Le goût et lodorat sont appelés « sens chimiques » parce quils sont stimulés par des molécules, alors que la vue, louïe et le toucher répondent à des stimulations physiques. Il existe un troisième sens chimique, indépendant du goût et de lodorat bien quil emprunte également les voies buccales et nasales, et largement méconnu. Cette modalité sensorielle permet la perception de molécules très diverses qui peuvent navoir ni saveur ni odeur, mais génèrent des sensations dirritations ou de douleur. Elle prend une part active dans les mécanismes de défense de lorganisme (protection des voies respiratoires et digestives, notamment). Les molécules qui activent ce troisième sens chimique sont regroupées sous le terme dirritants chimiques tels que la capsaïcine du piment, la pipérine du poivre, lhuile de moutarde, la nicotine ou lammoniac. De même, à concentrations élevées, de nombreux stimuli gustatifs et olfactifs deviennent des irritants et stimulent donc ce sens chimique. Ce type de sensibilité est activé au niveau des terminaisons libres du nerf trijumeau (V° nerf crânien) que lon retrouve aussi bien dans la cavité buccale que dans la cavité nasale.
• Lune des grandes particularités de cette sensorialité chimique est la variabilité de la réponse en fonction de laspect temporel de la stimulation, notamment à la suite dune stimulation initiale des récepteurs. En effet, pour des irritants communs comme la capsaïne du piment, la molécule la plus utilisée dans les recherches (essentiellement anglo-saxonnes), on observe quune seconde application de même concentration, séparée de la première par un intervalle de temps restreint (moins dune minute) provoque une sensation plus forte, comme sil sagissait dune sommation des stimuli. Les mécanismes régissant ce phénomène, appelé sensibilisation, ne sont pas encore très bien compris. A linverse, si la seconde stimulation intervient après un délai suffisant dau moins trois minutes, elle ne provoque aucune sensation. Il sagit alors dun phénomène de désensibilisation qui semble être dû à linactivation des fibres afférentes stimulées. Lorsque la même molécule est utilisée, il sagit dauto-sensibilisation et dauto-désensibilisation.
• Lorsquà la suite dune stimulation initiale (avec la capsaïcine par exemple) on utilise une autre méthode dont les effets observés sont similaires à ceux décrits précédemment, il sagit de sensibilisation ou de désensibilisation croisée.
• Des travaux récents ayant établi que lhuile de moutarde (allyl-isothiocyanate) active en grande partie les mêmes récepteurs que la capsaïcine, des travaux sur cette molécule simposent. Il paraît compréhensible que lhuile de moutarde ne suscite pas dengouement particulier chez les chercheurs anglo-saxons. En revanche, il semble que la recherche française puisse trouver un intérêt particulier à étudier la molécule qui donne son caractère à lun de nos épices favori. Dans ce cadre, des observations menées au sein du laboratoire Neurosciences (groupe psychophysiologie) de luniversité de Franche-Comté, cherchent à déterminer si les propriétés de sensibilisation et de désensibilisation décrites pour la capsaïcine sont identiques pour lhuile de moutarde, notamment au niveau des délais.
• La méthode utilisée consiste à enregistrer les variations de paramètres psychophysiologiques (lactivité électrodermale) en réponse à des stimulations de même concentration, séparées par des écarts de temps variables. Si les phénomènes dauto-sensibilisation et dauto-désensibilisation à lhuile de moutarde sont avérés et les temps respectifs déterminés, une seconde étude concernera alors les phénomènes de sensibilisation-désensibilisation croisée à dautres molécules. Ces observations présentent un double intérêt : pour la connaissance de ce troisième sens chimique négligé, par les disciplines biologiques et les neurosciences, et pour la recherche appliquée dans le cadre général des travaux sur lalimentation.
Gérard Brand
Laboratoire de Neurosciences
Université de Franche-Comté
tél. 03 81 66 57 52
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