Véritables armoires à glace ou composants à peine visibles à l’œil nu, ils peuvent imposer leur stature dans la chaîne de production d’une entreprise comme se glisser dans les plus petits des schémas de manipulation. Les robots ont cependant ceci en commun d’être constitués de systèmes mécaniques articulés autour de plusieurs axes, et programmés pour effectuer une tâche de façon répétitive. Mais la robotique industrielle et la microrobotique sont deux mondes bien distincts, chacun pourvu de logiques, de techniques et de développements propres, retrouvant cependant une convergence dans leur finalité : seconder la main de l’homme.
– Nul besoin d'être ingénieur pour configurer un robot
– Le robot, faire-valoir de l'homme ?
– Le suivi de trajectoire, une spécificité haute précision
– La microrobotique, discipline phare de Besançon
– Manipuler l'infiniment petit avec µROBOTEX
– Explorer le rapport entre nez et mémoire
La robotique affectionne les contradictions et les singularités. Très vaste domaine, habité par de grands comme de minuscules systèmes à vocations et applications multiples, elle requiert un niveau de compétence de premier plan dans des disciplines connexes. Et si le dynamisme de l’Europe n’est plus à démontrer en termes de recherche et de développement, la frilosité de certains pays dans la robotisation de leur outil de production surprend en comparaison. La France est un exemple significatif de ce paradoxe : elle se distingue au plus haut niveau scientifique et technologique, mais peine à inculquer une culture de la robotique à ses entreprises, PME en tête.
Le dispositif Robot Start PME mis en œuvre par le gouvernement français en 2013 veut encourager les entreprises à s’équiper, lever les craintes et débloquer les verrous les empêchant de prendre des options innovantes de gestion de la production. « Un robot, quelle utilité ? Comment le gérer techniquement ? L’investissement n’est-il pas trop coûteux ? Et l’emploi ?… » La foire aux questions de la robotique met toujours les mêmes interrogations en avant.
Robot Start PME souhaite y répondre ; il apporte une aide logistique et un soutien financier aux entreprises accédant pour la première fois à un équipement robotique. Christophe Perrard, du Groupe automatique et productique (GAP) à l’université de Franche-Comté, est le référent expert du dispositif pour la région comtoise. Il estime que les entreprises ne doivent plus craindre la robotisation de leur outil de production, dont elles ont beaucoup à gagner, et balaie une inquiétude prioritaire : « aujourd’hui, il n’est plus besoin d’être ingénieur pour faire fonctionner les systèmes ; les interfaces sont devenues conviviales et simples d’accès ».
Cyberchocs 1200 – Haute école Arc Ingénierie – Test aux chocs d’une montre haut de gamme
Photo Patrice Schreyer, Fontainemelon (Neuchâtel)
Outil pragmatique, Robot Start PME voit son pilotage assuré en région par le CETIM (Centre technique des industries mécaniques) et le SYMOP (Syndicat des entreprises et technologies de production). Il s’inspire du dispositif CERMASOPP piloté par le CETIM en 2011 et 2012 en Franche-Comté, terre industrielle oblige…
Créer un centre d’usinage robotisé : l’idée faisait son chemin depuis un certain temps chez PERRIN AQUA DÉCOUPE, une société comtoise spécialisée dans la découpe et l’usinage par jet d’eau. Avec un petit coup de pouce de Robot Start PME, l’entreprise vient de s’équiper de l’outil rêvé. « L’aéronautique, le spatial, le médical ou encore l’automobile génèrent des problématiques d’usinage très spécifiques, que les technologies traditionnelles ne peuvent résoudre, explique Éric Perrin, dirigeant de la société. Le process à jet d’eau, relativement nouveau dans l’industrie, est une solution ; il nous fallait encore améliorer ses possibilités en créant notre propre équipement. » En moins d’un an, c’est chose faite. La machine est construite autour d’un logiciel de conception et fabrication assistées par ordinateur (CFAO), et d’un robot six axes, dont munir le bras d’une tête de découpe à haute pression n’était pas le moindre des paris.
Combinaisons de différentes opérations d’usinage, répétabilité et qualité sont les maîtres mots d’une solution robotique qu’Éric Perrin qualifie avec humour de « gros couteau suisse ». C’est la première réalisation aidée par Robot Start PME en Franche-Comté. « La question était de savoir si le concept de machine que nous avions imaginé était réalisable techniquement, raconte Éric Perrin. Les conseils et le suivi que nous a apportés le CETIM par le biais de ce dispositif ont à cet égard été déterminants. »
Au-delà de l’aspect technique, le projet comportait déjà une dimension économique et humaine pour appréhender la réalité de l’entreprise dans sa globalité. Enseignant-chercheur en gestion à l’université de Franche-Comté, Pascale Brenet avait alors apporté sa pierre à l’édifice grâce à son expertise en ingénierie financière et stratégie d’entreprise. Elle explique qu’aux craintes habituellement évoquées s’ajoutent les affres de la crise. « La question de la temporalité est très importante pour l’entreprise qui a du mal à envisager un investissement en robotique à dix ans, quand elle ne sait pas ce que sera le marché à six mois ! » Le retour sur investissement est aussi un paramètre capital dans une réflexion économique où l’humain tient une place essentielle.
« J’ai rencontré pour ma part des PME où les patrons étaient extrêmement soucieux de l’emploi », souligne Pascale Brenet. Car le préjugé de la machine supplantant l’homme est toujours vivace. Pourtant il ne faut pas oublier que le robot est pressenti pour l’exécution des tâches répétitives et réputées pénibles, qu’il est susceptible de valoriser le travail de l’homme, promis à un destin professionnel meilleur dans son entreprise, formation et polyvalence à la clé.
Prise de pièces horlogères en vrac en vue d’un anglage robotisé – HEA
Photo Patrice Schreyer, Fontainemelon (Neuchâtel)
La robotique est un excellent moyen de conserver la production et l’emploi localement, l’entreprise gagnant en productivité grâce à des arguments comme formalisation et reproduction d’un savoir-faire, flexibilité et adaptabilité de la production, régularité de la qualité, extension du temps de travail, maîtrise de la consommation de matières parfois très onéreuses. Christophe Perrard cite le cas de ce lunettier qui, le premier, s’est doté d’un équipement automatisé de soudage laser des lunettes. « Cet entrepreneur est aujourd’hui l’un des rares fabricants de lunettes produisant encore en France, la plupart des autres ont délocalisé leur production. » Responsable de la filière Microtechniques à la HEA, Olivier Duvanel relève le défi pour la Suisse avec une pointe d’ironie. « Nous voulons démontrer qu’il est possible de fabriquer à bon marché dans un pays où la main d’œuvre est la plus chère du monde ! »
Les spécialistes s’accordent tous sur ce point : le robot est un outil au service de l’homme. Un principe fondamental, dont Philippe Liscia, enseignant-chercheur en robotique industrielle à la Haute Ecole Arc retrouve la trace à l’origine même du terme robot.
« Utilisé pour la première fois par l’écrivain Karel Capek en 1920, il vient du mot tchèque robota signifiant servage. » Ainsi le robot est l’instrumentiste du chirurgien, prépare les pièces d’horlogerie que l’homme va assembler, rappelant en toute tâche sa capacité à répéter inlassablement un travail fastidieux avec une efficacité et une qualité constantes, l’intelligence et la sensibilité restant l’apanage de l’homme. De tels exemples préfigurent l’avènement de la robotique coopérative, qui n’en est qu’à ses balbutiements, mais entend à l’avenir faire tomber les barrières entre l’homme et le robot. « Le Collaborative Robot, ou Cobot, est d’une approche très simple, il suffit littéralement de le prendre par la main pour lui faire exécuter la tâche voulue » raconte Christophe Perrard. « Couplé à la vision industrielle ou équipé de capteurs de force, le robot s’affranchit de son caractère statique, il apprend à reconnaître des formes et à s’adapter à son environnement », ajoute Philippe Liscia. Tous deux évoquent cependant la complexité de mise en œuvre du tandem, soumise à une analyse de risques des plus poussées, tenant compte de la vitesse ou de la trajectoire du bras robotisé, préférant pour outil la pince à la tronçonneuse…
Souvent pensés pour les grandes entreprises de l’agroalimentaire ou de l’automobile, les robots industriels actuellement commercialisés ne sont pas toujours adaptés à leurs sous-traitants et aux PME de manière générale. La jeune entreprise MC RobotiCS présente cette année à Micronora1 un robot d’un nouveau genre, qui pourrait compléter l’offre existante d’une façon révolutionnaire.
Capable de soulever des charges de 5 kg dans un rayon de un mètre, à la vitesse de 2 m/s et une répétabilité au 10e de mm, ce dernier-né correspondrait à 80 % de la demande du marché.
Mathieu Charles, son heureux papa et fondateur de la société créée tout spécialement pour en assurer le développement, vante les qualités de sa création : une solution légère et transportable, très rapidement opérationnelle, munie d’un bras six axes aussi mobile que le bras humain. Sa programmation est rendue possible en quelques minutes grâce au logiciel Open Robot, qui ne requiert aucune connaissance en robotique. « Ce logiciel, gratuit, est aussi universel, il peut donc être utilisé pour la programmation d’autres grandes marques de robots japonaises ou allemandes, au sein d’une même entreprise », confie Olivier Lehmann, ingénieur chez MC RobotiCS, qui a assuré sa mise au point.
Ce robot n’a qu’un concurrent direct, et si sa conception le fait appartenir à la même famille, il s’en distingue par son caractère français, avec une fabrication et une commercialisation assurées en Franche-Comté par les entreprises PLIMETAL, SUPRATEC et CIPR. Ses compétences techniques sont jugées un peu supérieures, comme sa capacité de charge, et l’adaptabilité de son logiciel de programmation à d’autres systèmes est, elle, carrément inédite. « L’innovation est également à rechercher du côté du prix, raconte Mathieu Charles, avec un package robot + logiciel + baie de commande électronique vendu aux alentours de 22 000 €. » Un phénomène à découvrir en avant-première à Micronora.
1 Micronora : salon international des microtechniques, du 23 au 26 septembre 2014 à Besançon.
À la Haute école Arc Ingénierie, dès le boom robotique des années 1990, on aide les entreprises à intégrer les robots proposés par le marché dans les procédés de production. « Un robot n’est qu’un composant qu’il faut équiper de diverses fonctionnalités pour en faire une machine, explique Olivier Duvanel, responsable de la filière Microtechniques. C’est le travail des intégrateurs, un métier peu développé en Suisse. »
Polissage d’une carrure de montre – Photo HEA, Philippe Liscia
Au début des années 2000, l’école se tourne vers le suivi de trajectoire, qui reste sa grande spécialité. « Il s’agit de dupliquer, sur un outil fixe, la trajectoire d’une opération complexe, habituellement réalisée à la main, comme le polissage d’un robinet. » Une transposition rendue possible par la mise au point d’un logiciel de programmation sophistiqué, élaboré à partir de données CAO, et dont le concept est susceptible de se décliner à différents procédés de fabrication : fraisage, polissage, soudage… Les machines prennent une « orientation métier » : l’utilisateur paramètre les axes du robot pour qu’il exécute une tâche ou apporte une correction à une pièce tout comme lui-même s’en chargerait manuellement.
« Dans l’exemple du robinet, le taux de non qualité est passé de 30 à 3 %, précise Philippe Liscia. Et les salariés ont vu leurs conditions de travail largement améliorées, notamment en termes de cadence. » La Haute école Arc Ingénierie dispose de quatorze robots pour tester des applications, un parc qui permet de répondre aux demandes affluant régulièrement aux portes de l’école, depuis l’essai de faisabilité à la création de cellules d’intégration complètes.
La licence professionnelle Automatique et informatique industrielle, option Automatique et robotique industrielles pour l’assemblage, plus connue sous son acronyme ARIA, est l’une des sept licences professionnelles dédiées à la robotique en France. Ouverte à la rentrée 2008 à l’université de Franche-Comté en collaboration avec le lycée Jules Haag de Besançon, elle est accessible en formation initiale et en formation continue, ainsi que par la voie de l’apprentissage. La formation prépare essentiellement au métier d’intégrateur, chargé de réaliser des projets d’automatisation et de robotisation de lignes de production. Le management de projets et la rédaction de cahiers des charges pour les grands comptes ou pour les fabricants de robots, et la formation des utilisateurs entrent aussi dans le domaine de compétences des diplômés ARIA.
L’enseignement s’appuie sur les moyens de l’AIP-PRIMECA, une plateforme technologique dont la partie bisontine est installée au plein cœur de l’ENSMM (cf. en direct n° 248, mai – juin 2013). « L’AIP dispose d’une dizaine de robots, dont huit sont complètement opérationnels », raconte Christophe Perrard, qui, entre autres casquettes robotiques, est responsable pédagogique de la licence. La dernière acquisition est le LWR de chez KUKA, un robot sept axes muni d’autant de capteurs d’efforts lui donnant la possibilité de ralentir ou de s’arrêter grâce à l’adaptabilité de ses moteurs. « L’équipement incite aux cours et aux travaux pratiques, et donne une coloration robotique affirmée au diplôme. » Et pour donner aux étudiants les meilleures cartes de visite pour leur avenir professionnel, des stages de formation Produit sont organisés chez des professionnels comme STÄUBLI, l’un des plus grands fabricants de robots qui se comptent sur les doigts de la main au niveau mondial.
C’est dans un monde robotique en pleine effervescence que la microrobotique fait ses premiers pas. Son histoire s’amorce dans les années 1990 au Japon, puis en France cinq ans après, à Besançon précisément, élue pour ses références en microtechniques. Les spécialistes du futur Institut FEMTO-ST s’emploient alors à défricher le terrain. À peine vingt ans plus tard, FEMTO-ST abrite la plus grande équipe de recherche en microrobotique de toute l’Europe, et se positionne parmi les leaders mondiaux dans ce domaine.
Jusqu’au début des années 2000, les premiers prototypes, à mi-chemin entre mécanique et électronique, sont mis au point autour d’une seule fonction. Et si la première micropince apparaît alors, elle n’est pas encore intégrée à une structure. C’est à partir de 2002 que ce qui n’est encore qu’un composant intègre un ensemble comportant moyens de déplacement et possibilités de visualisation, et devient réellement un robot. Depuis, les problématiques se cristallisent autour de l’automatique et de la robotique. « Les robots aujourd’hui disposent de plusieurs degrés de liberté, c’est-à-dire qu’ils s’articulent autour de plusieurs axes, explique Michaël Gauthier, chercheur CNRS et directeur du département AS2M de l’Institut FEMTO-ST. Il nous faut créer des méthodes pour piloter tous les actionneurs qui, au final, vont réaliser une tâche. »
La micromanipulation est d’emblée le secteur applicatif phare de ces travaux de recherche, qui ont donné lieu à la création, en 2011, de PERCIPIO ROBOTICS. La start-up bisontine compte aujourd’hui sept collaborateurs, et réalise 90 % de son chiffre d’affaires à l’export grâce à un savoir-faire unique au monde. Son cœur de métier est la cobotique, qui, comme dans la sphère industrielle, invente des structures collaboratives entre robot et être humain. Dans ce système de téléopération, l’homme pilote l’actionneur en contrôlant ses mouvements sur écran. Cofondateur de la société aux côtés de David Hériban, Michaël Gauthier explique que « le savoir-faire de PERCIPIO ROBOTICS s’oriente vers la conception et la fabrication de machines pour répondre à une demande précise des entreprises dans les domaines de l’instrumentation scientifique, et plus récemment de l’horlogerie pour l’assemblage de microcomposants ».
Déplacement d’une bille de 100 μm de diamètre par un DiMiBot
L’option micromanipulation prend par ailleurs une envergure nouvelle avec μROBOTEX, une plateforme dédiée unique en son genre. Acquise par le département AS2M qui en a assuré la conception, financée par l’État français et la Région Franche-Comté au titre de l’équipement d’excellence ROBOTEX, elle autorise des recherches scientifiques et des développements pour l’entreprise au plus haut niveau. Véritable station de manipulation, elle est organisée autour d’un microscope électronique à balayage (MEB). Dans une atmosphère sous vide exempte de toute molécule perturbatrice, la chambre du MEB, de dimensions hors normes, accueille divers instruments dans un ensemble au potentiel inédit. Au centre du dispositif, un robot. Ses six degrés de liberté lui confèrent une dextérité exceptionnelle. Il positionne des objets avec une précision nanométrique et selon trois dimensions, quand de manière générale les microdéplacements s’effectuent sur des surfaces planes.
Détail d’un composant MEMS vu par μROBOTEX
La caractérisation des objets devient possible sous toutes les coutures, elle s’effectue sous le contrôle d’un interféromètre laser, capable de mesurer des distances avec une résolution de 0,1 nm, et de corriger la plus infime dérive du MEB, dont le faisceau d’électrons scanne les différentes surfaces de l’objet que lui présente le robot. Un FIB, ou faisceau d’ions focalisé, permet la gravure de microsystèmes par arrachement de matière ; son action, couplée à celle d’un injecteur de gaz, garantit d’excellents dépôts de couche et la solidarisation d’éléments entre eux.
« Cet équipement représente une évolution importante dans la recherche de la précision, souligne Yassine Haddab, enseignant-chercheur à l’ENSMM et responsable de la plateforme μROBOTEX, dans un contexte où la moindre altération de l’environnement a des répercussions énormes. Pour le contrôle du « bruit » par exemple, correspondant à diverses vibrations acoustiques, thermiques ou mécaniques, μROBOTEX ouvre la voie à des prospections encore inexplorées. »
Un robot se compose d’un élément porteur, par exemple un bras, assurant des déplacements en 2D ou 3D, et d’un organe terminal, parfois très complexe, capable d’assurer une ou plusieurs fonction(s). Si ces deux éléments de définition sont communs aux systèmes robotiques, la comparaison supporte mal les changements d’échelle, et il est impossible d’envisager la microrobotique comme une miniaturisation de la robotique grand format. Les mécanismes assurant les déplacements en macrorobotique à base de moteurs, vérins et autres engrenages sont remplacés à l’échelle micrométrique par des structures déformables, dont on exploite les propriétés pour générer la transmission de mouvements. Quant à la manipulation, elle se révèle plus délicate avec des objets minuscules, et impose un contrôle particulier de la mesure des forces dans les opérations de préhension et de lâcher des pièces.
À l’intérieur même du micromonde, et a fortiori lorsqu’on passe les limites du nanomonde, les propriétés mécaniques et physico-chimiques des objets se montrent différentes à mesure qu’on déplace le curseur sur l’échelle micrométrique. Ainsi, un ovocyte de 200 μm, une cellule sanguine de 5 μm et une molécule d’ADN de 100 nm n’obéissent pas aux mêmes lois. Les conditions chimiques dans lesquelles les objets évoluent obligent aussi à penser les systèmes à chaque fois de manière spécifique. Il convient par exemple de modifier l’état de surface des objets et des préhenseurs pour obtenir une adhérence adéquate selon les cas de figure : cet aspect des travaux est mené en étroite collaboration entre les instituts FEMTO-ST et UTINAM à l’université de Franche-Comté.
Nanotweezers prélevant des
molécules d’ADN en milieu liquide
L’ADN n’en finit pas de susciter l’intérêt des scientifiques. Et les travaux de micromanipulation de la fameuse molécule hélicoïdale réalisés à l’Institut FEMTO-ST intéressent au plus haut point les biologistes. Les chercheurs du département AS2M ont en effet mis au point une pince capable de saisir des molécules d’ADN en milieu liquide, puis de les plonger dans un bain contenant des enzymes capables de les sectionner.
Les minuscules pinces de silicium, ou nanotweezers, piègent les molécules entre deux doigts distants de 10 à 20 μm. Il est cependant encore difficile de connaître et de contrôler le nombre de molécules qui vont être saisies entre les doigts de la pince par application de la tension électrique, puis celles qui vont être coupées par les enzymes. « Pour les comptabiliser au départ et suivre leur évolution, on mesure la fréquence de résonance des brins d’ADN, qui est fonction de la raideur et donc du nombre des molécules », explique Yassine Haddab. Une mesure délicate car les variations de fréquence produites, très faibles, entrent en concurrence avec celles que génère également la raideur de la pince.
Grâce aux progrès de l’automatisation, les nanotweezers parviennent aujourd’hui à détecter la rupture de quinze molécules contre trente il y a peu de temps encore, et l’objectif est de parvenir à une seule.
Ces recherches sont menées en tandem par le département AS2M et l’université de Tokyo au sein du LIMMS, une unité de recherche internationale labellisée par le CNRS.
Si le positionnement 3D de précision est l’un des atouts majeurs de μROBOTEX, les chercheurs continuent à s’intéresser de près au déplacement et à la manipulation planaire des objets, les deux dimensions présentant chacune ses avantages. Le robot numérique est à ce titre la dernière invention de l’équipe AS2M de FEMTO-ST. Une tout autre façon
d’envisager la microrobotique. Les structures se déforment selon un système binaire, comme en informatique. Des actionneurs génèrent chacun deux positions, 0 ou 1 ; leur changement d’état se transmet via une structure flexible jusqu’à l’organe terminal du robot et active son déplacement. Le prototype réalisé comporte quatre actionneurs. L’équation est toute simple : 24 = 16 états… Seize destinations possibles pour la petite bille poussée par le robot, qui a fait la preuve de ses compétences avec une répétabilité mesurée à moins de 90 nm. DiMiBot, c’est son nom, a été réalisé sur un wafer de silicium et fonctionne sans capteur ; il démontre qu’il est possible d’atteindre une haute précision… à faible coût.
Son petit dimensionnement, et particulièrement son épaisseur, de l’ordre de 400 μm, l’autorise à investir des espaces réputés difficiles d’accès, une propriété intéressant aussi bien la micromanipulation que le domaine des microsystèmes.
DiMiBot, microrobot numérique
comportant quatre modules bistables
Second domaine applicatif de prédilection de la microrobotique : le biomédical, et notamment la chirurgie mini-invasive qui suppose, on s’en doute, un niveau de dextérité exceptionnel.
Toujours à la pointe de l’innovation, les chercheurs de FEMTO-ST travaillent à coupler la fonction caméra d’un endoscope à un actionneur chargé de réaliser une opération de microchirurgie. L’ablation de nodules cancéreux sur les cordes vocales est l’exemple type de cette combinaison. Une recherche menée à la demande et avec le concours du CHRU de Besançon. « La source laser chargée de supprimer les nodules est placée dans la gorge du patient, raconte Nicolas Andreff, enseignant-chercheur en robotique à l’université de Franche-Comté. Le faisceau est dirigé par des miroirs de grande mobilité, et à très grande vitesse pour éviter d’endommager les tissus autour des lésions. »
D’autres projets sont en cours, toujours avec le CHRU, et concernent la microchirurgie de l’oreille, dont certaines cavités sont difficiles à visualiser et à atteindre, l’exploration de capteurs olfactifs pour l’instant inaccessibles, et dont les médecins soupçonnent que leur altération pourrait avoir un lien avec certains troubles de la mémoire, ou encore la détermination du meilleur taux de fécondation possible d’un ovocyte pour optimiser les chances de réussite d’une fécondation in vitro. « Tous ces projets innovants sont menés de façon transverse, et exigent une collaboration étroite entre plusieurs disciplines », précise Michaël Gauthier.
L’une des premières banques de sang placentaire au monde s’implante au cœur de la plateforme bisontine de l’Établissement français du sang (EFS) au début des années 1990. L’objectif ? Recueillir et conserver par congélation les cellules souches hématopoïétiques présentes en grand nombre dans le cordon ombilical et le placenta, si précieuses dans certains cas de greffe de moelle osseuse.
Des milliers de poches sont collectées chaque année, nécessitant un traitement et un stockage adéquat, que l’automatisation a su largement améliorer au fil du temps. Depuis 2002, l’automate SEPAX sépare les différents composés du sang par centrifugation, afin de ne garder que les cellules d’intérêt. Les poches à conserver ont ainsi pu être réduites de plus de dix fois en volume, atteignant désormais une contenance de 25 ml.
L’automate COOLMIX prend le relais, se chargeant d’ajouter une solution de conservation aux cellules, une opération délicate où les différences de température entre les deux produits doivent être maîtrisées pour garantir la bonne qualité du greffon.
« La poche, déposée sur un support, est agitée par l’appareil en même temps que la solution est doucement injectée, les deux opérations assurant une bonne transition pour l’amalgame de produits variant de 4 à 24°C », explique Fabienne Pouthier, responsable médicale à l’EFS. Grâce à la miniaturisation du sang placentaire, les greffons peuvent être conservés sur place et l’EFS s’est équipé de trois cuves de stockage BIOARCHIVE, où là encore, l’automatisation a toute son importance.
Les cuves contiennent 500 litres d’azote liquide, et peuvent héberger chacune 3 600 greffons. Un ordinateur pilote un bras qui va saisir sur un support la cassette métallique dans laquelle est placé le greffon. Chacun d’eux est ainsi précisément rangé par le robot ; étiqueté, numéroté et identifié, il restera à sa place sans quitter les – 200°C exigés pour sa conservation, pendant des années si besoin. 8 213 greffons étaient stockés à Besançon fin mai 2014, soit un quart du total conservé en France.
Contact : Fabienne Pouthier
Département des activités ingénierie cellulaire et tissulaire
Établissement français du sang Bourgogne – Franche-Comté
Tél. (0033/0) 3 81 61 50 27
Contact :
Université de Franche-Comté
Christophe Perrard – Groupe Automatique et productique – Tél. (0033/0) 3 81 61 66 06
Pascale Brenet – Centre de recherche en gestion des organisations – Tél. (0033/0) 3 81 61 66 40
Institut FEMTO-ST – Université de Franche-Comté / ENSMM / UTBM / CNRS
Michaël Gauthier – Yassine Haddab – Département Automatique et systèmes micro-mécatroniques (AS2M)
Tél. (0033/0) 3 81 40 27 90 / 28 08
Haute école Arc Ingénierie
Philippe Liscia – Olivier Duvanel – Tél. (0041/0) 32 930 13 72 / 22 25