Ce sont des surfaces impressionnantes d’acier et de miroirs déployées aux abords de La Chaux-de-Fonds en Suisse, des installations grandeur nature prévues pour tester et développer un four fonctionnant à l’énergie solaire. Si d’autres spécimens existent déjà dans le monde, celui-là sera capable de fondre des déchets d’acier pour les recycler en un nouvel alliage de qualité.
Le projet de four solaire concerne en premier lieu les industriels de l’horlogerie et du biomédical de l’Arc jurassien, qui pourraient par cette voie gagner en autonomie pour leurs approvisionnements, tout en privilégiant un procédé respectueux de l’environnement. Pensé à l’échelle du territoire, ce projet de l’entreprise suisse PANATERE bénéficie de la coopération scientifique de la Haute Ecole Arc Ingénierie et de l’université de Franche-Comté, dans le cadre du programme Interreg France-Suisse1.
Le principe de fonctionnement du four repose sur deux étapes-clés, la capture du rayonnement solaire puis la concentration de son énergie thermique.
Un héliostat composé de miroirs plats suit la course du soleil pour en capter les rayons, qu’il renvoie à un concentrateur, lui aussi fait de miroirs ; de forme concave, ceux-ci concentrent la lumière à la manière d’une loupe puis la dirigent vers un réacteur solaire placé en contrebas : ce « four » abrite le creuset dans lequel l’acier sera fondu. Ce sont en réalité deux installations que PANATERE teste selon ce principe.
La première, et la plus gigantesque, est composée d’un héliostat d’une surface de 138 m² et d’un concentrateur muni de 40 miroirs totalisant 65 m². La seconde, avec son héliostat de 30 m², est plus petite mais aussi plus performante en termes de concentration d’énergie, grâce aux 460 miroirs du concentrateur répartis sur seulement 12 m². « Avec cette solution, qui est celle que nous allons privilégier pour l’avenir, la concentration de l’énergie lumineuse peut représenter jusqu’à 5 500 fois celle du soleil, et la température dans le creuset atteindre 2 000 °C. C’est bien au-delà de la température de fonte de l’acier inoxydable, qui se situe aux alentours de 1 450 °C », explique Loïc Bonsack chez PANATERE.
Ces chiffres sont issus des simulations numériques réalisées par l’équipe THERMIE du département ÉNERGIE animée par François Lanzetta, enseignant-chercheur à l’université de Franche-Comté / Institut FEMTO-ST. Ils sont à la base du travail d’Oksana Banakh et de Raymond Constantin, du groupe Ingénierie des surfaces à la HE-Arc : les simulations fournissent des indications essentielles pour optimiser le design du réacteur solaire, pour choisir les matériaux qui composeront ses différentes couches, jusqu’au creuset de fonderie.
« Notre rôle consistera aussi à analyser les alliages d’acier produits, afin de garantir leur qualité », précise Raymond Constantin, spécialiste de la caractérisation des matériaux.
Dans un premier temps, l’acier 1.4441, un acier inoxydable particulièrement prisé pour la fabrication de boîtiers de montres ou de matériel médical, est l’alliage auquel s’intéressent les industriels et les chercheurs. « Le recyclage de l’acier représente 6,8 kg de CO2 par kg d’alliage produit. En utilisant un four solaire, cette proportion descend à 41 g, c’est 165 fois moins de pollution », s’enthousiasme Loïc Bonsack.
Dans la perspective d’une industrialisation du procédé, le four solaire pourrait être mutualisé localement entre plusieurs entreprises, voire faire partie du parc-machine d’une industrie, de manière à assurer une source d’approvisionnement de proximité pour une matière première d’importance capitale, un bénéfice évident pour l’autonomie des entreprises comme pour la planète.