Université de Franche-Comté

[Longue distance]

Les détecteurs de photons repoussent les limites des capteurs à fibres optiques

Les parcs éoliens en mer représentent une part importante de l’électricité produite grâce à l’énergie fournie par le vent. La surveillance des câbles sous-marins qui rapatrient l’électricité vers les continents est assurée par des capteurs répartis à fibre optique, qui mesurent la température des câbles sur toute leur longueur.

Ce contrôle permet de superviser le transport de l’électricité pour éviter la surchauffe des câbles, et ainsi de protéger l’environnement marin. Les capteurs à fibre optique actuellement utilisés sont équipés de photodiodes, des composants semi-conducteurs très performants, mais qui ne permettent pas de dépasser une portée de 100 km. Cette limite s’avère incompatible avec les projets de développement des parcs offshore, envisagés jusqu’à 300 km des côtes.

Relevant le défi, des chercheurs et industriels se sont investis dans le projet DISTANCE1 en vue d’assurer de nouveaux développements aux capteurs à fibre optique actuels. En remplaçant les photodiodes par des systèmes de détecteurs de photons dans une expérience de laboratoire, ils ont réussi à repousser la portée des capteurs à 150 km, avec des temps de mesure très acceptables. Par ce premier pas décisif, ils ont aussi et surtout démontré que la limite de distance établie depuis vingt ans n’est plus un écueil.

Le consortium DISTANCE réunit, côté industriel, l’entreprise bisontine AUREA Technology, spin-off de l’Institut FEMTO-ST spécialisée dans l’instrumentation optique de haute performance, et la société vaudoise EOSS, née du rapprochement entre Omnisens, spin-off de l’EPFL2, et Prysmian, leader mondial du marché des câbles pour l’énergie et les télécommunications.

Directeur de recherche CNRS au département Optique de l’Institut FEMTO-ST, Jean-Charles Beugnot pilote le projet côté académique. Il mène ses travaux en collaboration avec Maxime Romanet, doctorant recruté sur ce projet, Sébastien Le Floch, enseignant-chercheur spécialiste en microtechniques et métrologie à la HE-Arc Ingénierie, et Étienne Rochat, CTO de EOSS.

« Sur une longueur de cent­ kilomètres, la perte de puissance de la lumière envoyée par un laser dans une fibre optique est très importante. À cela s’ajoutent les impuretés et les vibrations dans le verre constituant la fibre, qui, même infimes, influent sur la propagation de la lumière. Ce contexte implique que le capteur doit faire preuve d’une grande sensibilité pour détecter les signaux lumineux rétrodiffusés et les modifications de leurs fréquences, qui donnent lieu à la mesure des températures », explique Jean-Charles Beugnot.

Le compteur de photons SPAD (Single Photon Avalanche Diode) auquel les chercheurs ont recours détecte les particules de lumière une à une, ce qui signifie qu’il n’occasionne que de très faibles « bruits » lors de la mesure ; de plus, son fonctionnement « en avalanche » amplifie le signal émis par les photons : ces propriétés lui confèrent une sensibilité de détection bien supérieure à celle des photodiodes. Cependant, la technologie des compteurs de photons n’assure pas de mesures en continu, mais fonctionne sur des données statistiques : leur viabilité repose sur la multiplication des détections.

Après en avoir apporté la preuve de concept, les chercheurs et les industriels travaillent à l’optimisation de cette technologie mêlant optique et électronique, notamment pour obtenir encore des gains de temps de mesure. Si l’éolien en mer est le point de départ de ce développement, les capteurs longue distance à fibre optique pourront intéresser d’autres applications requérant des mesures haute sensibilité, par exemple dans le domaine de l’environnement ou pour des technologies comme le LIDAR, la télédétection à distance par laser.

1 Projet financé par le programme franco-suisse Interreg VI (2021-2027), DISTANCE est piloté côté France par l’UMLP, et côté Suisse par la société EOSS. Doté d’un budget dépassant le million d’euros, il a débuté en mai 2023 avec initialement pour échéance octobre 2025, reportée à mars 2026.
2 École polytechnique fédérale de Lausanne.
Crédit photo 1 : Jesse De Meulenaere – Unsplash
Crédit photo 2 : brisch27 – Pixabay
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