corps, dans une logique clinique ou fondamentale.
Tandis que le nombre de pratiquants augmente régulièrement, sociologues, historiens et géographes analysent ce qui peut être considéré comme le fait social du XXe siècle.
Enfin, ce fait social prégnant engendre également une économie importante, qui a pour moteur l'innovation continue : nouveaux procédés, nouveaux matériaux, nouveaux équipements. Et la France, sur cette question, est bien placée.
Pourtant, il n'est rien de plus difficile que de circonscrire le sport. Le fait sportif relève de pratiques très différentes. De la marche à pied à la compétition professionnelle, les habitudes sont tellement variées que l'INSEE a adopté cette définition : « le sport est ce que les gens font quand ils pensent qu'ils font du sport ».
– La variabilité de la fréquence cardiaque est complexe
– Pourquoi l'EPO est dangereuse
– Géopolitique sportive, mondiale ou communale
– Un outil de politique territoriale
– Moyen d'intégration ou baume calmant des tensions sociales ?
– Politique et logiques sociales
– Marketing sportif à l'échelle nationale
– Olympisme ou paroxysme de l'identité nationale ?
– L'amélioration des performances
– Selles de vélo pour cyclistes du dimanche
– Amorti et relance, relance et amorti
– TRANSBORDING et GRÉEMENT TRAPÈZE
Dans les sociétés occidentales, notamment, le corps est de moins en moins sollicité dans les pratiques et activités de nos vies quotidiennes (travail, transport…), entraînant des conséquences néfastes sur la santé. L'inactivité corporelle serait ainsi l'une des dix principales causes de décès et d'incapacité dans le monde et dans les pays développés, le deuxième facteur de risque de mauvaise santé. Ceci a un coût : 2,5 % du coût global de la santé en France sont attribués à l'inactivité physique.
Les pouvoirs publics, soutenus en cela par les résultats scientifiques et médicaux sur l'influence du sport sur la santé, ont lancé des alertes et des messages forts. Les entreprises s'emparent également de la question en préconisant vie saine et équilibrée pour leurs salariés.
Si faire du sport n'a pas tant d'action sur la perte de poids — il ne faut pas chercher ses avantages ici —, des effets bénéfiques sur la santé ont été bien documentés, en particulier en ce qui concerne de nombreuses fonctions de l'organisme. Ces effets procurent même une prévention vis-à-vis de la survenue ou du développement de certaines affections, en particulier cardio-vasculaires. L'équipe de physiopathologie cardio-vasculaire et prévention (EA 3920) de l'université de Franche-Comté travaille sur plusieurs de ces aspects depuis de nombreuses années. Avec les médecins du travail, une étude avait établi clairement les aspects bénéfiques de la pratique sportive pour la santé d'une entreprise : elle s'accompagne d'un moindre absentéisme, d'arrêts de travail pour maladie moins nombreux et moins longs, de moins d'accidents du travail (probablement du fait d'une meilleure aisance corporelle). Qui plus est, ces bénéfices sont présents même pour des intensités d'activité et des temps de pratique sensiblement différents.
Par ailleurs, les modes de vie sédentaire ont provoqué une augmentation préoccupante des enfants obèses, dont le nombre a cru de 3 % en 1960 à 10 % en 1990 et 16 % en 2000. Cette progression constitue une véritable question de santé publique, à tel point que le plan national « nutrition – santé » a posé la lutte contre l'obésité enfantine comme l'un de ses axes de travail. Un objectif important est à présent de promouvoir l'activité physique de l'enfant obèse, qui spontanément s'en écarte plutôt. Il faut alors définir le type d'activité physique efficace et accessible pour cette population (les activités bien adaptées à des contraintes physiques ou psychologiques spécifiques). Une activité intense qui consommerait une grande quantité de substrats énergétiques et comporterait donc des efforts musculaires importants, et donc aussi les contributions respiratoires et cardiaques, ne peut être proposée d'emblée. Elle serait décourageante. Une intensité d'exercice d'abord limitée, peu à peu augmentée et ajustée individuellement au fur et à mesure des progrès et du recul des craintes, rencontre davantage de succès. Forts d'une expérience réussie dans la réadaptation à l'exercice de jeunes asthmatiques, les médecins des explorations fonctionnelles respiratoires du centre hospitalier universitaire (CHU) de Besançon et les enseignants-chercheurs en activité physique adaptée de l'UFR STAPS — sciences et techniques des activités physiques et sportives — de l'université de Franche-Comté ont proposé aux médecins du REPOP — réseau de prévention et prise en charge de l'obésité — de tester un protocole adapté aux adolescents obèses. Parallèlement aux gênes qu'elle impose dans le vie courante, l'obésité accroît les risques de maladies cardio-vasculaires, en particulier par anomalie du stockage des réserves énergétiques (masse grasse), altération des fonctions des cellules de la paroi vasculaire, dépôt de lipides dans la paroi vasculaire, troubles de la coagulation sanguine… Le reconditionnement à l'activité physique a pour objectif d'améliorer les capacités cardiaques et respiratoires à travers un travail d'endurance. Cet objectif peut être atteint indépendamment de la diminution de la masse grasse.
Toujours dans la perspective de l'amélioration de la qualité de vie par le reconditionnement à l'activité physique, un autre travail a été commencé en 2007 auprès des personnes de plus de 50 ans, en partenariat avec la Mutualité sociale agricole.
Au-delà de ces études, le transfert à d'autres populations de la promotion de l'activité physique nécessite un suivi et des conseils appropriés. La formation aux « activités physiques adaptées » dispensée à l'UFR STAPS de l'université de Franche-Comté prépare des professionnels pour ce type d'activités.
Dans l'unité de recherche « physiopathologie cardio-vasculaire et prévention », certains chercheurs étudient les effets de l'activité physique sur les régulations des fonctions cardio-vasculaires par le système neurovégétatif. Le cœur est un organe dont l'activité est régulée par le système nerveux sympathique (qui le stimule) et parasympathique (qui le met au repos). La question est de savoir comment la pratique sportive modifie ces régulations.
Les analyses de la variabilité de la fréquence cardiaque et de la pression artérielle permettent une approche non vulnérante de ces régulations. Elles sont affinées après un entraînement physique correctement conduit. Au contraire, le syndrome de surentraînement fait de perte de performance, de fatigabilité augmentée, est associé à une dégradation des régulations fines neurovégétatives. La fréquence cardiaque, la pression artérielle ne sont plus normalement ajustées ni lors du changement de position (couché-debout), ni pendant l'exercice, ni pendant la récupération.
Les techniques et le savoir-faire (choix des procédures, conditions de leur mise en œuvre…) développés et validés dans l'unité ont été utilisés pour vérifier l'intérêt d'effectuer en immersion (aquagym) une partie du reconditionnement de personnes souffrant de pathologies cardio-vasculaires. Cette étude a été effectuée en partenariat avec le Centre de réadaptation cardio-vasculaire de Bois-Gibert (Indre et Loire) et sous les auspices de la Société française de cardiologie et de la Fondation pour l'avenir. Si les résultats font apparaître des bénéfices cardio-vasculaire et respiratoire de l'entraînement en immersion comparables à ceux de l'entraînement au sec, ils montrent une amélioration plus sensible de la fonction des cellules endothéliales chez les personnes qui faisaient de l'aquagym.
La variabilité de la fréquence cardiaque d'un cœur sain est composée pour 60 à 80 % d'un signal chaotique (fractal, c'est-à-dire qu'un même schéma d'organisation est observé à différentes échelles). Avec le vieillissement et dans certaines pathologies (insuffisance coronarienne, insuffisance cardiaque), cette complexité diminue (alors qu'elle est augmentée par la pratique régulière de l'activité physique). Ce qui entraîne moins d'interactions et donc une capacité moindre d'adaptation. Cette perte de complexité est mise en évidence par des analyses mathématiques spécifiques, et traduit la dégradation des possibilités d'adaptation des fonctions cardiaques. L'unité étudie aussi ces régulations chez des sujets sains qui font face à des contraintes physiologiques extrêmes autres que l'activité physique (immersions prolongées ou en eau froide…).
Comment l'activité physique améliore-t-elle la santé ? Si déjà Hippocrate la recommandait à ses patients, si ses effets généraux ont été remarqués et décrits, il reste encore à comprendre l'impact de l'activité physique au niveau cellulaire.
Quand il s'agit d'analyser le processus physiopathologique de formation de la plaque d'athérome — responsable de l'athérosclérose —, ou la baisse de la pression artérielle observée après la reprise d'une activité physique chez des sujets sédentaires modérément hypertendus, les cellules endothéliales — celles qui tapissent la paroi vasculaire et sont au contact du sang — sont directement concernées. Les recherches étant interdites sur les cellules humaines en France, ce sont des cellules de souris transgéniques qui sont utilisées. Le monoxyde d'azote (NO) est réputé s'opposer à la formation des dépôts athéromateux, et sans doute aussi à la migration de fragments de plaque d'athérome dans le flux sanguin (ce qui provoque des thromboses, par exemple coronaires — artères cardiaques — ou cérébrales). Une première direction de travail, choisie par les chercheurs de l'équipe « optimisation métabolique et cellulaire », étudie les mécanismes de production et de biodisponibilité du monoxyde d'azote. Le NO est produit dans les cellules endothéliales grâce à une enzyme, la NO-synthétase. Il est aussi capté par les radicaux libres, ou par des protéines, ce qui peut le rendre inactif ou indisponible pour différentes fonctions (relaxation des fibres musculaires lisses de la paroi vasculaire, activité anti-aggrégante des plaquettes des cellules endothéliales…). Ainsi, soit l'activité physique stimule la production de NO-synthétase, soit elle empêche la formation de radicaux libres qui « piègent le NO ». L'équipe a aussi montré que l'exercice était capable de stimuler et normaliser l'expression de certains récepteurs dans le noyau cellulaire (appelés PPARs) chez des souris transgéniques qui développent spontanément de l'athérosclérose. Dès lors, il semble probable que la pratique de l'exercice physique (des activités sportives bien conduites) augmente l'expression des PPARs dans les cellules endothéliales, ce qui déclenche ou stimule en retour des fonctions cellulaires qui contribuent à prévenir l'athérosclérose (effets anti-inflammatoires et production de NO).
Ces travaux trouvent des résonances dans la lutte contre le dopage et notamment contre l'utilisation d'EPO. L'erythropoïétine, produite naturellement par le rein, a été mise sur le marché en 1987 pour pallier les anémies des personnes atteintes d'insuffisance rénale chronique. Dès 1988, l'EPO était utilisée par certains skieurs de fond aux Jeux olympiques de Calgary pour améliorer l'apport d'oxygène aux muscles pendant l'effort. On estime à 18 le nombre de cyclistes morts des suites d'une prise d'EPO au cours des années 90. Des études menées chez des rats dont la NO-synthétase a été bloquée, montrent que l'exercice physique associé à une prise d'EPO provoque l'augmentation de la pression artérielle, et conduit à une mortalité chez plus de 50 % des animaux testés, pendant l'effort ou au moment de la récupération qui suit l'exercice. L'association de trois facteurs (présence d'EPO en quantité anormale, activité physique intense et déficit de monoxyde d'azote) affecterait donc profondément le fonctionnement des cellules endothéliales.
L'activité physique augmente le débit cardiaque, le débit de perfusion tissulaire dans les muscles en activité et dans les grands vaisseaux (artères et veines). Elle augmente la vitesse de circulation sanguine. Ce sont des mécano-récepteurs situés dans les cellules endothéliales ou dans leur membrane qui assurent la transduction des déformations cellulaires par des stimulus physiques (pression artérielle et son instabilité, friction…) en signaux chimiques intra-cellulaires qui modifient la production de substances aux multiples fonctions comme le monoxyde d'azote…
Identifier précisément les étapes de la transduction permettrait d'intervenir pour stimuler la production de facteurs bénéfiques ou inhiber la production de signaux dont les effets seraient au contraire délétères.
Contact : Jacques Regnard
Physiopathologie cardio-vasculaire et prévention
Université de Franche-Comté
Tél. (0033/0) 3 81 66 85 36
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Qu'il soit pratiqué ou regardé, le sport et ses effets physiologiques et psychologiques agissent comme un structurant social.
Des valeurs de l'olympisme que l'on voudrait universelles à l'utilisation du sport comme outil déclaré d'intégration sociale, toutes les échelles géographiques sont concernées.
Chaque médaille ayant son revers, les arguments peuvent se retourner et l'on parlera alors de montée de sentiments nationalistes pour l'olympisme ou de leurres apaisants pour l'intégration.
Le fait sportif peut être considéré comme l'un des objets sociaux les plus marquants du XXe siècle. Il est donc étudié comme tel, dans ses aspects historiques, sociologiques ou économiques (marketing sportif, observatoire du fait sportif).
Les pratiques sportives génèrent la réalisation d'équipements (et parfois la réputation d'une ville se mesure à l'aune de ceux-ci) et des déplacements urbains non négligeables. Les pouvoirs publics ont réalisé à quel point une certaine rationalité devait être introduite pour la gestion de ces sites, hors considération de prestige. Dans ce but et à la demande du Conseil général du Jura, le laboratoire de géographie ThéMA (théoriser et modéliser pour aménager) dont l'une des équipes — CERSO — est spécialisée dans l'étude du sport, a réalisé un observatoire des équipements et des pratiques sportifs — SPODJ — mis à disposition des gestionnaires. Outil d'aide à la décision, il recense les infrastructures sportives (les salles, terrains de sport… du département), mais aussi les clubs et leurs licenciés par discipline. Il permet surtout de connaître la réelle fréquentation des équipements en dressant leur aire d'attraction. Une manne d'informations disponible et organisée pour qui veut rechercher les redondances, évaluer la nécessité d'un nouvel équipement ou étudier l'évolution des pratiques… L'observatoire fonctionne depuis maintenant cinq ans. Les données sont capitalisées d'année en année et l'étude spatiale est restituée sous forme de cartes. Dans un milieu où la transparence n'est pas forcément de mise, tant la concurrence entre les fédérations opère, SPODJ constitue un outil d'exception qui fait des émules sur d'autres territoires.
L'analyse géographique et spatiale des pratiques sportives répond à des enjeux d'aménagement du territoire et de politiques sportives qui se recouvrent en partie avec ceux des politiques d'intégration sociale. Comment l'activité sportive peut-elle favoriser ou être le point d'entrée d'une meilleure intégration de publics défavorisés ? Cette question trouve son origine dans les vertus — réelles et/ou largement admises — du sport : catharsis de la violence, dépassement de soi, développement du sens de l'équipe et socialisation, maîtrise de son corps. Ainsi, des politiques de la ville spécifiques se sont mises en place, par vagues successives, à partir de 1981, intégrant le sport parmi d'autres composantes. Qu'en est-il de leur efficacité ? Le laboratoire de sociologie et d'anthropologie de l'université de Franche-Comté met en place une méthodologie scientifique pour analyser des situations, souvent à la demande des acteurs eux-mêmes, que ce soit pour étudier la pertinence de dispositifs tels que « ville vie vacances » ou « coupon sport », ou pour comprendre les mécanismes d'exclusion / intégration par le sport et les loisirs en milieu rural, ou encore analyser la place des clubs sportifs dans la structuration des individus en banlieue.
À partir d'entretiens qualitatifs, de questionnaires, d'observation des participants et d'images sur le net, l'équipe établit des diagnostics, des évaluations et des conseils. De manière très générale, le sport ne peut à lui seul résoudre toutes les problématiques de l'intégration — ce serait illusoire de le croire —, mais il peut venir en accompagnement de dispositifs plus larges, tant il peut permettre la socialisation ou servir d'exutoire, tant le jeu donne accès à des expériences recherchées et structurantes (compétition, vertige, mime, hasard). En tout cas, tant que ces politiques sont menées intelligemment, de façon professionnelle et structurée. Il ne s'agit donc pas de profiter de dispositifs d'aide à l'emploi pour résorber artificiellement le chômage dans certaines banlieues, mais bien de donner leur place à des professionnels formés pour l'intégration par le sport.
Pourquoi faire une histoire du sport ? Non pas une histoire politique, mais une histoire sociale, axée sur l'évolution des pratiques, les différentes représentations au cours du temps d'une activité ? Pour mieux comprendre comment les gens vivent et se rassemblent ; pour mieux appréhender les valeurs dominantes dans un milieu donné, à un temps donné. Prenons l'exemple des canotiers de Besançon. Né en 1865 sous l'impulsion de la petite et moyenne bourgeoisie locale, le SNB — Sport nautique bisontin —, à son origine, mêlait sport et plaisir. Car son objectif n'était pas tant de sculpter les corps et de se lancer dans la compétition que d'organiser des fêtes nautiques ou des sorties conférences. Feux d'artifice, fêtes vénitiennes… ces jouisseurs éclectiques avaient à cœur d'inviter la ville entière à leurs rencontres. Christian Vivier (laboratoire des sciences historiques de l'université de Franche- Comté), qui a travaillé sur ce sujet à partir d'articles de journaux et d'archives privées, voit dans cette mise en scène ostentatoire la volonté d'affirmation d'une classe sociale portant des valeurs d'hédonisme, de partage, et l'exhibition d'une certaine richesse. C'est donc bien les logiques sociales, l'évolution des mentalités qui s'expriment au travers des activités sportives. Dans le même laboratoire, suivant le même axe, des études sont également menées sur l'histoire de la boxe française (Jean-François Loudcher) et celle du football (Paul Dietschy).
On retrouve cette logique dans une perspective non plus historique, mais très actuelle, avec l'émergence des sports de rue. Pour avoir étudié les rapports qu'entretiennent les adeptes du streetball et du skatboard avec les pouvoirs publics, Gilles Vieille-Marchiset du LASA — laboratoire de sociologie et d'anthropologie — a également repéré des mécanismes de distinction de groupe. Les pouvoirs publics fonctionnent principalement sur le mode de la démocratie représentative, c'est-à-dire qu'ils reconnaissent comme interlocuteurs les clubs, fédérations ou associations. Les pratiquants de sports de rue se veulent, eux, interlocuteurs directs, dans un mode de démocratie participative. S'ils appréhendent plutôt bien les rouages administratifs et décisionnels, ils ne veulent pas renoncer à un dialogue direct entre les pouvoirs et eux.
Régates internationales du Sport nautique bisontin.
Affiche de Lucien Pillot. env. 1906, 154,5 x 110,5 cm
(Musée national du sport – photographe : Georges Poncet, numéro d'inventaire 86.66.1)
Certains enjeux que constitue le sport se mesurent sur le territoire de l'hexagone. Dans un milieu qui se professionnalise doucement depuis une dizaine d'années — auparavant, les fédérations étaient principalement gérées par des amateurs —, le laboratoire ThéMA répond aux demandes d'analyses géographiques et de géomarketing. Pour les fédérations nationales, par exemple la fédération française de karaté, la question se pose en terme de développement dans un marché concurrentiel : quels sont les lieux possibles d'implantation ? Comment peut-elle chercher de nouveaux adhérents ?
Une autre série de problématiques se pose en termes de spectacle et d'attractivité. La ligue professionnelle de basket, par exemple, souhaite faire évoluer son championnat de France et fait appel, via un cabinet d'audit, à ThéMA pour un diagnostic. À quelques rares exceptions près, c'est la taille de la ville qui décide du type de spectacle — et donc de sport — que celle-ci va pouvoir supporter. L'équilibre se fait entre la capacité d'une salle et son bassin potentiel d'attraction. C'est ainsi que les grandes villes françaises peuvent organiser des spectacles de football, alors que le basket ball est plutôt réservé aux villes de taille moyenne.
À partir d'analyses quantitatives, en travaillant sur contrat avec le CIO — Comité international olympique —, ou encore en créant un observatoire des migrations des footballeurs à l'échelle européenne, le laboratoire ThéMA tente de comprendre comment le sport est utilisé dans la géopolitique et en quoi il symbolise ou non les progrès de la mondialisation. Les grandes manifestations sportives internationales sont plus particulièrement étudiées car elles focalisent l'attention des médias et deviennent ainsi une caisse de résonance mondiale où l'expression des nationalismes se heurte aux valeurs de l'olympisme (la fraternité, le respect, la solidarité) ; le sport est alors ambivalent entre le « united colors » et l'étendard. L'analyse de ces grandes compétitions permet d'identifier aussi les stratégies adoptées par les acteurs de l'olympisme.
Les pays font tout pour figurer sur la scène internationale au travers de la cérémonie d'ouverture des jeux olympiques (pour les plus faibles) et mieux encore des médailles. L'objectif est alors de trouver une niche dans laquelle se distinguer. C'est ainsi que l'haltérophilie féminine s'est développée en Colombie et en Thaïlande, les pays dominants dans cette discipline étant traditionnellement la Turquie et l'Iran, culturellement peu enclins à former des femmes. Le CIO, qui se targue de l'universalisme, a tout intérêt à voir entrer dans la course de nombreux pays, quitte à introduire des modes de qualification favorables aux pays les plus faibles.
Enfin, les médias qui financent le sport au travers des droits télévisuels (1,4 milliard de dollars pour les derniers jeux) influent sur les formats de compétition et sont très friands de cet « universalisme ». Les flux migratoires des joueurs, leur changement de nationalité, jouent également un rôle prépondérant dans cette géopolitique. En construisant un observatoire des joueurs de football en homogénéisant les données de cinq grands championnats européens, le CERSO a mis en évidence la persistance des réseaux d'influence traditionnels des pays (la France recrute en Afrique, l'Espagne en Amérique du Sud).
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Le sport constitue un marché important, dont le principal moteur est l'innovation : meilleur matériel, plus adapté, plus solide, plus léger, plus performant…, un marché globalement en croissance depuis 1998. Les Français sont les premiers européens à dépenser pour le sport avec un budget moyen de 349 € par ménage en 2005 (selon l'observateur Cetelem), ce qui équivaut à un marché d'environ 10 milliards d'euros pour 2008.
L'ergonomie, la mécanique, la science des matériaux sont en particulier convoquées pour améliorer les performances des équipements, avec des produits diversifiés pour des publics de plus en plus ciblés. Très ponctuellement, les chercheurs francs-comtois interviennent ici ou là, à la demande d'industriels, ou pour lancer un marché, voire une activité.
Lorsqu'un fabricant souhaite mettre sur le marché un nouveau produit, en l'occurrence un vélo à usage de « loisir », il s'inquiète de l'adéquation utilisateur / produit et fait appel à l'équipe ERCOS — Ergonomie et conception des systèmes — du laboratoire SeT — Systèmes et transports — de l'UTBM. Spécialisée dans l'ergonomie et l'étude de la fonction d'usage des outils, des produits et des systèmes, l'équipe a ainsi été retenue pour caractériser, évaluer et proposer un classement en termes de confort et d'adéquation avec l'usage, de plusieurs selles déjà conçues. Le protocole d'étude a nécessité en premier lieu la constitution d'un groupe d'utilisateurs appartenant à la population ciblée. Deux types de tests ont été effectués. Le premier, psychocognitif, a permis de déterminer le ressenti des utilisateurs en termes organoleptique et de confort. Le second, physiologique, utilisait des capteurs de pression, des enregistrements de fréquence cardiaque pendant l'effort et des mesures de températures cutanées pour définir des gênes potentielles de la selle sur le corps. Au final, les différentes selles testées ont été hiérarchisées en pondérant les résultats issus des deux tests. En effet, une selle séduisante visuellement n'est pas nécessairement objectivement la plus confortable. Fort de ce classement, le fabricant a sélectionné une selle qui équipe maintenant les vélos en question. Elle représente le meilleur compromis entre l'usage (ergonomie) et l'estime (design) du produit. Entre confort et vente, l'équilibre est précis, sachant que l'aspect visuel, et le premier contact avec la selle sont des critères importants dans le choix d'un vélo.
Les exemples les plus courants d'optimisation des matériaux et des structures concernent les justaucorps, ou les textures des balles de golf qui sont en conformité avec les règles aérodynamiques, les semelles de ski dont l'état de surface assure une bonne glisse, les chaussures de haute montagne à propriétés isolantes du froid, les matériaux des fleurets à grande élasticité… Ces concepts, tous liés à des approches minimisant les efforts, sont particulièrement intéressants à développer pour décrire les sensations d'amorti et de relance des chaussures de course à pied, et l'apport de confort sensoriel en résultant pour le coureur.
La notion d'amorti est descriptive de la minimisation des sensations associées au contact du pied chaussé avec le sol lors de chaque foulée. Il s'agit d'un transfert d'énergie dite dissipative. Il existe donc des matériaux, sous forme massive ou sous forme de mousses, ainsi que des structures type bulles d'air, alvéoles interconnectées, plaques cellulaires, pistons individualisés… qui assurent ces propriétés. La relance caractérise, à l'opposé, l'apport impulsionnel apporté soit par des matériaux, soit par des structures. On peut la décrire de façon sensorielle comme étant la « nervosité » ressentie. De fait, elle qualifie la restitution partielle ou totale de l'énergie cinétique initiale.
La qualification des propriétés dissipatives est appréhendée par des études viscoélastiques classiques.
Les travaux de l'équipe Microcaractérisation fonctionnelle et sensorielle des matériaux et des biomatériaux de l'ENSMM ont été surtout axés sur la mise en place des expérimentations favorisant la quantification du caractère conservatif du module via des tests instrumentés de rebonds. Un matériau à forte relance absorbera peu d'énergie et conduira à l'observation d'une série de rebonds avec des faibles pertes d'énergie à chaque impact.
Le dispositif mis en place pour qualifier le descripteur nervosité consiste à lâcher une bille, de nature et de masse connues, d'une hauteur définie sur l'échantillon à tester. Ce dernier est positionné sur un capteur piézo-électrique relié à un amplificateur de charge. Une lecture des données visualisées sur ordinateur permet de définir les temps entre les différents impacts. Ce temps est une évaluation indirecte de la hauteur des différents rebonds. Le chemin suivi par la bille lors des rebonds est guidé par un dispositif qui minimise les forces de frottement.
Les résultats favorisent une corrélation entre les grandeurs expérimentales et les appréciations sensorielles fournies par un panel d'experts qui ont la charge de tester les différents matériaux et structures.
Ce type de corrélation est à la base des activités de l'équipe soutenues par la Région Franche-Comté, la DRIRE et le FSE.
Ce ne sont pas de nouveaux sports, mais de nouveaux projets à l'incubateur d'entreprises innovantes.
TRANSBORDING, incubé à Besançon, est porté par d'anciens étudiants de l'UFR STAPS de l'université de Franche- Comté et projette de commercialiser une planche de surf pour entraînement en salle. GRÉEMENT TRAPÈZE, à Sévenans (90), entend développer un nouveau type de gréement de voilier de plaisance, plus performant, en forme de… trapèze. Outre ces travaux très concrets sur le matériel sportif, la Franche-Comté compte également une équipe spécialisée dans la biomécanique. Ses recherches portent notamment sur le vélo : comment les sportifs perçoivent-ils leur effort ? Quelle est la distorsion avec la puissance effectivement développée ? Quelle est la meilleure position à adopter sur un vélo ? En lien avec les cyclistes professionnels, associant parfois la pratique à la théorie en étant entraîneur, les chercheurs comprennent mieux le sport de haut niveau… Mais ceci est une autre histoire.
Commençons par une évidence : l'activité des stations de ski de moyenne montagne dépend fortement des conditions climatiques, et le réchauffement actuel leur est hautement préjudiciable. Or, le système classique des assurances, fondé sur un calcul des risques encourus et des indemnités calculées sur le manque à gagner, semble avoir fait son temps. Comment ces stations peuvent-elles alors se prémunir contre ce risque ?
Un système alternatif doit être trouvé et il émerge du côté des marchés financiers. En effet, depuis 2002, un marché de produits dérivés météorologiques, Nextweather, a été créé en Europe par MÉTÉO FRANCE et POWERNEXT. En théorie, il permet de bénéficier d'indemnités en échange du paiement de primes. Seulement, ici, les indemnités ne sont plus fonction du coût du préjudice subi, mais d'un indice météorologique défini par MÉTÉO FRANCE à partir de ses relevés (température, précipitations…). En France, cinq indices régionaux sont calculés, puis moyennés pour fournir un indice national. L'achat d'un titre, produit spécifique développé pour chaque entreprise par l'institution financière à partir des indices, couvre la prise de risque. Ce marché, toujours en théorie, est sensé fonctionner sur le modèle de la mutualisation des risques dit « du marchand de glaces et du marchand de parapluies » : une condition favorable à l'un des acteurs est défavorable à l'autre. Les pertes de l'un sont alors compensées par les gains de l'autre. Pour fonctionner, il doit donc attirer une grande diversité de clients dont l'activité est sensible aux conditions climatiques. Ce qui semble réaliste puisque 60 à 70 % du chiffre d'affaires mondial dépend du climat.
Une thèse, financée par le Conseil régional de Franche-Comté et menée au laboratoire LIBRE — laboratoire interdisciplinaire bisontin de recherches économiques —, étudie, à l'échelle de la Franche-Comté, l'intérêt pour une collectivité de pénétrer un tel marché. Dans le Haut Jura, les stations de sports d'hiver sont gérées par des délégations de service public. L'investissement est à la charge de la collectivité, tandis que la gestion est assurée par une société privée. En cas d'exercice déficitaire, la collectivité vient en secours et comble le déficit. C'est donc bien la collectivité qui prend en charge les risques.
Pour mener à bien cette étude, la première étape a consisté à vérifier les intuitions de départ, c'est-à-dire à lier l'activité de façon directe au degré d'enneigement et au froid. Les données brutes ont donc été recueillies (température, enneigement, précipitations par jour et en moyenne, cumul de neige) et ont été rapprochées du cumul de l'activité (exprimé en équivalent journées skieur). L'indice de corrélation a démontré cette première intuition. Ensuite un indice, calculé sur trois paramètres influents, permet de décrire une situation « idéale » de référence pour laquelle les coûts d'exploitation sont au plus bas. A contrario, les « zones climatiques » pour lesquelles les risques encourus sont importants, sont finement déterminées.
Si l'étude tend à démontrer l'intérêt pour une collectivité de Franche-Comté de s'assurer dans de tels marchés à dérivés climatiques — ce qui peut faire office de précédent dans la mesure où le seul marché dans lequel une collectivité publique intervient est celui des taux, pour se couvrir contre l'augmentation de la dette —, alors l'économie territoriale du sport s'en trouvera modifiée.