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Le 21 avril 2017, les thermomètres enregistraient – 4,1°C à Berne. La végétation, alors très en avance en raison d’un début de printemps exceptionnellement chaud, a subi d’importants dommages dus au gel, ici comme ailleurs en Suisse. C’est à ces phénomènes, rendus plus sensibles en raison du réchauffement climatique, que le biologiste Yann Vitasse s’intéresse. Les études qu’il mène pour l’université de Neuchâtel et l’institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage (WSL) corrèlent, dans un bilan précis et factuel, les variations des températures et des dates d’apparition des bourgeons, des feuilles et des fleurs de différentes espèces d’arbres. « Les analyses sont effectuées sur la base des observations récoltées puis transférées à Météo Suisse par des volontaires, sur cent vingt-huit sites, à diverses altitudes, depuis les années 1950 », commente le chercheur. Une inestimable base de données de quelque 20 000 observa-tions, que seul l’engagement citoyen pouvait permettre de constituer.
Premier constat : le réchauffement climatique est responsable de l’avancée du dernier jour de gel, qui constitue un repère pour les végétaux. Il provoque aussi l’avancée de l’apparition des feuilles de toutes les espèces étudiées, de deux semaines environ depuis les années 1980. En dessous de huit cents mètres d’altitude, ces deux phénomènes vont de pair, ne générant que peu de changement dans le risque d’exposition au gel des arbres. Il en va tout autrement au-delà de huit cents mètres d’altitude, où la date de sortie des feuilles avance plus vite que celle du dernier jour de gel. Résultat : les feuilles naissantes, qui sont à ce stade très vulnérables au gel, sont de plus en plus exposées à ce risque, et les arbres sont fragilisés.
Fort de ces constats, Yann Vitasse met en garde contre l’idée d’importer des espèces au développement plus précoce dans l’idée qu’elles seraient mieux adaptées au réchauffement climatique. « Si l’apparition des feuilles survient plus tôt encore pour ces espèces que pour celles actuellement présentes, le décalage avec le dernier jour de gel risque de se creuser, et de causer des dommages importants dans de telles plantations. »
Par ailleurs, les analyses montrent que les dates d’apparition des feuilles des mélèzes, hêtres, épicéas et autres noisetiers sont moins liées à l’altitude que par le passé. Dans les années 1960, on observait une différence de trente-quatre jours par mille mètres d’altitude, contre vingt-deux aujourd’hui. Et si à basse altitude, les arbres répondent de moins en moins au réchauffement, ce pourrait être lié à un manque de froid en hiver : la dormance est une mise en sommeil qui permet aux végétaux de passer la mauvaise saison sans être abimés par les gelées, pour renaître au printemps ; or, pour sortir de cet état, les arbres ont besoin d’être exposés à des températures comprises entre 0 et 8°C, un coup de starter qui les précipite vers la lumière et la chaleur du printemps. « Lorsque la levée de la dormance ne se produit pas correctement à cause d’un manque de froid, les bourgeons ont besoin de plus de chaleur par la suite pour pouvoir se développer, ce qui prend plus de temps », explique Yann Vitasse, qui étudie toutes les interactions possibles entre variations de températures, gradients d’altitude et développement des végétaux pour pouvoir peu à peu juger des mécanismes qui s’opèrent sous l’influence du réchauffement climatique, et de l’impact à en attendre.
Contact :
Yann Vitasse – Institut de géographie – Université de Neuchâtel
Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage
Tél. +41 (0)79 345 21 23