Reconnu comme l’une des plus belles plumes de la littérature française contemporaine, l’écrivain comtois Claude Louis-Combet a reçu le prix de la Société des gens de lettres pour l’ensemble de son œuvre. Un hommage académique lui a été rendu à l’université de Franche-Comté en septembre dernier, qui met l’accent sur la symbiose entre son écriture et les arts plastiques.
Romans, récits, nouvelles, essais…, l’œuvre de Claude Louis-Combet est prolifique et atypique dans le paysage littéraire français : d’une beauté où se lit l’amour de la langue française et de la poésie, empreinte de spiritualité et de mysticisme, parfois dérangeante, souvent difficile d’accès, elle est appréciée par un cercle confidentiel, mais fidèle, de lecteurs. Claude Louis-Combet a reçu, au titre de l’année 2022, le prix de la Société des gens de lettres pour l’ensemble de son œuvre. Cette société savante, née à Paris en 1838 sous l’impulsion d’éminents écrivains comme Honoré de Balzac, Théophile Gautier et Victor Hugo, défend les intérêts des auteurs depuis sa création et assure la promotion du patrimoine littéraire français.
Né à Lyon en 1932, Claude Louis-Combet enseigne à Besançon, où il réside toujours, dès la fin de ses études de philosophie. Une longue histoire le lie au Centre Jacques-Petit, aujourd’hui rattaché au laboratoire ELLIADD à l’université de Franche-Comté. Spécialisé dans l’édition critique, dépositaire de fonds d’archives pour la recherche, le Centre Jacques-Petit accueille depuis 1995 les manuscrits de l’écrivain, depuis numérisés et mis en ligne de même que leurs marginalia, ces brouillons, croquis et autres annotations inscrites en marge, et qui sont utiles à la « critique génétique » d’une œuvre. Au total, ce ne sont pas moins de 22 000 folios qui sont aujourd’hui disponibles sur catalogue numérique1.
France Marchal-Ninosque est l’une des plus grandes spécialistes de l’œuvre de Claude Louis-Combet, à laquelle elle consacre une part importante de ses recherches. Professeure en littérature française à l’université de Franche-Comté / ELLIADD, historienne des idées, elle est l’instigatrice de l’hommage académique rendu à l’écrivain à la MSHE en septembre dernier, en sa présence et celle de nombreux artistes francs-comtois, tels que les peintres Charles Belle et Pierre Bassart, ou le sculpteur Paul Gonez. « Ce qu’on ignore souvent de Claude Louis-Combet, c’est qu’il signe depuis très longtemps des textes pour accompagner les créations de nombreux artistes de la région. » Claude Louis-Combet, critique d’art ? Pas au sens où on l’entend traditionnellement, mais selon une manière qui lui est personnelle et renouvelle le genre, et qui tient de la poésie plutôt que de la technique.
Dans un ouvrage scientifique paru en 20162, France Marchal-Ninosque explique : « Pour commenter une œuvre d’art, tableau, sculpture, photographie, Claude Louis-Combet suggère l’image mentale qu’il porte en lui et qui vient croiser celle de l’artiste. […] Comme si le mouvement de la plume voulait épouser celui du pinceau ou du burin, l’expression littéraire rencontre littéralement l’expression artistique, et il semble que deux intimités se croisent, deux imaginaires s’enrichissent l’un au contact de l’autre, deux aspirations métaphysiques entrent en confluence. » Ainsi le poème composé par l’écrivain pour décrire les stations du Chemin de croix sculpté par l’artiste franc-comtois Gabriel Saury, pour l’église d’Orchamps-Vennes (25) :
Je leur ai donné mon corps et ils l’ont torturé.
J’ai tendu vers eux mon visage, et ils ont craché dessus.
Je leur ai montré mes mains et ils les ont clouées.
Je me suis dépouillé de tous mes vêtements et ils ont ri.
Voyez : l’homme est aussi nu que son Dieu sous la misère,
Aussi privé, aussi rompu, aussi broyé, le cœur béant, la tête encouronnée,
sans autre raison, sous les épines
Que la douleur du chemin.
« Ce poème en prose est moins la description de la station sculptée par Saury que l’interrogation métaphysique du chrétien en rupture de ban, saisi par le doute, interrogeant la valeur de la souffrance et du sacrifice. Les sculptures, d’un expressionnisme saisissant, ont rencontré et fécondé l’imaginaire de l’écrivain, amené à s’interroger sur la via dolorosa de tout artiste. »
Par amitié pour les artistes qui le sollicitent, Claude Louis-Combet compose ainsi depuis quarante ans des « critiques poétiques » qui tiennent une grande place dans son œuvre : « La philosophie sous-tend un travail d’artiste et un travail d’écrivain. Ce sont les raisons profondes de mon travail d’écriture. Je n’ai pas cherché à réaliser une somme philosophique, mais, par le biais de la fiction, à rendre une vision métaphysique du monde qui s’alimente beaucoup du travail des artistes que j’ai fréquentés. Tout au long de ma carrière et de mon travail d’écriture, il y a eu ce dialogue constant avec l’art et les artistes. Je dis souvent que je n’ai pas beaucoup d’imagination formelle ; cette approche créatrice du monde me stimule ; les artistes m’aident, me fournissent une provision, un capital de formes qui reviennent, qui occupent l’esprit et animent mon travail d’écriture ».3
Claude Louis-Combet est l’inventeur d’un genre nouveau en littérature, qu’il a lui-même nommé mythobiographie, fondé sur le principe de la réécriture. Par des recherches approfondies, l’écrivain s’imprègne de la vie d’un saint ou d’un être de légende, avant de s’en éloigner pour mieux romancer la vie qu’il choisit pour lui. Ses emprunts concernent aussi bien la religion que la mythologie grecque, la mythologie celte, ou encore l’imaginaire moyenâgeux.
« Claude Louis-Combet s’intéresse à toutes les formes de mysticisme. De la matière érudite qu’il accumule sur un personnage, il ne garde que l’âme, le psychisme », raconte France Marchal-Ninosque. Marinus et Marina (1978), L’Âge de rose (1997) ou Bethsabée, au clair comme à l’obscur (2015) inspiré de Rembrandt et de sa muse, ci-contre dans Bethsabée au bain, figurent parmi ses plus beaux romans mythobiographiques.