Incriminé pour ses effets nocifs sur la santé humaine, la chlordécone, un insecticide longtemps utilisé dans les bananeraies des Antilles françaises, est dans la ligne de mire du laboratoire Chrono-environnement. Au sein du projet de recherche national INSSICCA, les chercheurs bisontins travaillent à mieux évaluer le transfert de ce contaminant à l’alimentation locale.
Si un produit est capable de tuer un insecte, il est forcément nuisible pour d’autres insectes, et peut être nocif pour d’autres organismes, l’homme y compris. Le degré de toxicité dépend notamment de la dose utilisée et de la durée d’exposition des êtres vivants à ce produit. L’emploi de la chlordécone est une illustration parlante des effets possibles d’une telle substance sur la santé humaine. L’insecticide est la cible du projet de recherche national INSSICCA, auquel le laboratoire Chrono-environnement apporte son expertise en matière de transfert de contaminants, ici aux animaux d’élevage et par ricochet à l’alimentation humaine.
Interdite aux USA dès 1976, en France en 1990, la chlordécone reste autorisée en Martinique et en Guadeloupe jusqu’à fin 1993 : elle se révèle efficace pour lutter contre le charançon des bananiers, qui menace une culture d’importance économique capitale à l’époque. Estimée possiblement cancérogène par l’OMS dès 1979, puis par l’INSERM en 2010 pour le cancer de la prostate, l’insecticide est soupçonné d’être responsable de l’explosion du taux d’incidence de cette pathologie dans les Antilles françaises. En Martinique, le nombre de cas diagnostiqués par rapport à l’effectif de la population à risque atteint 227 pour 100 000 en 2012, plaçant l’île française très loin à la première place mondiale.
Les études déjà menées sur la pollution à la chlordécone vont aujourd’hui se compléter des enseignements du projet INSSICCA, qui vient d’obtenir un financement de l’ANR pour trois ans. « La chlordécone est une substance très persistante et très hydrophobe : si elle est faiblement absorbée par les végétaux, elle se fixe en quantité et durablement sur la matière organique du sol et sur les minéraux. L’ingestion par le bétail de particules de sol adhérées à la végétation constitue une voie significative de contamination des animaux, qui est souvent mal prise en compte », explique Pierre-Marie Badot, enseignant-chercheur en biologie à Chrono-environnement. Or l’insecticide a amplement été utilisé dans les bananeraies, aujourd’hui reconverties en cultures vivrières ou pour l’élevage dit « au piquet » : les bovins, attachés par une corde à un pieu, se déplacent sur un espace restreint, piétinant le sol dont ils ne manquent pas d’ingérer des particules en même temps qu’ils broutent l’herbe.
À la suite d’études sur les contaminants radioactifs présents dans les sols et sur leur transfert potentiel au lait et aux produits laitiers, Pierre-Marie Badot et son équipe ont proposé une méthode simple pour mesurer cette « part de sol » et par là même les transferts de polluants aux animaux. La démarche scientifique développée à Chrono-environnement pourra utilement se décliner à d’autres polluants et à d’autres problématiques sanitaires impliquant l’ingestion de sol, fréquente par exemple chez l’enfant en bas âge.
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Laboratoire Chrono-environnement – Université de Franche-Comté / CNRS
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