De la marque Haribo qui promet « c’est beau la vie, pour les grands et les petits » à Dior qui se demande ce que vous êtes prêt à faire par amour – en anglais dans le texte -, en passant par l’agence immobilière qui diffuse ses offres à chacune de vos connexions internet, la pub est partout, sur les murs, sur les écrans, dans les jeux, les films, à la radio… Jusqu’à 10 000 contacts publicitaires par jour, c’est l’exposition à laquelle nous serions inlassablement soumis, une surenchère nourrie par un investissement de quelque 500 milliards de dollars sur le marché mondial de la pub chaque année. Pour sortir sa campagne du lot, il s’agit d’être inventif, percutant et en premier lieu de ne pas oublier les règles de base de toute communication publicitaire.
Décrypter l’art de la persuasion en publicité, c’est ce que propose l’ouvrage La pub qui cartonne !, concocté à l’intention des entrepreneurs et des décideurs en communication par Julien Intartaglia, professeur HES en publicité et en marketing à la Haute Ecole Arc Gestion, doyen de l’Institut de la communication et du marketing expérientiel. L’auteur revient sur les modèles théoriques qui assoient les bases de la discipline depuis la création de la première réclame voilà plus d’un siècle. Il actualise ces postulats à l’aune des transformations induites par le numérique, un vecteur de communication bouleversant la traditionnelle distinction opérée entre mass media, comprenant la presse, la télévision, l’affichage, la radio et le cinéma, et le hors médias, dans lequel figurent les opérations de marketing direct, les actions de promotion des ventes, les salons, le parrainage… « Grâce à internet, les consommateurs peuvent aujourd’hui s’exprimer publiquement et toucher des milliers de personnes très rapidement », rappelle l’auteur. C’est un fait nouveau dans le paysage publicitaire : les consommateurs endossent aussi le rôle de relais de communication et peuvent être les ambassadeurs d’une marque aussi bien que ses détracteurs, risquant de saborder une campagne en un temps record. Le numérique, c’est aussi faire entrer la publicité dans l’ère de la communication participative : votez pour votre saveur Danette préférée, et c’est votre choix qui apparaîtra dans les rayons des supermarchés, peut-être même avec votre photo affichée sur les pots (campagne 2010).
Julien Intartaglia montre aussi comment la publicité évolue en même temps que le progrès scientifique, cherchant dans les neurosciences et la cognition implicite des réponses à ses questions sur le comportement des consommateurs et les moyens de séduire à coup sûr. Le neuromarketing, qui fascine les uns et épouvante les autres, se demande si nous aurions « un bouton d’achat dans le cerveau », et cherche à identifier les zones du cerveau qui s’activent lorsque nous pensons consommation, grâce aux moyens de l’IRM.
Moins controversée, la cognition implicite propose aussi des outils pour mieux comprendre l’inconscient et de là mesurer l’impact d’une publicité. « Même dans un contexte de saturation publicitaire, caractérisé par un niveau d’attention faible et l’impression de pubs aussitôt vues, aussitôt oubliées, les messages peuvent laisser des traces dans notre esprit plusieurs mois encore après l’exposition. » La répétition, voire le matraquage d’un message, finit par imposer une impression de familiarité avec une marque ou une entreprise, sans qu’on s’en rende compte. Le placement de produits se montre également insidieux et assaille le spectateur dépourvu de défenses cognitives pour se protéger de cette publicité à peine déguisée, et qui fait recette dans le milieu du cinéma : en 2012, Sony aurait assuré le lancement de son nouveau smartphone dans Skyfall, en équipant James Bond d’un Xperia dernier cri. Le genre se renouvelle avec le brand content : le terme englobe les advergames, qui sont des jeux en ligne à destination des enfants et des adolescents, les magazines, les reportages et de manière générale tous les supports de communication directement produits par les marques.
Pour aider tout un chacun à s’y retrouver dans cet univers impitoyable, La pub qui cartonne ! s’appuie sur les analyses et les expériences réalisées par l’auteur au cours de sa carrière de professionnel de la publicité et de chercheur. L’ouvrage s’étaye de contributions de confrères illustres interrogés dans leurs agences de communication en Suisse, en France et au Canada, et de résultats d’enquêtes quantitatives menées auprès de consommateurs suisses. De solides garanties scientifiques pour un ouvrage… séduisant !
La pub change, pourtant ses règles de base sont, elles, inamovibles : pour accéder à la notoriété, ancrer le nom d’une marque dans les esprits et vanter des services ou les mérites d’un produit, il est indispensable d’identifier son objectif, de connaître son marché et ses clients, de savoir à qui on veut s’adresser, bref, de définir une stratégie sur des bases solides. Le processus de création n’est que la partie émergée de la communication publicitaire, et le choix d’un support un de ses outils.
Julien Intartaglia montre aussi la nécessité de mesurer l’impact d’une communication, une étape sur laquelle 70 % des entreprises en Suisse semblent faire l’impasse (source : Fondation statistique suisse en publicité).
Si rappeler ces règles paraît superflu, en réalité combien de campagnes publicitaires inadaptées, ou franchement mauvaises, sont à l’origine de ratages de communication, voire de désastres économiques ?…