Le Centre d'hydrogéologie de l'université de Neuchâtel a été chargé de piloter un projet Interreg destiné à démontrer ce que les gens de terrain savent intuitivement : la forêt filtre l'eau, et à ce titre, doit être gérée avec précaution.
Tout est parti de l'hypothèse de forestiers selon laquelle la bonne qualité de l'eau suisse tiendrait à une gestion minutieuse de la forêt. En Suisse, un soin tout particulier est apporté à la ressource sylvicole, tous les arbres sont mesurés, les barrières sont interdites… et environ 60 % des surfaces sur sources sont couvertes de forêts. Côté France, on est également convaincu du rôle très positif de la forêt pour la protection des eaux souterraines. Mais là aussi, on manque d'arguments scientifiques démontrant cette hypothèse, arguments qui pourraient, du même coup, orienter la gestion actuelle et future. « D'où cette décision de lancer des études pour prouver que là où il n'y a pas de forêt, l'eau est de moins bonne qualité », résume le professeur François Zwahlen, qui dirige le Centre d'hydrogéologie de l'université de Neuchâtel, lequel héberge le projet de recherche franco-suisse baptisé « Alpeau ». « Le rôle de filtre des forêts est extraordinaire, on le sait depuis longtemps. Lors de tempêtes, on a pu observer des modifications importantes de la qualité et de la quantité d'eau ».
Le comité de pilotage franco-suisse de ce projet Interreg — fonds européens destinés à des projets de coopération transfrontalière — est constitué d'une quarantaine de responsables techniques et administratifs, de scientifiques et de praticiens impliqués, qui se sont réunis une première fois à la Maison de la nature neuchâteloise, le 28 novembre 2008, jour du lancement d'Alpeau. Pour ce projet monté par des forestiers privés qui l'ont sollicité, et dont le but est « d'étayer scientifiquement ce qu'ils disent depuis toujours », François Zwahlen et ses collègues forestiers ont dû trouver des fonds, notamment auprès des cantons romands, des villes de Lausanne et de Neuchâtel et même de divers fondations ou sponsors, pour un budget atteignant aujourd'hui environ un million de francs suisses (670 000 euros). Pendant trois ans, avec ses équipes et celles du pédologue Jean-Michel Gobat, cet hydrogéologue va analyser, observer, synthétiser et vérifier toute une série de données.
Pour cette étude, il n'est pas question de réaliser une coupe à blanc d'une forêt sur une source. « Nous ferons toutefois quelques manipulations sur le terrain, sous terre, dans des grottes, nous mettrons des polluants et simulerons le passage à travers le sous-couvert forestier, la litière », confie l'hydrogéologue. « Mais selon les thématiques étudiées, nous allons nous baser sur des études historiques. Pour la zone de Neuchâtel, par exemple, il existe toute une série de données récoltées depuis quinze ou vingt ans ».
Avec ses sols très perméables, la chaîne du Jura représente un réservoir d'eau aux processus complexes, et sa diversité de sous-sols et de boisements rend pertinent ce projet franco-suisse auquel sont associés, côté France, des forestiers de la région de Grenoble et des hydrogéologues de Chambéry. À l'issue de ces trois années de travaux, d'analyses et de synthèse, les chercheurs présenteront des résultats susceptibles de mieux orienter les pratiques sylvicoles et la gestion forestière, résultats qui pourraient intéresser également les… vendeurs d'eau. Seconde déclinaison du projet : résultats et conclusions seront présentés dans un guide des bonnes pratiques à l'usage des forestiers qui, dès lors, devraient pouvoir être considérés officiellement comme des sentinelles de l'eau.
Crédit photo : G. Pannetton
Contact : François Zwahlen
Laboratoire d'Hydrogéologie opérationnelle
Université de Neuchâtel
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