Université de Franche-Comté

Une AOC pour le bois du Jura

De tout temps réputés pour leur qualité et le savoir-faire de ceux qui les travaillent, les sapins et épicéas du massif jurassien font désormais l’objet d’une appellation d’origine contrôlée (AOC). Un label obtenu en mars dernier, légitimé par une étude menée au laboratoire Chrono-environnement, qui a contribué à en y définir les critères, le contexte et le périmètre.

Le vin d’Arbois, le comté et autres saveurs locales typiques ne sont pas seuls à mériter une AOC. Depuis que la loi a décidé, en 2001, d’accorder le fameux label à des produits autres qu’alimentaires, les résineux du Jura sont venus enrichir la notion de terroir jurassien et favoriser son rayonnement. Le résultat de plusieurs années de concertation entre les différents acteurs de la filière sylvicole, sur un projet initié par l’association française pour l’AOC Bois du Jura. C’est aussi le fruit du travail de chercheurs du laboratoire Chrono-environnement, qui ont dressé la liste des critères permettant de définir la spécificité des bois du Jura et leur qualité, et de là ont établi une carte de la zone concernée. « Le bois lui-même, ainsi que son environnement, sont les premiers éléments entrant en ligne de compte, mais pas les seuls, prévient d’emblée Éric Lucot, pédologue et responsable du projet à Chrono-environnement. Le savoir-faire des professionnels de la filière, maîtrisant les techniques de transformation du bois, est un paramètre également essentiel. »

L’étude scientifique, en particulier la thèse préparée par Marc Briot1, a établi le lien entre milieu naturel et qualité du bois, et souligne notamment l’importance du sol dans cette équation. Sur son substrat calcaire, le sol jurassien est riche en nutriments, bien plus que les Vosges, les Alpes ou les Ardennes, où les sols acides prédominent : même si l’altitude et le climat sont comparables entre ces régions, la nature des sols fait la différence. Pour la même raison, le bois des forêts locales tient aussi la comparaison avec celui provenant de contrées plus lointaines, comme l’Oural. Ainsi c’est dans le Jura que la probabilité est la plus forte de trouver du bois de très bonne qualité en termes de résistance mécanique. Un constat que ne démentent pas les archives consultées pour nourrir le dossier, qui montrent le succès commercial historique des résineux locaux. « L’association a retrouvé trace, sur des décennies, de commandes, de bons de livraison et de factures dans les documents conservés dans les scieries, confortant nos hypothèses, explique Éric Lucot, qui ajoute à titre d’exemple : Plusieurs bâtiments célèbres sont construits en bois du Jura, des charpentes des bâtiments de la Saline d’Arc et Senans à celle du stade Bonal de Sochaux, en passant par la construction de plateformes éphémères sur le lac de Neuchâtel pour l’exposition nationale suisse de 2002 ».

La zone AOC de production a été définie de part et d’autre de la frontière franco-suisse, à 600-700 m d’altitude. La zone dite de transformation est plus étendue, elle valorise le travail et le savoir-faire des professionnels en matière d’abattage des arbres et de sciage des grumes, et englobe de nombreuses scieries traditionnelles. « La qualité du bois provient aussi d’une gestion éclairée de la forêt, qui se lit dans la nature de son peuplement et dans sa densité. Plutôt que faire le choix de la plantation pour reboiser, les forestiers ont favorisé la régénération naturelle, qui produit des arbres bien adaptés au contexte environnemental et garantit la conservation du patrimoine génétique des espèces. »

L’appellation AOC et les protocoles de traçabilité qui vont en découler donneront une visibilité supplémentaire aux bois du Jura. L’AOC devrait se révéler être un bon argument commercial, et aider au maintien de l’activité à l’intérieur du massif jurassien.

1 Analyse des critères de définition de la zone d’origine contrôlée des résineux du massif du Jura par les facteurs écologiques et application à sa délimitation, par Marc Briot.
Crédit photo : Pixabay
Contact(s) :
Laboratoire Chrono-environnement
UFC / CNRS
Éric Lucot
AOC Bois du Jura
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