La génomique et la protéomique, comme lensemble des sciences de la vie, connaissent actuellement un grand développement. Elles constituent un espoir réel pour le diagnostic médical et une amélioration significative de la santé. Ces techniques sont dun grand intérêt pour lindustrie pharmaceutique qui en encourage la mise au point.
• Ce développement est rendu possible par des nouvelles méthodes expérimentales. La spectrométrie de masse, dans ce contexte, a longtemps souffert dun handicap sérieux : le manque de sensibilité à peu près total des détecteurs classiques aux macromolécules, intéressantes pour la génomique et la protéomique. Les détecteurs conventionnels mesurent lionisation ou la scintillation produite par une particule lors de son passage dans la matière. Or ces quantités dépendent fortement de la vitesse. À une énergie donnée, elles décroissent dramatiquement avec la masse, ce qui rend les détecteurs inopérants.
• Réalisant que toute lénergie déposée dans de la matière par une particule, ionisante ou non, termine en chaleur, Damian Twerenbold, maintenant privat-docent à luniversité de Neuchâtel, a eu lidée de mesurer celle-ci. Il savère quà température ambiante, elle disparaît dans les fluctuations thermiques. Elle peut toutefois être mise en évidence dans un corps maintenu à très basse température. Cest le principe de base des détecteurs cryogéniques de tous les types.
• Le groupe de Physique des particules de luniversité de Neuchâtel, dirigé par Jean-Luc Vuilleumier, a été sollicité pour vérifier cette thèse. Spécialisé dans la mise au point de détecteurs de particules, ce groupe dispose des compétences et des infrastructures nécessaires. Dans un premier temps un prototype de spectromètre de masse de conception certes primitive, mais équipé de détecteurs cryogéniques, a été construit. Il a permis de démontrer de manière convaincante que lefficacité de détection de macromolécules est totale, et ceci quelle que soit la masse. Des molécules aussi lourdes que celles de linsuline, limmunoglobuline ou des fragments dADN ont pu être détectées individuellement. Létat de charge peut être déterminé pour chaque molécule daprès la grandeur du signal mesuré. Ces résultats constituent une percée importante et confirment les espoirs mis dans cette technique.
• Les principes de base étant ainsi démontrés, Damian Twerenbold a fondé une entreprise, GENSPEC SA, pour développer conjointement avec lInstitut de physique et commercialiser des spectromètres de masse à temps de vol utilisant des détecteurs cryogéniques. Un partenaire industriel important soutient aujourdhui ces recherches. Leffort porte non seulement sur la fabrication de détecteurs cryogéniques fiables et performants, mais aussi sur des techniques tirant parti des propriétés de ceux-ci pour améliorer la résolution en masse, un autre paramètre clé.
• Le mécanisme dinjection des molécules est principalement concerné. La mise au point dun système plus doux, avec une distribution en vitesse plus resserrée, a été entreprise. Les techniques clés sont ici la microfluidique combinée à lutilisation de lasers infra-rouges, et non ultra-violets comme dans les systèmes conventionnels. Deux groupes spécialisés dans ces techniques se sont joints au projet : le groupe du professeur Nico de Rooij, à lInstitut de microtechnique de luniversité de Neuchâtel, spécialisé dans la fabrication de petites structures et qui a mis au point des micro-buses permettant de présenter au laser, de manière contrôlée, de fines gouttelettes de solution contenant les macromolécules à étudier ; et le groupe du professeur Heinz Weber, de lInstitut de physique appliquée de luniversité de Berne, chargé de la partie laser infra-rouge, pour laquelle il a toutes les compétences. Cest une impulsion du laser qui conduit la gouttelette à lévaporation, libérant les macromolécules dans la section accélératrice du spectromètre.
• La conjonction de tous ces efforts a permis davancer dans la construction dun prototype commercial et deffectuer certains tests. Parallèlement, des recherches dun caractère plus fondamental se poursuivent dans les universités de Neuchâtel et Berne pour améliorer encore ces techniques expérimentales.
Jean-Luc Vuilleumier
Institut de Physique
Université de Neuchâtel
Tél. 41 32 718 29 06
jean-luc.vuilleumier@unine.ch