Usines désertées, stations-service désaffectées… que cachent ces sites laissés à l’abandon sous leur surface ? Une question légitime et une réponse obligatoire pour envisager d’affecter les terrains à de nouvelles activités. Jusqu’à présent, seul un prélèvement par carottage dans le sous-sol, relayé par des analyses en laboratoire, pouvait donner les informations voulues. Une opération longue et coûteuse, répétée sur plusieurs années voire des décennies. Une nouvelle technologie fait aujourd’hui son apparition, elle est l’oeuvre de chercheurs de l’Institut FEMTO-ST et le résultat d’un partenariat avec l’entreprise SENSeOR et le géant pétrolier TOTAL. Elle combine des savoir-faire de haut niveau, quand son principe semble simple : installer des capteurs dans le sous-sol, puis les interroger à distance. Dans la mire des chercheurs, le sulfure d’hydrogène (H2S), un polluant extrêmement toxique pour l’être humain, chez qui il peut être responsable de graves atteintes physiques et de troubles psychologiques sévères.
La mise au point du dispositif répond à un double défi. Du côté de la détection, les capteurs à ondes élastiques de surface (SAW), fonctionnant sans source d’énergie et interrogeables à distance par onde radio, se prêtent particulièrement bien à une installation en sous-sol. La difficulté est de les adapter pour qu’ils puissent détecter les molécules chimiques voulues. Directeur de recherche CNRS au département MN2S, le chimiste Frédéric Chérioux est le maître d’oeuvre de cette adaptation. « La synthèse d’un polymère sensible à H2S a pu être réalisée par notre équipe. La résine obtenue est en outre compatible avec les procédés de fabrication collective développés en salle blanche (MIMENTO) indispensables à la production des capteurs », explique-t-il.
La réception de l’information est du ressort de radars à pénétration de sol (Ground Penetrating Radar – GPR), performants dans l’analyse de la composition et de la structure des sous-sols. Là encore, transformer ces instruments habituellement dévolus à des investigations géologiques s’est montré nécessaire afin de les rendre suffisamment sensibles pour réagir à des capteurs chimiques.
C’est ici le domaine de l’électronique et des technologies liées au temps-fréquence, dont Jean-Michel Friedt, chercheur au département Temps-Fréquence et enseignant à l’université de Franche-Comté, est spécialiste. C’est sous sa gouverne que s’est opérée la transformation : « Nous avons fait le choix, pour plus de facilité, de recourir à un radar commercial dont nous avons modifié l’électronique pour qu’il puisse interroger le capteur SAW ».
Le dispositif mis au point n’est destiné ni à effectuer des mesures quantitatives, ni à assurer le suivi d’une éventuelle pollution ; il s’agit d’interroger ponctuellement le sous-sol sur la présence ou non de sulfure d’hydrogène. En cas de contamination avérée, il peut alors être envisagé de mener des investigations com-plémentaires et de rechercher des solutions pour une réhabilitation éventuelle du terrain.
Le système, protégé par un brevet, a été développé dans le cadre d’une coopération initiée en 2014 par TOTAL qui a financé les recherches jusqu’en 2017, depuis relayées par un financement ANR de type recherche industrielle courant jusqu’en 2023.