Grand salon, préfecture du Doubs. Photo Malebre
Lors de la profonde réorganisation de l’État qu’il opère à sa prise de pouvoir, Napoléon met en place des préfets de départements pour qu’ils assurent l’ordre public et relaient les directives du Consulat sur leurs territoires respectifs. C’était en 1800. Aujourd’hui, le préfet est toujours le représentant du gouvernement, auquel son statut l’oblige à une absolue subordination. Fonctionnaire éminent de la République en même temps que figure proche sur le terrain, le préfet est cependant assez mal connu.
C’est pour combler cette faille que Henri Bouillon en a fait le sujet de ses études postdoctorales en droit public, et que, enseignant-chercheur à l’uFC /CRJFC, il continue à s’y intéresser. Henri Bouillon a signé un « livre étape » sur ses travaux : Le préfet, histoire, statut et fonctions, est paru chez L’Harmattan en fin d’année dernière, et sa synthèse est affichée sur le site du gouvernement.
Le livre présente de manière efficace et complète le rôle du préfet depuis la création de la fonction, un prisme par lequel apparaît également l’évolution du fonctionnement de l’État. « Le préfet est garant de la volonté de l’État et du respect de la loi. Il représente tous les membres du gouvernement : même si l’armée a un fonctionnement à part, et que l’éducation nationale a son propre représentant en la personne du recteur, c’est un vrai défi pour lui que de faire appliquer toutes les décisions ministérielles. » Le préfet assure aussi un lien entre l’État et les collectivités locales : s’il est depuis les débuts un instrument d’autorité, il s’emploie aujourd’hui également à faciliter l’action locale, et exerce un rôle économique important. « L’État se défait de sa puissance au profit d’une démarche coopérative avec son représentant, qui voit ses fonctions se renforcer. » L’une des évolutions récentes des prérogatives du préfet est le pouvoir de dérogation, datant de 2021, qui lui donne le droit de passer outre une règle nationale dans l’intérêt local, par exemple en matière d’urbanisme. Une autre de ses compétences concerne la fermeture d’un lieu de culte, un droit qui lui est conféré également depuis 2021.
Préfecture du Doubs – Photo du site Clés pour l’Histoire
L’Île-de-France a longtemps été le seul département à recevoir l’affectation d’un préfet de police, né comme ses collègues territoriaux sous l’ère napoléonienne. Une exception qui a perduré jusqu’en 2013 : c’est à cette date que le préfet de police des Bouches-du-Rhône fait son apparition, rejoignant dans ses attributions le préfet de police de Paris.
Le statut de préfet de région est né en 1964 ; il n’instaure pas vraiment de hiérarchie avec le préfet de département ; c’est le préfet du département chef-lieu de la région qui prend ce titre et ces fonctions. Un dispositif que ne remet pas en cause la création des grandes régions en 2015 : Franck Robine, par exemple, est préfet de la région Bourgogne – Franche-Comté en même temps que préfet de la Côte d’Or. « De manière générale, les relations entre les préfets sont plutôt informelles et fondées sur la coopération. » Le sentiment d’appartenance à une équipe, à une famille, est cependant mis à mal depuis la suppression du corps préfectoral au 1er janvier 2023.
Dépossédés de leur filiation historique, les préfets sont issus soit du corps désormais unique de la haute fonction publique, soit du secteur privé, et sont recrutés par contrat, pour neuf ans consécutifs au maximum. « Être préfet signifie aujourd’hui occuper un poste, et ne s’envisage plus comme une carrière. » La volonté du gouvernement est d’instaurer des passerelles entre les métiers de la fonction publique, et de favoriser la mobilité, le dynamisme, le renouveau des points de vue, selon l’esprit start-up nation loué par le président français. Le préfet, comme le recteur, est susceptible d’être démis de ses fonctions du jour au lendemain, un attribut qui, lui, n’est pas nouveau.
