Engagés depuis plus de vingt ans dans l’aventure hydrogène et dans la technologie pile à combustible qu’ils ont été parmi les premiers à défendre, les chercheurs comtois sont prêts. Prêts à confirmer par leurs travaux que l’hydrogène est un pilier incontournable de la transition énergétique ; prêts à poursuivre en région la construction d’un écosystème complet autour de la filière, avec la collaboration des industriels et le soutien des pouvoirs publics.
C’est l’élément le plus abondant de l’Univers, le principal constituant du Soleil et des étoiles qu’il alimente en énergie. Sur Terre, l’hydrogène est un composant essentiel de toute matière vivante ; le milieu où on le trouve le plus couramment est l’eau, d’où il peut être extrait sous forme de gaz : sa formule chimique H2 correspond à l’appellation scientifique dihydrogène, couramment simplifiée en hydrogène. Ce procédé d’extraction par électrolyse est marginal dans la production mondiale d’hydrogène, actuellement principalement issu d’énergies fossiles. Produire de l’hydrogène à partir d’eau est cependant le choix des chercheurs comtois qui, motivés par l’intérêt d’une production verte de l’hydrogène, ont intégré ce procédé à leurs travaux. C’est là le premier maillon d’une chaîne de valeur désormais entièrement maîtrisée en Franche-Comté ; la conversion de l’hydrogène en électricité grâce à la technologie pile à combustible est au centre du processus, qui se poursuit avec les étapes capitales que représentent l’intégration des systèmes pile à combustible (PAC) pour l’alimentation en énergie des transports et des bâtiments, et le stockage de l’hydrogène. Un écosystème complet qui, au fil des années, se construit en Franche-Comté autour de la recherche, de la formation et de l’industrie, une position de premier plan au sein de l’Hexagone.
L’hydrogène n’a plus aujourd’hui l’image de solution improbable qui a pu lui être prêtée ; il représente une option de premier plan pour réussir la transition écologique. Il concerne le bâti, locaux professionnels ou habitations, pour la fourniture d’électricité et d’énergie thermique, les transports, pour la traction des véhicules comme pour l’alimentation électrique de systèmes connexes, ou l’alimentation électrique de sites isolés via des groupes électrogènes.
Dans le domaine des transports, l’hydrogène apparaît une solution pertinente pour le lourd comme pour l’ultraléger. Les recherches se concentrent sur la mobilité lourde, camions, trains, bateaux, avions…, et sur les applications industrielles de l’hydrogène, là où les gains sont potentiellement les plus importants pour s’affranchir des énergies polluantes, et à ce titre priorité de l’Union européenne.
Dans le secteur de la mobilité, l’hydrogène est particulièrement complémentaire des technologies de stockage d’énergie électrique de type batteries, les systèmes PAC permettant une autonomie très élevée et une durée de recharge réduite. L’hydrogène est également intéressant pour des usages non routiers, notamment servant les besoins des entreprises sur site, comme les chariots élévateurs pour la manutention.
Depuis 20 ans, les chercheurs de l’Institut FEMTO-ST et du FCLAB¹ mettent leurs compétences et les moyens techniques à leur disposition, pour l’essentiel déployés dans le Nord Franche-Comté, à Besançon également en ce qui concerne le stockage d’hydrogène, au service de l’ensemble de ces applications. Leurs travaux ont concerné par le passé aussi bien la mise au point d’un quadricycle utilisé pour la distribution du courrier, MobyPost, à l’origine de la première flotte de véhicules à hydrogène homologuée pour circuler sur le territoire français, que l’intégration d’une PAC sur la chaîne de traction du camion militaire ECCE. Depuis, de nombreux projets sont développés pour la mobilité ou le stationnaire, pour l’essentiel en lien avec des partenaires industriels. Certains chercheurs sont par ailleurs engagés dans des instances nationales et européennes, apportant leur contribution à la réflexion stratégique globale autour de l’hydrogène et à l’édiction de textes législatifs préparant le futur.
La pile à combustible constitue le cœur des systèmes, pour le stationnaire comme pour la mobilité : c’est elle qui convertit l’hydrogène en électricité. Dans le domaine des transports, la PAC est installée directement sur le véhicule, soit pour alimenter le moteur électrique de traction, qui fonctionne alors sans émettre ni pollution, ni bruit, soit pour faire fonctionner des systèmes électriques connexes, comme l’éclairage d’un poste de pilotage, le fonctionnement automatique de portes ou la réfrigération d’une cargaison.
Produit dans des installations dédiées sur le sol comtois, l’hydrogène est obtenu à partir d’eau et de soleil : des panneaux photovoltaïques fournissent l’électricité nécessaire à l’électrolyse de l’eau, dont la molécule ainsi décomposée libère de l’hydrogène sous forme de gaz (dihydrogène), récupéré puis stocké à haute pression. Sur un véhicule, l’hydrogène est transporté dans des réservoirs à très basse pression sous forme gazeuse, solide ou même liquide pour certaines applications.
L’aéronautique est un secteur pour lequel plusieurs projets sont en cours, comme la mise au point de deux avions légers et hybrides avec Avions Mauboussin, société implantée à Belfort et nom historiquement lié à l’aviation. Embarquer de l’hydrogène répond bien à l’exigence de légèreté que demande la propulsion d’un avion dès lors qu’il comporte plus de deux places. Le biplace Alérion M1h et le six-places Alcyon M3c sont tous deux des avions à décollage / atterrissage court. Leur conception entre dans une logique attendue de l’aviation de demain : des machines non polluantes et silencieuses, capables d’évoluer au plus près des besoins de la mobilité interurbaine et se contentant d’installations de faible envergure. Leur commercialisation est envisagée au cours de la décennie, avec des vitesse et autonomie de 250 km/h et plusieurs centaines de kilomètres pour le biplace, de 370 km/h et 1500 km pour le six-places.
Alérion M1h et Alcyon M3c suivent un même schéma de développement, organisé en deux temps : si décollage et atterrissage courts sont d’office prévus en mode électrique, une première version des avions prévoit leur croisière en propulsion thermique ; cette option traditionnelle laissera ensuite place à un moteur électrique fonctionnant grâce à des turbines alimentées à l’hydrogène. « Pour la partie qui nous concerne, le défi consiste à trouver des solutions pour réduire l’émission d’oxyde d’azote générée par l’injection de l’hydrogène dans les turbines, explique David Bouquain, directeur adjoint du FCLAB. Une émission d’oxyde d’azote acceptable, voire nulle, s’ajoutant à l’absence d’émission de gaz à effet de serre que garantit la PAC hydrogène, signifierait un gain formidable au plan environnemental ». L’aboutissement de cette recherche pourrait concerner la rénovation de milliers de turbines à gaz utilisées pour de nombreuses applications outre l’aéronautique, un marché potentiel énorme en Europe.
Les systèmes pile à combustible sont à même de fournir électricité et chaleur aux bâtiments, simultanément, grâce à des techniques de cogénération, avec des rendements globaux particulièrement élevés. Mais produire du froid en même temps que de l’électricité s’avère une option plus adaptée sous certaines latitudes…
RECIF est un projet mené dans ce sens en Polynésie française ; il fait preuve d’une originalité certaine en apportant une réponse sur mesure à une problématique territoriale particulière. Dans ce territoire d’Outre-mer, l’électricité est actuellement fournie par des centrales au fioul. L’objectif du projet est de décarboner une partie de cette production en utilisant les ressources apportées par les douze heures d’ensoleillement quotidien dont bénéficie l’archipel. Grâce à une technique de cogénération adaptée, les habitations et bureaux concernés pourraient également profiter d’une climatisation bienvenue à certaines heures de la journée.
« Compte tenu de l’exposition naturelle au soleil dans cette région du monde, l’installation de panneaux photovoltaïques apparaît une excellente solution pour produire de l’électricité qui sera soit directement utilisée, soit stockée sous forme d’hydrogène pour une consommation à la demande », explique Daniel Hissel, professeur à l’Université de Franche-Comté et responsable de l’équipe SHARPAC au département Énergie de l’Institut FEMTO-ST, porteur local du projet RECIF. C’est là que se situe la nouveauté : « Lors du processus de transformation de l’hydrogène en électricité, la PAC produit naturellement de la chaleur ; cette chaleur sera ici convertie en froid grâce à un système thermochimique intégré ». Une sorte de « pompe à chaleur chimique », qui transforme les 90°C dégagés par la PAC en source de fraicheur, une première mondiale.
La recherche fait actuellement l’objet d’un test grandeur nature à Tahiti, où vient d’être livré un prototype réalisé à Belfort, qui donnera lieu à miniaturisation et intégration dans le bâti dès lors que les essais sur site seront jugés probants.
Débuté en 2019, RECIF est un projet financé par l’Agence nationale de la recherche (ANR) pour quatre ans, réunissant UBFC, l’Institut FEMTO-ST, la start-up H2SYS et les universités de Perpignan et de la Polynésie française.
Annoncé en septembre 2020 par le gouvernement français, le plan hydrogène prévoit une enveloppe de 7,2 milliards d’euros sur la décennie pour faire de l’hydrogène un pilier du mix énergétique à l’horizon 2030. « C’est un budget énorme comparé aux engagements pris jusqu’à présent, d’envergure européenne. Même s’il sera forcément insuffisant pour assurer une pénétration très forte de l’hydrogène-énergie dans des marchés industriels multiples, il n’en reste pas moins que ce signal très fort de l’État motive la recherche, l’industrie et les collectivités locales et de manière plus générale, toute la société », estime Daniel Hissel, qui, entre autres responsabilités académiques, est directeur adjoint de la fédération nationale de recherche sur l’hydrogène FRH2. La région Bourgogne – Franche-Comté confirme aussi de son côté l’engagement pris pour le territoire depuis de nombreuses années : 90 millions d’euros ont ainsi été fléchés pour la filière hydrogène en 2019, « une somme considérable à l’échelle d’une région ».
Nombre de projets peuvent ainsi émerger ou se développer, ils comprennent la mise au point ou l’acquisition d’équipements de haute technologie. Parmi eux, le projet DurabilitHY a reçu le label EquipEx+ au titre de la troisième vague du programme d’investissements d’avenir (PIA3). FCLAB et l’Institut FEMTO-ST sont partie prenante de ce projet piloté par l’université fédérale Toulouse Midi-Pyrénées, qui prévoit la mise en réseau d’équipements sur le territoire. L’objectif est l’évaluation et surtout l’augmentation des performances et de la durée de vie des piles à combustibles et électrolyseurs, pour les applications stationnaire et transport. DurabilitHY fournira ainsi des moyens d’essai supplémentaires pour la recherche académique ou partenariale. Doté d’une aide de 12,5 millions d’euros sur 7 ans, dont 5 millions sont fléchés pour Belfort, c’est le seul projet EquipEx+ dédié à l’hydrogène en France.
Directement née de travaux de recherche menés au département Énergie de l’Institut FEMTO-ST, spécialisée dans le développement de générateurs d’électricité à hydrogène, la jeune société H2SYS suit une courbe ascensionnelle spectaculaire depuis sa création en 2017 : chiffre d’affaires multiplié par 3 sur une seule année, entre 2019 et 2020, assorti d’un prévisionnel au beau fixe ; effectif lui aussi multiplié par 3 en deux ans, et qui atteint aujourd’hui la vingtaine de collaborateurs ; multipliée par 3 également, la surface des ateliers et des bureaux des nouveaux locaux qu’occupera la société sur le site de Techn’hom à partir de juin. Des chiffres dont ne peut que se réjouir Sébastien Faivre, cofondateur et dirigeant de l’entreprise : « H2SYS bénéficie d’une récente levée de fonds de 5 millions d’euros, qui permet d’aider au recrutement de nouveaux collaborateurs et aux investissements industriels.
La société a par ailleurs été lauréate fin 2020 du « fonds d’accélération des investissements industriels dans les territoires », qui la dote de 800 000 € de subventions. » Une manne bienvenue, car l’hydrogène est un secteur qui nécessite des équipements de production coûteux, d’autant qu’ils doivent répondre à des normes de sécurité très exigeantes.
Toujours très orientée vers l’innovation, H2SYS connaît cependant, au terme d’à peine quatre ans d’activité, une véritable phase d’industrialisation que la crise sanitaire favorise. « La crise a montré que tout peut s’arrêter très vite, et les industriels ont la volonté d’être plus autonomes par rapport aux autres pays. En matière d’énergie, adopter des solutions hydrogène contribue à leur indépendance. »
Les générateurs d’électricité H2SYS sont pressentis pour remplacer les groupes diesel sur les chantiers de travaux publics, équiper des bâtiments tels que les centres de secours , les gendarmeries et autres institutions publiques, fournir de l’électricité pour les besoins annexes d’une activité, comme le fonctionnement des véhicules circulant dans les aéroports, assurer la génération de froid pour les cargaisons des semi-remorques frigorifiques tels que ROAD…
« La pile à hydrogène sert de base à toutes ces applications, mais des logiciels de gestion de l’énergie permettent les adaptations nécessaires pour optimiser le fonctionnement des systèmes et limiter la consommation d’hydrogène », explique Sébastien Faivre.
Les développements proposés par H2SYS concernent directement le projet HyDATA, dont sont également partie prenante les sociétés Mahytec et Trinaps, l’Institut FEMTO-ST ET FCLAB, un partenariat 100 % comtois. Leur objectif ? Mettre au point un générateur hydrogène capable de pallier une déficience du réseau électrique alimentant les data centers, serveurs de données informatiques, à la place des générateurs diesel actuels. « Le défi est de réussir à intégrer la solution hydrogène au data center pour un fonctionnement avec un temps de réponse de l’ordre de la milliseconde », explique Robin Roche, directeur adjoint du département Énergie de l’Institut FEMTO-ST.
Un premier démonstrateur a apporté la preuve de la fiabilité du système : en cas de panne électrique, le générateur hydrogène réussit à prendre le relais immédiatement, sans dommage pour les données, et peut assurer le fonctionnement des serveurs pendant 48 h. La prochaine étape, à laquelle travaillent actuellement les partenaires du projet, consiste à augmenter la puissance du générateur et à assurer une plus grande capacité de stockage de l’hydrogène, combinant réservoirs à basse et à haute pression. « Le générateur est alimenté par de l’hydrogène stocké à 60 bars ; dans la nouvelle configuration, un deuxième réservoir à 500 bars permettra de recharger le premier à basse pression alors même qu’il est en cours d’utilisation. » Un système d’alimentation en continu laissant imaginer une autonomie infinie. La solution actuellement testée comporte une pile à combustible générant une puissance de quelques kW. Équipé des deux réservoirs et fonctionnant à l’aide de plusieurs piles, le système devrait à terme atteindre une puissance de 20 kW. La seconde version du générateur sera installée à Extendo, le data center opéré par l’entreprise Trinaps. Le projet HyDATA reçoit le soutien financier de Bpifrance et de la région Bourgogne – Franche-Comté.
Dans l’Yonne, Saint-Florentin accueille une station d’enfouissement de déchets organiques à l’origine de la production de méthane, dont est dérivé le nom du processus à l’œuvre : la méthanisation, c’est-à-dire la décomposition naturelle de ces matières.
À proximité, un important parc éolien fournit de l’électricité, dont la production fluctuante ne permet pas toujours qu’elle soit utilisée en totalité sur le réseau. Le projet HyCAUNAIS prévoit d’utiliser les ressources résiduelles de ces deux productions d’énergie pour en créer une nouvelle. Il s’agit de se servir du CO2 produit lors du processus naturel de méthanisation et du surplus d’électricité fourni par les éoliennes pour créer du méthane de synthèse, qui pourra être redistribué sous forme de gaz naturel. L’hydrogène est un composant essentiel de ce processus aux vertus environnementales indéniables. Selon la technologie du Power-to-gas, l’électricité en surplus est transformée en hydrogène via un électrolyseur ; mis en présence de cet hydrogène, le CO2 dégagé lors de la fermentation des déchets se transforme en méthane. Le procédé d’obtention du gaz est ici industriel, on parle dans ce cas de méthanation. « L’hydrogène s’avère la solution idéale pour assurer le stockage quotidien ou saisonnier de l’électricité ; l’utiliser pour transformer du CO2 en gaz naturel directement utilisable pour la fourniture énergétique de bâtiments ou l’alimentation de véhicules, entre pleinement dans la logique du développement d’énergies vertes », explique Samir Jemei, professeur et coordinateur du projet HyCAUNAIS à l’université de Franche-Comté.
Les compétences des chercheurs de l’Institut FEMTO-ST et du FCLAB sont convoquées pour assurer la gestion énergétique de l’ensemble du système. L’objectif du consortium est de réaliser un prototype sur site, apportant la preuve de la faisabilité et de l’intérêt du concept, puis, au terme du projet, d’être en mesure de répliquer ce modèle devenu mature techniquement et économiquement, en vue de le commercialiser.
Officiellement lancé en avril 2019, HyCAUNAIS est un projet pilote en France et réunit de grands noms de l’énergie ; lancé par l’entreprise STORENGY, accompagné par l’ADEME dans le cadre du programme d’investissements d’avenir (PIA), il est financé par l’Europe via le FEDER, la région Bourgogne – Franche-Comté, les industriels concernés et l’université de Franche-Comté, seul partenaire académique du montage, pour un budget global de plus de 10 millions d’euros sur 6 ans.
Toute recherche technologique passe par des étapes de simulation faisant intervenir des modèles informatiques. La maturité acquise dans ce domaine est aujourd’hui telle qu’elle permet le développement de ces modèles pour les mettre à la disposition de tous les acteurs de la filière hydrogène, notamment des industriels.
La première plateforme logicielle dédiée à l’hydrogène et entièrement libre d’accès vient ainsi de voir le jour. Elle propose la simulation de systèmes hybrides à base de piles à combustible et de batteries. Née du projet VIRTUAL-FCS réunissant l’Institut FEMTO-ST, le FCLAB, la Fondation pour la recherche scientifique et industrielle (SINTEF) en Norvège et plusieurs industriels en Europe, cette plateforme vient en appui à la conception et au dimensionnement des systèmes hydrogène, gains de temps et économies financières à la clé.
Simuler différents modes de fonctionnement, estimer une consommation énergétique, déterminer le nombre et le type de batteries nécessaires, et bientôt prévoir la durabilité des systèmes figurent au nombre des opérations que permet la plateforme. De très nombreuses applications sont concernées dans le domaine de la mobilité, lourde ou légère, le maritime et le ferroviaire. « La plateforme s’adresse aux entreprises et bureaux d’étude même s’ils n’ont que peu d’expérience du domaine hydrogène. De la même façon, elle ne requiert pas de connaissances informatiques spécifiques pour utiliser les algorithmes. Des documents didactiques et des tutoriaux sont conçus et des forums de discussion prévus pour aider les utilisateurs », explique Nadia Yousfi Steiner, professeure à l’université de Franche-Comté / Institut FEMTO-ST, et porteuse de ce projet européen. « La plateforme sera mise à jour en continu, et une nouvelle version publique de codes sera déposée tous les trois mois, accompagnée d’une documentation complète. » Un atelier de formation est en outre prévu au terme d’une année de fonctionnement de la plateforme.
La modélisation de piles à combustible en temps réel est une compétence rare que maîtrisent Fei Gao et son équipe. Aujourd’hui directeur adjoint de l’Institut FEMTO-ST, Fei Gao présentait en 2010 à l’UTBM une thèse sur ce sujet, dans le cadre de recherches menées sous la supervision de Benjamin Blunier, malheureusement disparu à peine deux années plus tard, et dont les travaux constituent pour son élève le fondement des développements scientifiques opérés par la suite. Fin 2012, c’est au tour d’Elena Breaz de soutenir une thèse sur un sujet équivalent à l’université technique de Cluj-Napoca en Roumanie, après un séjour à l’UTBM, qu’elle a depuis définitivement intégrée pour dispenser son enseignement et développer ses recherches à l’Institut FEMTO-ST.
Fei Gao et Elena Breaz sont devenus des experts incontestés de la modélisation PAC en temps réel, et l’équipe est quasiment la seule à pouvoir afficher cette compétence à l’international. Une compétence aujourd’hui mise à la disposition de tous les acteurs de la filière hydrogène, par l’intermédiaire d’une plateforme déployée par l’entreprise Typhoon HIL, spécialiste mondial du développement de simulateurs en temps réel.
« Sur cette plateforme logicielle, la bibliothèque que nous avons constituée propose différents modèles de PAC accessibles aux industriels, qui peuvent intégrer leurs paramètres au modèle choisi, par le biais d’une simple interface », explique Fei Gao. L’industriel peut tester l’intégration d’un composant physique dans un système hydrogène en le remplaçant par un modèle virtuel : l’ensemble du système continue à fonctionner, et la réponse au test est immédiate, permettant des ajustements, de nouveaux contrôles et une validation préalable à un essai physique. Les modèles PAC en temps réel développés par Fei Gao et Elena Breaz sont disponibles depuis 2019 dans les bibliothèques HIL 404 et HIL 604 de la plateforme Typhoon HIL. Pour en savoir plus : https://www.typhoon-hil.com
Dans le Nord Franche-Comté, les moyens techniques montent en puissance pour répondre aux besoins de la recherche comme de l’industrie. Inauguré ce mois de mai, HYBAN est un banc d’essai et de caractérisation de pile à combustible de forte puissance, affichant 120 kW électriques, un dispositif sans équivalent en Europe. Forts de leur longue expérience, les chercheurs ont rédigé un cahier des charges précis et exigeant pour la mise au point de ce banc fabriqué par le groupe allemand FEV. « HYBAN est un dispositif ouvert, suffisamment flexible pour que les industriels puissent personnaliser leurs essais, tester et caractériser des prototypes sur des paramètres tels que la température, les vibrations, le démarrage à froid… », explique David Bouquain, coordinateur de ce projet à FCLAB. HYBAN autorise des essais ultimes : un véhicule équipé d’une PAC testée sur HYBAN pourra obtenir son homologation pour se lancer sur la route.
120 kW correspond à la puissance maximale nécessaire à une PAC pour alimenter la chaîne de traction d’une voiture de tourisme. Sur un train ou même un camion, plusieurs PAC sont montées en réseau pour assurer ce rôle. D’une masse totale de 2 tonnes, le banc est réalisé en plusieurs parties modulables et déplaçables. « HYBAN offre aux industriels du domaine des moyens d’essai couvrant l’ensemble de leurs besoins à l’échelle 1. C’est une opportunité pour les entreprises, et notamment pour les PME, de faire aboutir leurs projets sans qu’elles aient à réaliser d’emblée de lourdes acquisitions. » Outre l’investissement de départ, un banc d’essai de niveau expert tel qu’HYBAN occasionne des frais de fonctionnement s’élevant à plusieurs milliers d’euros par jour et nécessite des compétences spécialisées que peut fournir FCLAB. Pur produit de l’ingénierie FCLAB, HYBAN est un équipement financé par la région Bourgogne – Franche-Comté, le Grand Belfort et l’UTBM.
Le CMI (Cursus master ingénierie) est un parcours licence + master augmenté de cours supplémentaires, de stages et de nombreuses incursions en laboratoire et en entreprise, dès la première année de la licence. Lancé à la rentrée 2014 par l’université de Franche-Comté, le CMI H3E (Énergie, hydrogène, efficacité énergétique) est la première et pour l’instant la seule formation de ce niveau proposée en France, comportant un volet hydrogène. Il est adossé aux deux masters Énergie proposés à l’UFR STGI / Université de Franche-Comté à Belfort. Un parcours exigeant pour des étudiants très motivés, à partir de cette année ouvert en alternance pour les deux années du master. « L’objectif du CMI est de former des cadres supérieurs, rapidement opérationnels en entreprise. La dimension hydrogène est un avantage incontestable pour ces futurs professionnels », souligne Nadia Yousfi Steiner, responsable pédagogique de la formation.
Outre cette mission prioritaire, ISTHY développera des formations à destination des professionnels, afin qu’ils puissent adapter leurs pratiques aux évolutions très rapides des technologies dans ce domaine. ISTHY s’investira également avec les recherches publique et privée, auxquelles elle mettra ses moyens et compétences à disposition dans le cadre de projets.
« L’hydrogène représente un défi et un enjeu incroyables pour la région Bourgogne – Franche-Comté, et l’inauguration d’ISTHY, prévue début 2023, sera une étape clé pour poursuivre la construction d’un écosystème complet sur le territoire. »