Université de Franche-Comté

L’eau potable, de l’aquifère au robinet
Ressources et consommation : un nécessaire rééquilibrage

Les réservoirs d’eau souterrains du massif jurassien font encore preuve de mystères, que la sismologie (lire ici), en lien avec l’hydrologie et la climatologie, peut aider à percer. Et mieux connaître l’eau, c’est aussi mieux la protéger et mieux la gérer. Des enjeux dont la priorité est montée d’un cran avec le bouleversement climatique.

 

Photo Pixabay

Les réservoirs d’eau souterraine constituent une ressource essentielle dans les régions calcaires ; dans le massif du Jura, ils fournissent près de 80 % de l’alimentation en eau potable. C’est dire l’enjeu majeur qu’ils représentent, à l’heure où les problématiques de changement climatique et de sécheresse se posent de façon récurrente. Lors d’un café scientifique organisé par l’université de Neuchâtel en avril dernier­ 1, les participants insistaient sur une nécessaire prise de conscience des citoyens autant que des politiques : nous avons le sentiment que l’eau est là pour toujours, alors que les changements que nous vivons sont très rapides et ont un impact fort sur les ressources.

La climatologue Martine Rebetez, professeure à l’université de Neuchâtel et à l’Institut fédéral de recherches WSL rappelle le déséquilibre induit par le bouleversement climatique sur le cours d’une année, avec davantage d’épisodes d’abondantes précipitations et d’épisodes de sécheresses intenses. « La hausse des températures provoque un supplément d’évaporation. L’air peut absorber plus d’eau, prise entre autres dans les sols et la végétation, et en transporter davantage, qui sera disponible au moment des précipitations. De plus en plus de grandes zones sont concernées par la sécheresse, les besoins en eau pour l’agriculture s’intensifient et demandent à puiser davantage dans les ressources. »

 

80 % de l’eau consom­mée en suisse est importée

Hydrogéologue au Centre d’hydro­géologie et de géothermie (CHYN) de l’université de Neuchâtel, Daniel Hunkeler souligne qu’il est actuellement difficile d’implanter de nouveaux captages pour l’alimentation en eau potable : « Le territoire est trop largement colonisé par l’agriculture intensive et le développement d’infrastructures comme les autoroutes. Dans la pratique agricole, il faut intégrer l’idée que les surfaces agricoles ne doivent pas produire uniquement de la nourriture, mais aussi de l’eau potable, via l’alimentation des nappes en eau », explique le chercheur, en appelant à de nouvelles législations territoriales.

Dans ce contexte, diversifier les sources d’approvisionnement en eau apparaît indispensable, à divers degrés : c’est par exemple recourir davantage à l’eau des lacs ou recueillir plus d’eau de pluie. Développer des systèmes de redistribution pour fournir de l’eau à ceux qui en manquent est une option, mais l’ingénierie qui apparaît déjà difficile à mettre en œuvre entre deux villages devient une gageure à plus grande échelle. C’est pourtant au niveau mondial que la réflexion doit se porter. « Une part croissante de l’humanité est clairement vitalement menacée par le manque d’eau lié à la hausse des températures », estime Martine Rebetez.

Or, et pour ne citer que ce pays, pas moins de 80 % de l’eau consommée en Suisse est importée : c’est l’eau qui est nécessaire pour produire, dans les pays étrangers, les biens de consommation que nous achetons. En dehors de l’attention désormais classique que chacun doit porter à sa consommation pour le lavage des voitures, le remplissage des piscines ou l’arrosage des jardins, il est également indispensable de prendre conscience de l’importance de la consommation d’eau que représentent des achats de produits importés comme la nourriture, en particulier la viande, ou les vêtements, provenant de pays ou de régions déjà souvent placés en situation de stress hydrique.

 

1 Et si le robinet ne coulait plus ?
Café scientifique du 27 avril 2022, à retrouver en podcast sur le site de l’UniNe.
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