Voilà 50 000 ans, au plus fort de la glaciation de Würm, entre l’immense calotte glaciaire arctique et l’impressionnant massif des Alpes sur lequel se greffe le Jura, les Vosges font modeste figure. Elles ne susciteront que peu l’enthousiasme des chercheurs contemporains. Palliant cette carence, une récente étude montre que les Vosges ont subi de la façon la plus sévère le bref coup de froid du Dryas récent, survenu il y a environ 12 700 ans, dans le contexte de très grande instabilité climatique régnant au sortir de l’ère glaciaire.
Si la déglaciation s’étend sur plusieurs millénaires, elle subit des revers et procède par paliers. À sa limite d’extension, correspondant à une température de l’air et une altitude précises, la glace fond et dépose les débris de roches et les minéraux de toutes tailles qu’elle a charriés jusque-là. Les moraines formées par cette accumulation s’érigent parfois en véritables barrages naturels, derrière lesquels un lac naîtra d’une nouvelle fonte de glaces. Le lac comme la moraine sont des marqueurs d’informations et leur étude permet de dater les événements climatiques auxquels ils sont liés. Soupçonnant que les Vosges avaient une autre histoire à raconter que celle des Alpes ou du Jura, une équipe de chercheurs menée par Anne-Véronique Walter- Simonnet, sédimentologue à l’université de Franche-Comté, s’est lancée dans une recherche consacrée à ce massif. Elle a démontré toute la valeur informative d’une couche de sédiments brillant par… son absence.
Des prélèvements de tourbe réalisés par carottage dans des sites lacustres vosgiens révèlent la superposition de deux couches de cendres volcaniques. La datation au carbone 14 attribue l’une à l’éruption d’un volcan situé en Allemagne, il y a 13 000 ans, la seconde à l’activité d’un homologue islandais 880 ans plus tard. Entre les deux, quasiment aucune trace de sédiments, contrairement à ce qui est observé dans les sites jurassiens et alpins. Seule de la glace recouvrant les reliefs et la surface des lacs peut expliquer que si peu de matériau ait pu se déposer pendant des centaines d’années. Le froid du Dryas récent aurait-il été beaucoup plus rigoureux sur les Vosges ?
Pour tester cette hypothèse, l’équipe fait appel à des spécialistes de la datation au béryllium 10, un nucléide produit in situ à la surface des roches sous l’effet indirect du rayonnement cosmique. Sa mesure permet de dater le retrait progressif de la glace, une méthode particulièrement adaptée aux moraines et roches moutonnées vosgiennes riches en quartz.
Les résultats obtenus corroborent les données issues de l’étude des dépôts lacustres : au début du Dryas récent, pendant plus de 700 ans, la glace recouvrait les Vosges jusqu’à des altitudes de 950 m inférieures à celles observées dans les Alpes à la même période. La morphologie du massif et le fonctionnement particulier de son système, lié à sa petite taille, pourraient constituer des explications que vérifiera au cours des prochains mois une étude climatologique marquant la fin de la première partie d’un programme de recherches initié en 2006.
La composition chimique des laves émises lors d’éruptions volcaniques n’est pas la même d’un volcan à un autre. La lave projetée en l’air se fige en des gouttes de verre qui, mêlées à des minéraux, composent les cendres. Lors de leur analyse, les sédimentologues séparent les minéraux du verre volcanique, dont les particules infimes, de l’ordre de quelques dizaines de microns de diamètre, livrent par-delà les millénaires le secret de leur composition. L’identification des volcans, dont l’activité est par ailleurs datée au carbone 14, est alors incontestable.
Contact : Anne-Véronique Walter-Simonnet
Laboratoire Chrono-environnement
Université de Franche-Comté / CNRS
Tél. (0033/0) 3 81 66 62 89