La terre est arrosée de particules cosmiques (photons, électrons, neutrons, noyaux atomiques…) dont l'échelle des énergies est très étendue. Tout en haut de cette échelle, les particules sont très rares mais possèdent une énergie fantastiquement élevée. Comment sont-elles accélérées à des énergies aussi élevées ? Plusieurs hypothèses sont avancées. Selon l'une d'elles, ces particules seraient émises par des objets ponctuels, comme des pulsars (champ magnétique élevé, petite taille) ou des galaxies à noyaux actifs (champ magnétique faible, grande taille). Une autre, au contraire, prévoit que les rayonnements ne soient pas liés à des objets mais présents partout de façon homogène dans l'univers. Si cette dernière hypothèse se confirmait, elle viendrait consolider la théorie des cordes*. Déterminer la source, la provenance et la nature de ces particules a donc des implications théoriques fondamentales.
• Dans ce but, 55 instituts dont l'observatoire des Sciences de l'univers de Besançon, soit 250 chercheurs provenant de 16 pays, se sont associés pour construire un observatoire, l'observatoire Pierre Auger**, sur la pampa Amarilla, dans la Cordillère des Andes argentine. Le principe en oeuvre pour détecter les particules de haute énergie lorsqu'elles atteignent le sol terrestre, consiste à placer des cuves remplies d'eau pure : la vitesse d'une telle particule étant supérieure à celle de la lumière dans l'eau, un rayonnement est émis, détecté par un photomultiplicateur. S'il est possible de détecter ces particules, encore faut-il qu'il y en ait. En effet, le nombre de particules à une énergie donnée décroît exponentiellement avec l'augmentation de cette énergie. Ainsi, aux hautes énergies, supérieures à 1019 eV, on ne trouve plus qu'une particule par km2 et par an ; à 1020 eV, il n'y en a plus qu'une par siècle. Pour éviter d'attendre trop longtemps, la solution est de construire un observatoire composite de grande surface, composé de détecteurs individuels répartis uniformément. L'observatoire Pierre Auger sera donc constitué de 1 600 cuves, espacées l'une de l'autre de 1,5 km et disposées selon un maillage hexagonal. Il s'étendra sur une superficie de 3 000 km2, ce qui permettra de détecter environ 3 particules de très haute énergie par mois.
• Lorsqu'une particule (par exemple à 1020 eV) pénètre dans l'atmosphère, elle se désagrège, et par le jeu des réactions nucléaires en chaîne, forme de nouvelles particules d'énergie plus faible. C'est donc une gerbe constituée d'environ 100 milliards de particules qui parvient au sol dans un rayon d'une dizaine de km. Sa forme peut être circulaire, si la trajectoire initiale de la particule est perpendiculaire, ou plus ou moins elliptique selon l'angle d'arrivée de la gerbe par rapport au sol. Les photomultiplicateurs de chaque cuve touchée par une particule secondaire envoient le signal reçu au site central chargé de collecter les données. On considère qu'un événement a eu lieu (une gerbe issue de particules de haute énergie est parvenue au sol) s'il y a une synchronisation, c'est-à-dire si plusieurs cuves ont reçu un signal dans un temps donné, très court. La forme de la gerbe, fournie par la position des cuves atteintes, et le décalage temporel des signaux reçus par chaque cuve permettent de déterminer la direction et la provenance de la particule. Il est donc nécessaire de dater l'événement avec une précision de l'ordre de quelques nano-secondes (soit 10-9 s).
• L'équipe Temps-fréquence du laboratoire d'Astrophysique de l'université de Franche-Comté a développé une carte permettant cette datation. Un oscillateur de 100 MHz (soit 1 battement toutes les 10 ns) envoie son signal à un compteur qui s'incrémente de 1 toutes les 10 ns. Cet oscillateur, identique à ceux que l'on trouve dans le commerce, n'a cependant pas une stabilité suffisante pour garantir une précision de 10 ns. Pour donner une référence de temps, un récepteur GPS (global positioning system) déclenche une lecture du compteur toutes les secondes, ce qui permet de déterminer le nombre exact d'oscillations qu'il y a eu pendant la seconde donnée par le GPS, et donc la fréquence de l'oscillateur pendant cette seconde. Le compteur est également lu lors de la détection d'un événement. Ainsi, connaissant exactement le temps écoulé entre deux oscillations et le moment exact de l'événement, il est possible de le dater à 10 ns près. Ce système a été validé récemment in situ, de même que les premières cuves de l'observatoire qui devrait être achevé courant 2004. Peu onéreuse, car elle utilise des oscillateurs standards du marché, et pourtant très précise, cette carte de datation peut être utilisée dans de nombreuses autres applications.
François Vernotte – François Meyer
Laboratoire d'Astrophysique (UMR 6091)
Université de Franche-Comté
Tél. 03 81 66 69 01 / 69 27
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