Université de Franche-Comté

[Forêt résiliente]

Des espaces de biodiversité au cœur des plantations de palmiers à huile

Déforestation et monoculture ne font pas bon ménage avec la notion de biodiversité. Un constat évident et d’autant plus tragique qu’il concerne des zones réputées pour la variété des espèces qu’elles abritent. C’est le cas des forêts tropicales d’Asie du Sud-Est, dont des millions d’hectares ont été décimés pour faire place à la culture des palmiers à huile. Si la priorité est bien sûr de stopper ce processus destructeur, tenter de restaurer une partie de la biodiversité perdue est un acte également salutaire.

Vue aérienne d’une plantation de palmiers à huile – CIFOR Knowledge

C’est ce qu’une équipe inter­nationale de chercheurs expérimente sur le territoire du premier pays producteur d’huile de palme au monde, l’Indonésie, et plus précisément sur l’île de Sumatra. Dans le cadre du projet EFForTS-BEE¹ lancé en 2013, les chercheurs ont planté des essences locales dans des îlots disséminés au cœur des plantations de palmiers. Ils ont enregistré de francs succès, constatant le bon développement des arbres qu’ils ont plantés, sans gêne pour les palmiers (voir en direct n°308, septembre-octobre 2023).

La croissance de ces arbres, atteignant aujourd’hui jusqu’à 15 mètres de hauteur, s’est accompagnée d’une régénération naturelle des îlots, avec l’apparition spontanée d’autres arbres autochtones, et même d’espèces endémiques de la région. Résultat : la biodiversité, si elle n’est pas aussi foisonnante qu’à l’origine, a repris ses droits, et dans une certaine mesure, les fonctionnements écosystémiques ont été restaurés.
Aujourd’hui, la quête des chercheurs se poursuit pour identifier les facteurs les plus favorables à la régénération naturelle.

Delphine Clara Zemp, directrice du laboratoire de biologie de la conservation à l’université de Neuchâtel et codirectrice de la Zone atelier de l’Arc jurassien (ZAAJ), fait partie de l’équipe : «­ L’étude montre que, sur les 52 îlots disséminés sur les 120 hectares de palmeraies, c’est dans les parcelles les plus grandes, et où les plantations d’essences locales ont été les plus diversifiées au départ, que l’établissement spontané d’autres espèces autochtones est le plus varié. Cette diversité se constate également en termes de traits fonctionnels et de lignées. Il est surprenant que la qualité du sol et la superficie des îlots soient les facteurs exerçant la plus grande influence, surtout pour les espèces endémiques ou celles qui, en principe, sont inféodées aux forêts. »
Les résultats prometteurs de cette étude ont été publiés dans la prestigieuse revue Science en novembre 2024.

Les chercheurs attirent cependant l’attention sur les limites de l’expérience, qui ne saurait suffire à recréer la biodiversité originelle de la forêt tropicale : protéger les parcelles restées intactes demeure un impératif.

¹ EFForTS-BEE réunit des chercheurs des universités de Göttingen (D), pilote du projet, et de Neuchâtel, ainsi que des universités IPB, de Bogor et de Jambi, en Indonésie.
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