Si la musique est censée adoucir les mœurs, elle entraîne aussi l’adhésion, et pas toujours de manière délicate. Bien choisir sa musique pour réussir à convaincre, l’idée est connue des spécialistes en communication, quel que soit le message qu’ils ont à délivrer.
La façon dont cette vérité marketing se décline pour mettre en avant les discours politiques sur les réseaux sociaux est au cœur des recherches que mène Justine Simon au laboratoire ELLIADD / UMLP, en sciences de l’information et de la communication.
La chercheuse a notamment étudié la montée en puissance de la popularité de Jordan Bardella sur les réseaux lors des élections européennes et législatives de 2024, et comment sa candidature a été servie par la musique. Son étude a en particulier concerné TikTok.
« On n’a plus seulement affaire à un homme politique qui distille ses idées, mais à une personnalité vue comme une star, qui danse en public, se montre beau et sexy et fait l’objet de fancams, ces vidéos de célébrités prises par des fans », rapporte la chercheuse.
Pour l’accompagnement musical, on pioche dans le registre populaire avec des parodies de génériques de dessins animés tels que le Capitaine Flam des années 1980 où Bardella apparaît en héros, ou de chansons plus récentes, comme Formidable de Stromae, dont les paroles revisitées selon l’idéologie du Rassemblement national ont donné lieu à des plaintes contre X de la part d’associations antiracistes.
« Certaines musiques sont spécifiquement composées pour mettre en valeur le candidat. Elles deviennent des mèmes, des petites séquences musicales que les communautés de fans déclinent en leur associant différentes images, et qui deviennent virales sur internet », ajoute Justine Simon. Selon la chercheuse, « les gens s’approprient ces mèmes musicaux, puis se mettent en avant grâce à eux : ils n’avancent plus masqués et affichent un discours décomplexé ».
Au-delà du phénomène Bardella, certaines musiques sur TikTok servent la propagande de l’extrême-droite de manière plus déguisée, pour éviter la censure.
Erika, une chanson composée sous le régime nazi pour accompagner les marches militaires et les rencontres entre dignitaires du parti, est reprise de façon virale ces dernières années sur les réseaux. Les saluts nazis et les croix gammées se devinent dans des images subtilement allusives, mais que l’usage de la mélodie rend explicites. « La musique elle-même peut être ralentie ou au contraire accélérée, elle débute parfois après l’affichage d’éléments visuels. Ce sont des stratégies qui rendent les contenus très difficiles à repérer », explique la chercheuse.
Toutes les tendances politiques s’expriment à travers la musique, du jazz au rock alternatif, du rap à la variété, de la scène aux réseaux sociaux, d’un continent à l’autre. Dans un ouvrage à paraître cette fin d’année sous la codirection de Justine Simon, des chercheurs de différentes disciplines promettent de décrypter la façon dont elle véhicule les discours, et la perception qu’en a le public.
Cette publication s’inscrit dans le cadre du projet de recherche pluridisciplinaire « LaSiDo : la politique en musique », qui prévoit également l’organisation courant novembre d’une activité pédagogique, d’une journée d’études et d’un événement à destination du grand public, tous consacrés à ce thème.