Après avoir démontré les performances du cryogénérateur mis au point à Besançon, FEMTO-ST livre un oscillateur ultrastable à l’Agence spatiale européenne (ESA) qui, après l’avoir testé, devrait l’utiliser pour maîtriser la trajectoire des sondes.
Un dixième de picoseconde, c’est 10-13 seconde, et cet espace de temps infinitésimal correspond à la variation d’une horloge à quartz. À Besançon, ce que les chercheurs de FEMTO-ST ont obtenu et validé dans les travaux qu’ils mènent pour l’Agence spatiale européenne, c’est une précision dans la mesure du temps de l’ordre de trois fois 10-15 seconde (ou 3 femtosecondes). Plus infinitésimal encore…
Conçue pour l’ESA par l’équipe bisontine — en collaboration avec des partenaires européens 1 — la machine est livrée en ce début 2010 et entre maintenant en phase de test. Sa fonction : assurer le suivi des sondes spatiales pour maîtriser leur navigation. « On a besoin de calculer et d’observer leur trajectoire. Il faut déterminer la distance à la Terre, puis la vitesse, et à partir de là, faire des corrections. Mesurer les distances revient à mesurer le temps : on envoie une onde, on récupère l’écho, et la distance est déterminée par le temps de retour. La vitesse, on la détermine par effet Doppler, grâce au décalage de fréquence. Mais pour faire tout cela il faut des horloges très très stables », explique Vincent Giordano, qui travaille sur cette thématique depuis son arrivée au laboratoire il y a une quinzaine d’années — il s’agissait alors du LPMO, pour Laboratoire de physique et métrologie des oscillateurs, désormais intégré à FEMTO-ST associant l’université de Franche-Comté au CNRS. Très vite impliqué dans ces recherches amont, il s’est dès lors constitué une équipe qui nourrit des échanges profitables avec celle de l’University Western Australia (UWA, à Perth), très en pointe sur ces questions.
Pour faire une bonne horloge il faut un bon pendule au tic-tac régulier, au cycle stable, le challenge pour le projet de l’ESA, exprimé par des spécifications précises, consistait alors à mettre au point une machine de très grande précision, dotée d’une autonomie d’un an. Les chercheurs bisontins avaient déjà atteint, à partir d’un « pendule » en saphir, des oscillations électromagnétiques d’une très grande stabilité. La difficulté allait donc porter sur les moyens à mettre en œuvre pour assurer une réelle autonomie de l’horloge, la sonde spatiale pouvant fonctionner hors de toute présence humaine pendant des mois…
Sachant que cette stabilité ultime est permise par la technologie de la cryogénie (le froid minimisant les phénomènes de frottement et de dissipation d’énergie), via des bains d’hélium liquide affichant – 269°C, les scientifiques bisontins ont dû mettre au point un dispositif tout aussi performant, mais plus durable dans le temps. « Il nous fallait nous débarrasser du bain d’hélium. À la place, nous avons utilisé des cryogénérateurs, qui sont des sortes de frigos dont le fluide est toujours l’hélium, mais avec un cycle fermé », explique Vincent Giordano. Un système de suspensions mécaniques sophistiqué permet de contenir les vibrations du cryogénérateur en-dessous du micron. Et ainsi la machine fonctionne.
À l’issue des tests, l’Agence spatiale européenne devrait implanter l’instrument dans une station de base, sur l’île espagnole Cebreros. Elle pourrait ensuite en commander d’autres. Quant à l’équipe de FEMTO-ST, qui sera allée au bout des performances, elle pourrait, elle aussi, s’équiper d’un tel cryogénérateur pour ses horloges. En tant que laboratoire associé au LNE — Laboratoire national de métrologie et d’essais — pour la métrologie du temps, elle aurait tout intérêt à intégrer un tel instrument dans la chaîne de la métrologie française.
1. Le NPL — National physical laboratory — près de Londres et la société allemande TIMETECH.
Contact : Vincent Giordano
Département Temps-Fréquence
Institut FEMTO-ST
Université de Franche-Comté / UTBM / ENSMM / CNRS
Tél. (0033/0) 3 81 85 39 73