Il fait partie intégrante de BIOME, le nouvel espace de culture scientifique inauguré le 30 août dernier sur le campus de la Bouloie : le Jardin botanique de Besançon expose ses plantations d’extérieur aux promeneurs, et derrière les vitres de ses serres flambant neuves, des centaines d’espèces végétales captent l’attention des visiteurs.
Composées de plantes en provenance du monde entier ou d’origine locale, ses collections se sont encore enrichies à l’occasion de son changement d’adresse.
Un renouvellement en grande partie assuré par des acquisitions et des échanges, en vue d’assurer la mission prioritaire de tout jardin botanique : l’étude et la conservation des plantes. « Certaines espèces sont rares, voire ont disparu de leur environnement naturel, il est donc capital de les conserver à différents endroits pour garantir leur préservation », souligne Arnaud Mouly, directeur scientifique du Jardin botanique de Besançon.
Il subsiste par exemple ici, et dans quelques autres jardins, des spécimens de l’espèce Deppea splendens dont on ne trouve plus trace depuis plusieurs dizaines d’années sur leurs terres originelles d’Amérique du Sud.
Dans les recherches qu’il mène au laboratoire Chrono-environnement, c’est en Nouvelle-Calédonie et Polynésie française qu’ Arnaud Mouly recense la biodiversité végétale et établit des plans de sauvetage d’urgence. « La menace d’extinction dans les milieux insulaires est plus forte que partout ailleurs. Certaines populations comptent à peine cent individus, parfois beaucoup moins ! Il s’agit d’accompagner les autorités dans leurs programmes de sauvegarde, de déterminer les espèces à enjeu de conservation, de décrire des plantes rares qui sont parfois connues depuis peu et ne possèdent même pas encore de nom scientifique. »
Car les interventions des botanistes en faveur de la préservation des espèces dépassent bien sûr le cadre de la culture sous serre pour investir le terrain. À l’échelle régionale, grâce à un projet mené depuis dix ans sur le sol comtois, des plants locaux de saxifrage œil-de-bouc (Saxifraga hirculus) ont ainsi été réintroduits dans une dizaine de tourbières pour que la petite fleur jaune se réapproprie son environnement naturel, sous la surveillance des chercheurs.
La saxifrage de Gizia est quant à elle une rescapée des dernières glaciations et n’existe nulle part ailleurs dans le monde qu’en Franche-Comté. On ne connaît de cette espèce endémique de la région que deux populations, l’une dans le Jura, l’autre dans le Doubs, piégées dans des falaises de basse altitude, et qui se sont adaptées au fil des millénaires. Leur survie dans ces conditions les fait apparaître comme un cas d’isolement génétique qui force l’intérêt des chercheurs et incite à les préserver : un plan de conservation de la saxifrage de Gizia est en cours, pour lequel le Jardin botanique de Besançon est partenaire.
« C’est grâce aux nouveaux équipements dont le Jardin est aujourd’hui doté, et qui accompagnent son redéploiement sur le site de la Bouloie dans des locaux adaptés, que nous pourrons favoriser toujours plus d’applications de terrain à partir de notre expertise de recherche », indique Arnaud Mouly.
Le directeur souligne également le rôle primordial des passionnés qui arpentent les territoires en quête de trouvailles végétales : « Les données naturalistes sont pour l’essentiel recueillies grâce à des réseaux de professionnels et d’amateurs éclairés. Puis les scientifiques étudient et valident les intuitions de ces acteurs de terrain. Ce sont des échanges très fructueux entre recherche et société. »
Piloté par l’université Marie et Louis Pasteur, le Jardin botanique de Besançon est intégré au service Sciences, arts et culture dirigé par Jérémy Querenet. Le Jardin reçoit le soutien financier de la ville de Besançon, qui notamment emploie trois de ses cinq jardiniers, ainsi qu’un apprenti. La coordination technique et scientifique est assurée par deux spécialistes en botanique de l’université, dont le directeur Arnaud Mouly.
Ce fonctionnement s’intègre à une longue tradition académique, puisque l’affiliation du Jardin botanique à l’université date de 1726 (voir l’articlePompiers connectés pour plus de sécurité , paru dans le journal en direct n°295, juillet-août 2021).
Trois cents ans séparent ainsi sa mission première de formation des étudiants en médecine à celles qui animent son équipe aujourd’hui.
Outre les sciences ayant trait à l’environnement, le Jardin botanique vient en appui à l’enseignement et à la recherche de plusieurs disciplines : la pharmacognosie, dont les spécialistes travaillent à l’extraction de molécules de plantes pour en étudier l’intérêt thérapeutique ; la mécanique et la physique, à qui les structures des végétaux à l’échelle du micro- ou du nanomètre, par mimétisme, fournissent matière à innovation ; l’archéobotanique, la génétique et l’histoire, grâce aux graines ou végétaux anciens, aux composés et à l’ADN très instructifs pour l’étude du passé ; la philosophie même, qui établit des analogies entre structurations politique et végétale.
En parallèle, le Jardin bisontin ne se départ pas de son rôle fondamental de conservation botanique et de préservation des espèces menacées, que le lien entre expertise universitaire et application de terrain rend particulièrement vivant.