« Quoi ! Pour empêcher l’homme d’être méchant, fallait-il le borner à l’instinct et le faire bête ? » Cette citation de Jean-Jacques Rousseau illustrant le redoutable concept nature/culture, est extraite de son célèbre Émile ou de l’éducation (1762). Elle est, de l’avis de Véronique Dagues, la phrase exprimant l’essence de son ouvrage à elle, tiré d’une thèse en sciences du langage qu’elle a soutenue à Besançon en 2013 : Question de transmission, de l’« Émile » à l’apprenant et de la parole à la communication.
L’auteure propose de voir comment les propositions d’enseignement émises par Rousseau, totalement révolutionnaires pour l’époque, bien vivantes durant deux siècles, puis visiblement tombées en désuétude, se retrouvent en réalité discrètement distillées dans les modèles d’éducation actuels, et notamment ceux de la didactique des langues étrangères comme des orientations du CECR (Cadre européen commun de références), et plus généralement dans l’ensemble du processus de transmission des savoirs et de la connaissance.
Mais si les méthodes demandent à être comparées, il est clair que les objectifs de l’enseignement ont, eux, fondamentalement changé. Forger au « métier d’homme » était l’idéal de Jean-Jacques Rousseau pour son élève imaginaire, Émile ; « savoir-être » est aujourd’hui la compétence attendue des apprenants.
Question de transmission, s’il fait évidemment largement référence à l’œuvre de Rousseau, se nourrit des écrits d’autres philosophes, d’histoire, d’anthropologie physique et culturelle, de psychologie et de psychanalyse, de littérature et de poésie, pour répondre aux questionnements que soulève l’enseignement à chaque génération. Dans ce sillage, l’ouvrage explore la difficile question du langage chez les hommes et l’usage de la parole, « irréductible à une simple fonction de communication. »
Dagues V., Question de transmission, de l’« Émile » à l’apprenant et de la parole à la communication, éditions Lambert-Lucas, septembre 2016
