Le problème se pose aussi simplement qu’il est complexe à résoudre : à l’hôpital, que faire pour que le temps consacré aux soins infirmiers soit suffisant pour chaque patient ?
Cette question fait écho à la dégradation des conditions de travail des infirmières et infirmiers dans de nombreux services hospitaliers. Au-delà de la problématique d’une pénurie chronique de personnel et des choix ou possibilités de recrutement de l’institution, elle suggère que la situation soit étudiée de manière quantitative pour donner des clés d’analyse, voire des leviers d’action aux décideurs.
C’est à grand renfort d’équations qu’Alexis Roussel propose de s’atteler à la tâche.
À l’université de Franche-Comté, doctorant au CRESE sous la supervision de Mostapha Diss et de Marc Deschamps, Alexis Roussel travaille depuis trois ans à construire des modèles probabilistes temporels pour alimenter sa thèse en économie de la santé, et nourrir la réflexion autour d’un problème épineux.
« Les modèles élaborés au cours de ma recherche se fondent essentiellement sur la théorie des files d’attente, et permettent de développer des outils d’aide à la prise de décision », indique Alexis Roussel. Le jeune chercheur suppose connu le volume d’heures de soins que représente le personnel infirmier en place, par exemple sur une semaine, pour en déduire un temps moyen théorique pour chacun des patients hospitalisés sur la même période.
C’est là que les choses se corsent : les équations qu’il crée donnent les moyens d’estimer ce laps de temps en fonction des flux d’arrivée et de départ des patients, et selon d’éventuelles variations du volume global d’heures disponibles au cours du temps.Selon les différents scénarios qu’il a étudiés, les modèles montrent à quelle vitesse et à partir de quel moment le temps passé auprès de chaque patient se réduit, et tend inexorablement vers zéro dès lors que de nouveaux personnels ne sont pas mobilisés pour répondre à une baisse du temps total de soins disponible.
S’il est parfois difficile de mettre en phase les modèles théoriques et la réalité de terrain, il n’en reste pas moins que ces deux façons de considérer une même problématique peuvent largement tirer profit l’une de l’autre.
« Les équations produites dans ma thèse seraient faciles à implémenter dans un logiciel, pour que les responsables en logistique et management de personnel puissent déterminer des seuils de tolérance à une situation, décider de procéder à des aménagements de plannings ou à des recrutements. La difficulté consiste plutôt à recueillir les informations réelles concernant les flux de patients et le temps de soins disponible, pour entrer dans les équations les paramètres spécifiques à un contexte. »
Les modèles mis au point pourraient évoluer vers plus de finesse encore, par exemple en prenant en compte la possibilité d’une coopération entre les personnels infirmiers selon leurs compétences respectives, ou en adaptant le temps total disponible au nombre de patients présents à un moment donné : les modèles pourraient alors aider, en temps réel, à procéder à des ajustements bénéfiques sur le terrain.
Objet d’une soutenance orale au cours de ce mois de septembre, la thèse d’Alexis Roussel a été réalisée grâce à un financement de la Région Bourgogne - Franche-Comté.