De tout temps et dans toutes les disciplines, les grands innovateurs, qu’ils soient ou non célèbres, ont marqué de leur nom de nouveaux objets, procédés ou techniques de production. « Cette grande aventure n’aurait cependant pas été possible sans le concours et le talent de… » Tous pourraient compléter cette phrase dans un légitime hommage à ceux qui n’ont pas manqué de les aider à cheminer dans leur parcours. Car le génie solitaire n’est qu’un mythe. Mais il existe bien un génie qui anime les innovateurs, celui qui aiguise leur curiosité, les pousse à la rencontre, leur donne l’audace d’expérimenter. Cette forme de pensée nommée « rationalité créative » est au cœur de l’innovation. Tout comme le contexte économique, social, politique ou religieux a un rôle à jouer dans ce processus. C’est ce que démontrent les auteurs de l’ouvrage Genèse des innovations, puisant dans une diversité de formes d’innovation, de secteurs et d’époques, pour étayer leur thèse.
L’invention de « l’imprimerie à caractères mobiles en alliage métallique » par Gutenberg au XVe siècle en est un exemple illustre et parlant. À cette époque, d’autres procédés d’impression existent déjà, de même que l’encre de Chine ; les connaissances sur les alliages métalliques s’affûtent dans le domaine de l’artillerie, les orfèvres maîtrisent parfaitement le polissage et la gravure, et les viticulteurs se servent de pressoirs à vis. Gutenberg a le génie d’établir des ponts entre ces compétences, de s’entourer de ceux qui les possèdent, de faire la synthèse de l’existant pour le mettre au service de son innovation : une presse à imprimer équipée d’une vis sans fin, aux matrices munies de types de caractères résistants et bien ciselés, encrés d’un mélange rendu huileux pour être mieux adapté… Outre les aspects techniques, le contexte de l’époque joue aussi en faveur de l’innovation, révélant des besoins en matière d’éducation, et surtout une volonté de l’Église, qui traverse alors une crise, de diffuser des textes en nombre et sans erreur.
La machine-outil pour la production mécanique d’ébauches de montres, inventée par Japy, la porcelaine sans toxicité pour la santé des usagers, signée Brongniart, l’actinomètre électrochimique, mis au point par Becquerel pour analyser la lumière solaire, et d’autres encore, se prêtent dans cet ouvrage à l’exercice de la biographie, utilisée comme méthode pour mieux cerner la genèse d’une innovation. Un genre renouvelé, dont l’innovation est la vedette, avant son auteur.