Belfort, 6 h 00 du matin un lundi de février. La ville est blanche de neige. Les chasse-neige sont au travail, bouchant quelques rues le temps de les dégager. Le vendredi précédent, une entreprise de BTP a ouvert une tranchée dans une artère pour effectuer des travaux sur les canalisations.
6 h 30 : un incendie se déclare. Quel itinéraire devront emprunter les pompiers et le SAMU pour éviter les rues enneigées, les chasse-neige, les travaux… et arriver le plus vite possible sur les lieux de l'intervention ?
La question peut être posée différemment : quelles sont les informations utiles aux pompiers pour opérer un choix et comment peuvent-ils y accéder ? Comment peuvent-ils, dans un temps court, avoir accès aux données sur le trafic et l'état de déneigement des routes ?
Tous les acteurs ayant à intervenir sur la cité ont maintenant des systèmes informatisés, ne serait-ce que pour assurer la traçabilité de leurs interventions. Le défi qui se pose tient davantage dans la mise à disposition de ces données, l'organisation des informations et leur hiérarchisation pour amener une réponse pertinente à un opérateur dans un contexte donné.
Les responsables du secteur multimédia d'une grande entreprise de transport ont fait le test : partis ensemble d'un même lieu à une heure de pointe pour se rendre à une même réunion, chacun a emporté et suivi les recommandations d'un GPS différent, sauf le dernier qui a suivi la route habituelle. Bien souvent, la personne sans GPS est arrivée la première, tant les systèmes ne sont pas encore opérationnels, notamment dans la coordination des différentes informations.
Le laboratoire SeT — Systèmes et transports — de l'UTBM, dont une équipe est spécialisée dans le géopositionnement, a obtenu un financement de 6,5 millions d'euros du 7e PCRD (l'outil de la politique de recherche européenne), dans le cadre d'un consortium réunissant quinze pays (Roumanie, Allemagne, Finlande, Tanzanie…), soit quinze laboratoires et des grands comptes européens dont PTV — une entreprise allemande travaillant dans le domaine du transport. Le projet — monté grâce aux rencontres Mobilis — est labellisé par le Pôle Véhicule du futur. Son objectif est de concevoir une plate-forme susceptible de fournir une aide à la décision sûre, pertinente pour chacun et sécurisée. Cet outil, appelé « plate-forme multiservices métiers géolocalisés », coordonne les applications des GNSS — global navigation satellite system, soit le GPS, le futur Galileo ou le tout nouveau système EGNOS — et se spécialise pour les métiers mobiles d'exploitation et de sécurisation des réseaux et des infrastructures routières. La plate-forme doit répondre aux exigences, en termes de pertinence, de performance et de qualité, propres aux territoires ouverts, diffus et soumis à des situations de crise.
Dans un environnement où les innovations sont rapides — notamment en ce qui concerne toutes les technologies de l'embarqué automobile — et les informations hétérogènes, le système conçu se doit d'être ouvert et auto-adaptatif. Ainsi, les données de chaque « utilisateur » (pompiers, livreurs, policiers, travaux publics…) viennent alimenter une base. Celle-ci sert à renseigner les systèmes des « utilisateurs métiers » selon leurs propres spécifications.
La plate-forme contient également des outils de coordination. Pour prendre un exemple simple, c'est parfois l'accumulation d'événements (travaux, maintenance…) plus qu'un seul qui va engendrer un danger ou un blocage. Le logiciel pondère ainsi les événements en les signifiant par des sémaphores. Plusieurs sémaphores sur un trajet peuvent indiquer un choix à faire.
Un chef d'orchestre est présent lorsque la symphonie se joue. Il indique aux musiciens quand ils doivent jouer, à quel temps et à quelle intensité. Pour représenter le système de géolocalisation qu'ils mettent en place, les chercheurs lui préfèrent la métaphore du chorégraphe. Les règles de fonctionnement, de déplacement sont définies au départ et chaque danseur sur scène (ici, les logiciels) joue son rôle en suivant ces règles.
Le pompier doit arriver le plus rapidement possible, le livreur doit prévoir sa tournée de telle sorte qu'il fasse le moins de trajet possible, le touriste cherche les sites les plus agréables… le système doit donc être capable de traiter les informations selon des objectifs très différents.
Pour pouvoir s'adapter à tous ces contextes, une définition précise, informatique, de chaque métier est nécessaire : quel vocabulaire est utilisé ? Quels sont les objectifs, les outils ? Comment les éléments s'articulent-ils entre eux ? Ce travail de description logique d'une profession — l'ontologie informatique — mobilise une équipe de doctorants et de chercheurs au sein du laboratoire SeT.
Ce sont ensuite les méthodes analytiques issues des mathématiques qui sont mises en œuvre.
Chaque partenaire du consortium s'est choisi un champ d'expérimentation spécifique à son territoire. Profitant de l'existence d'EASY CITY, une start-up issue du laboratoire et spécialisée dans le développement de solutions de géolocalisation pour les touristes, ainsi que de VIRTUAL CITY, une entreprise installée à Numerica, qui, partant de Google earth, affine les données disponibles, les résultats du projet ASSET se déclineront à Montbéliard autour de géopositionnement pour le tourisme.
À Belfort, la problématique tourne autour des circuits de déneigement, selon le célèbre problème du voyageur de commerce. Quel circuit doivent emprunter les camions pour limiter leur trajet et donc dépenser moins de carburant ?
Pouvoir prédire l'avenir est bien l'objectif avoué de ce consortium… sauf que sa boule de cristal est en fait un super calculateur, et qu'en cas d'accident, il n'y a pas préscience, mais plutôt intégration ultra-rapide d'une nouvelle information.
Contact : Maxime Wack – Jaafar Gaber
Laboratoire Systèmes et transports
Université de technologie de Belfort – Montbéliard
Tél. (0033/0) 3 84 58 30 38