Simulation numérique de l’évolution du spectre de la source laser couvrant la gamme de longueur d’onde de 2 à 10 µm dans l’infrarouge moyen. © Thibaut Sylvestre, Institut Femto-ST/CNRS
Un supercontinuum est une source lumineuse créée à partir d’impulsions laser très courtes et très puissantes dans un matériau non linéaire. Le plus souvent généré dans des fibres optiques, ce phénomène lumineux couvre une part importante du spectre électromagnétique, offrant de formidables possibilités dans de nombreux domaines. Cependant les bandes passantes actuellement créées par un supercontinuum ne peuvent dépasser la barre des 2 μm de longueur d’onde : c’est la limite imposée par le verre de silice constituant la fibre optique dans laquelle se propage la lumière. Or la détection de nombreuses espèces chimiques et biologiques n’est possible qu’au-delà de 2 μm, dans l’infrarouge moyen.
C’est à cette portion du spectre électromagnétique que s’est attaquée une équipe de scientifiques pour répondre aux besoins de l’industrie, notamment biomédicale, avec la création d’une nouvelle source supercontinuum couvrant l’infrarouge moyen entre 2 et 10 μm. Directeur de recherche au CNRS, Thibaut Sylvestre est, pour la partie académique, porteur d’un projet européen à l’origine de cette expérience sans précédent.
« Le résultat est rendu possible par l’exploitation de fibres optiques composées de matériaux différents, explique le chercheur. Le laser traverse un assemblage successif de fibres en verres de silice, de fluorure et de chalcogénure dont les propriétés s’additionnent, permettant ainsi de couvrir un spectre de 2 à 10 μm de longueur d’onde et d’ouvrir de larges bandes passantes dans l’infrarouge. Seul le rayonnement Synchroton offre une bande passante plus large ».
Les verres ont été mis au point par les chimistes de l’Institut des sciences chimiques de Rennes (ISCR), les entreprises SelenOptics et Le Verre Fluoré1, qui sont des spécialistes de ces matériaux et ont cherché à élaborer les compositions idéales pour atteindre l’objectif. L’agencement du dispositif a nécessité de faire appel à différentes technologies pour rendre les fibres compatibles entre elles et contrôler la propagation de la lumière en leur coeur. « Un modèle numérique simule la propagation des impulsions laser à travers la série de fibres et ces résultats sont utilisés pour optimiser les processus physiques sous-jacents », explique Thibaut Sylvestre.
Le système mis au point est compact, robuste et facile à transporter pour pouvoir répondre aux besoins sur le terrain. La détection d’espèces chimiques et biologiques à une échelle aussi fine que la molécule trouve des applications principalement en spectroscopie et en imagerie, dans le domaine médical, l’environnement ou encore l’agroalimentaire. La production et la commercialisation de la source infrarouge sont en bonne voie chez les industriels partenaires de ce projet européen, projet dont la clôture est prévue fin 2020 après 5 années de recherches.