Université de Franche-Comté

Anticiper les modifications spontanées de l’ADN

Septoriose du blé © INRAE – Christian Slagmulder

 

 

La mise en contexte de cette étude scientifique pourrait avoir des allures de jeu vidéo : un champignon, responsable de la septoriose du blé, une maladie ravageant 5 à 10 % des récoltes de blé chaque année rien qu’en Europe, réussit à déjouer les contre-attaques des pesticides successifs qui lui sont opposés. Comment ? Par des réarrangements de sa séquence d’ADN intervenant lors de sa reproduction sexuée, qui le rendent résistant aux attaques chimiques et toujours plus dévastateur.

 

 

 

 

L’intelligence artificielle au service de la génétique

Les chercheurs du laboratoire de génétique évolutive de l’université de Neuchâtel ont réussi à trouver une parade en anticipant les modifications spontanées de l’ADN du champignon. Une prouesse réalisée grâce aux apports du machine learning, une méthode d’intelligence artificielle pour la première fois convoquée dans le domaine de la génétique.

« Une trentaine de caracté­ristiques chromosomiques susceptibles d’être à l’origine de réarrangements de l’ADN lors de générations futures ont été recueillies sur la base de plusieurs individus du champignon, puis soumises à un programme informatique », expliquent Daniel Croll, directeur du laboratoire, et Thomas Badet, post-doctorant en charge de l’étude. « Après le processus d’apprentissage, le programme était capable, à partir d’un génome donné, de prédire avec précision où se trouveraient ces réarrangements ». Les prédictions avancées par intelligence artificielle ont été confirmées à 99 % par l’étude des changements spontanés d’ADN survenus lors de croisements successifs du champignon en laboratoire.

La méthode a ensuite été transposée à l’étude de l’ADN de l’arabette, une plante bien connue sur les paillasses, cette fois en interrogeant le programme informatique sur les changements possibles de l’ADN chez un spécimen pris au hasard, et non issu d’une lignée : le programme a pu prédire 74 % des réarrangements chromosomiques identifiés par les analyses biologiques.
Ces résultats spectaculaires laissent envisager des applications en dehors du champ de la biologie végétale. Selon les spécialistes, la méthode pourrait s’adapter à la détection des transformations de l’ADN lors de la multiplication des cellules dans l’organisme humain, un phénomène souvent responsable de la survenue de maladies génétiques et de cancers.

Une perspective séduisante pour la médecine, qui exige cependant de connaître parfaitement le génome humain, à l’instar de celui des champignons ou des végétaux objets de cette étude. Cette condition garante de la fiabilité d’une prédiction par intelligence artificielle n’est pour l’instant pas remplie, même si la science a déjà permis de décoder une grande partie du génome humain.

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