Université de Franche-Comté

[Lendemains d’élections]

Les Français, toujours concernés par la politique

C’est un reproche souvent formulé et relayé par les médias : les Français, les jeunes surtout, ne seraient plus intéressés par la politique, absents des bureaux de vote, indifférents aux débats… Les élections législatives de juin dernier ont démontré qu’il n’en est rien, ou du moins que cette affirmation mérite d’être largement nuancée.

Pour Vincent Lebrou, enseignant-chercheur en sciences politiques à l’université de Franche-Comté / CRJFC, « s’il est vrai que, de manière globale, la baisse de la participation aux scrutins est régulière depuis le début de la 5e République, la part des abstentionnistes systématiques est cependant relativement faible dans notre société, de l’ordre de 15 %. Si beaucoup ne vont pas voter à chaque scrutin, l’essentiel de la population reste très concerné par la vie politique, son fonctionnement et ce qui est susceptible de s’y décider. »

Votes et autres mobilisations

Pour le chercheur, l’intérêt pour la politique est aussi à chercher ailleurs que dans les isoloirs : « Les nombreuses mobilisations de ces dernières années témoignent d’un intérêt toujours très marqué pour la politique en France. Les jeunes, par exemple, sont très sensibles aux enjeux climatiques et d’égalité. Ils s’ex­priment juste un peu moins que leurs aînés par le biais du vote, qui leur semble souvent être une voie d’expression un peu sclérosée ou bloquée ».

Photo de Pauline Loroy -unsplash

Limiter la politique à la sphère des instances et fonctionnements traditionnels apparaît restrictif pour le chercheur, comme en témoigne la composition de l’Assemblée nationale, pilier sur lequel est fondé le régime parlementaire français, mais qui « ne res­semble en rien au reste de la société ».
Vincent Lebrou note que « l’Assem­blée ne compte quasi­ment jamais d’ouvriers ou d’employés dans ses rangs, alors qu’il s’agit de deux catégories socio-professionnelles majo­ritaires dans le monde du travail en France ».

Quant aux femmes, elles restent minoritaires, et leur progression est lente. Leur représentation était de 10,9 % en 1997 ; 18,5 % en 2007 ; 26,9 % en 2012 ; 38,6 % en juin 2017, qui marque un record, avant de marquer le pas avec 37,3 % en 2022 et 36 % en 2024. Et il a fallu attendre 2022 pour qu’une femme soit élue présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, réélue en 2024 pour exercer cette fonction suprême.

Si les femmes ne sont que 208 à siéger aujourd’hui à l’Assemblée, les jeunes se font encore plus discrets : 25 députés seulement ont moins de 30 ans (4,3 %). « Cette distorsion entre la composition de l’Assemblée et celle de l’électorat peut susciter un sentiment de décalage dans la société : ceux qui nous gouvernent ne nous ressemblent pas ! »

Pour que la politique et la société soient davantage en phase, Vincent Lebrou suggère de considérer les actions citoyennes comme faisant partie intégrante du fait politique : « Il faudrait faire en sorte que la vie politique ne se limite pas au cadre institutionnel et qu’on reconnaisse enfin que l’engagement dans la vie de son quartier ou dans des associations est tout aussi utile que ce qui peut être entrepris par les repré­sentants élus. Il faudrait gommer la hiérarchie actuelle, qui fait de la vie électorale le centre de tout ! »

retour