Université de Franche-Comté

[Environnement]

Comprendre les déplacements des espèces pour favoriser la biodiversité

Depuis le Grenelle de l’environnement de 2007 et les lois qui l’ont suivi, obligation est faite aux collectivités de cartographier les zones naturelles bénéfiques pour la biodiversité, afin de mieux les protéger.

Photo Freepik

Ces dispositions ont renforcé l’intérêt des décideurs pour les outils de modélisation spatiale tels que le logiciel Graphab1, développé au laboratoire ThéMA depuis plusieurs années. Ce logiciel permet, entre autres, de représenter les chemins que les animaux sont supposés emprunter, sur la base des connaissances acquises sur les espèces. Du cerf à la grenouille, il fournit ainsi des clés pour préserver des corridors écologiques qui leur sont favorables.

Pour améliorer la compréhension de ces mouvements et de leurs conséquences sur la biodiversité, Paul Savary mène des recherches sur la dispersion des espèces2 et la façon dont la connectivité écologique des habitats la facilite.

Enseignant-chercheur en écologie et modélisation spatiale à l’UMLP / laboratoire ThéMA, Paul Savary cherche à déchiffrer la façon dont se déplacent les espèces, d’une part en élaborant des modèles d’après la structure des paysages qu’elles parcourent, d’autre part en l’estimant à partir de données de terrain : informations biologiques et notamment génétiques, ou issues de relevés de présence des espèces. La confrontation des deux types de modèles montre comment et à quel point la structure d’un paysage influence la diversité biologique.

« Les réseaux de dispersion des espèces et la géométrie des habitats déterminent la façon dont la diversité circule et se distribue spatialement dans un paysage », explique le chercheur.
Les résultats acquis ces dernières années tendent à confirmer que la présence d’importantes surfaces d’habitat et la connectivité écologique de ces habitats sont indispensables à toutes les espèces. C’est plus encore le cas pour certaines familles comme les amphibiens, pour lesquels circuler entre plusieurs habitats complémentaires, ayant chacun une fonctionnalité propre, est une condition essentielle de survie.

Photo de Jessica Moss – Unsplash

La connectivité peut aussi favoriser l’accès des espèces à des ressources supplémentaires. Ce sont par exemple les bandes laissées en herbe le long des cultures, qui favorisent la reproduction des carabes puis la dissémination de ces insectes dans les champs voisins, où ils se nourrissent des organismes ravageurs de cultures.
« Cette dynamique écologique ne peut fonctionner que si les déplacements sont possibles entre différents types d’habitats », souligne Paul Savary.

De même, en ville, comprendre la dispersion des individus entre habitats péri-urbains et espaces verts urbains permet d’identifier les types d’urbanisation impactant le moins la biodiversité. Le chercheur a récemment mis à profit les modélisations réalisées avec Graphab pour étudier la biodiversité des aires urbaines. La ville compacte, inscrite dans un périmètre limité, ou au contraire la ville étalée, moins dense mais occupant plus de surface, sont toutes deux susceptibles de présenter des avantages et des inconvénients pour la biodiversité.

Cependant, l’analyse cartographique de 325 villes européennes montre que la fragmentation des habitats autour d’une ville étalée limite la biodiversité péri-urbaine, alors qu’une ville compacte préserve ces espaces. « Les flux des espèces depuis l’extérieur vers le centre des villes compactes apportent en définitive une plus grande diversité au cœur de ces villes, alors même qu’elles disposent de moins d’espaces verts », conclut Paul Savary.

1 À l’origine du logiciel, Jean-Christophe Foltête, Gilles Vuidel et Céline Clauzel.
2 La dispersion des espèces correspond au fait que certains individus naissent à un endroit, puis en investissent un autre, s’y reproduisent, colonisant ainsi de nouveaux espaces. Le fonctionnement d’une meute de loups en est un exemple. La dispersion n’est donc pas à confondre avec la migration, qui est périodique, ou avec les déplacements qu’effectue de manière habituelle un animal, par exemple pour se nourrir.
Contact(s) :
Laboratoire THéMA
UMLP / UBE / CNRS
Paul Savary
Tel : +33 (0)3 81 66 54 81
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