13 %, c’est la proportion de pertes agricoles dues à des champignons pathogènes chaque année dans le monde. Le rhizoctone brun qui fait pourrir les laitues et la sclérotiniose qui affecte les endives sont les cibles prioritaires d’un projet de recherche collaboratif¹ visant à mettre en œuvre des solutions durables de lutte contre les champignons pathogènes du sol.
Réseau mycorhizien – Loreto Oyarte Galvez
Les fongicides de synthèse sont nocifs pour les écosystèmes et la santé humaine, et leur utilisation systématique provoque un phénomène de résistance. Les fongicides naturels sont plus respectueux de l’environnement, mais font preuve d’une moindre efficacité, notamment dans le sol. Dans ce contexte, des chercheuses de l’université de Neuchâtel, de la HE-Arc Ingénierie et du FiBL, l’Institut suisse de recherche en agriculture biologique, ont décidé d’explorer une troisième voie, fondée sur le recours aux réseaux souterrains que produisent des champignons, inoffensifs ceux-là.
L’existence de ces « autoroutes fongiques » a été mise en évidence par des recherches en écobiologie microbienne du sol. Les réseaux sont formés par des filaments que produisent les champignons, les hyphes, et sont empruntés par certaines bactéries pour se déplacer. Les chercheuses entendent reproduire ce phénomène en développant des « champignons-autoroutes » à même de transporter, jusqu’aux racines, des bactéries réputées pour leur action sur les moisissures qui attaquent les plantes. Une diffusion ciblée, efficace, et sans impact délétère sur les écosystèmes.
« En pratique, les bactéries bénéfiques, associées à un champignon-autoroute, sont enfermées dans une microcapsule, le temps que tous deux parviennent à leur environnement cible. Une fois dans le sol, le champignon-autoroute brisera la barrière de la microcapsule et pourra déployer ses hyphes, créant ainsi un pont pour permettre aux bactéries d’atteindre leur cible », expliquent les chercheuses.
Vue au microscope d’une colonie de bactéries (colorisées en mauve) sur des hyphes de champignons (en jaune). Photo Saskia Bindschedler -Unine
Mettre au point un tel dispositif requiert des compétences pointues et complémentaires. À l’UniNE, la biologiste Saskia Bindschedler et ses collègues auront pour mission première de faire émerger les bonnes combinaisons entre un champignon et des bactéries réputées pour leur efficacité sur les moisissures visées.
À la HE-Arc Ingénierie, l’équipe d’Alexandra Kämpfer-Homsy, spécialiste des systèmes microfluidiques, se chargera de la micro-encapsulation du dispositif, en recourant à des matériaux totalement naturels.
Enfin au FiBL, la chercheuse en sciences des sols Natacha Bodenhausen et ses collègues testeront l’efficacité des champignons-autoroutes par le biais d’expériences réalisées en pot et en plein champ. « L’institut procédera également au suivi génétique des communautés microbiennes qui se développeront aux alentours des racines des plantes à protéger, afin de s’assurer que l’environnement non ciblé par le remède soit bien préservé. »