Université de Franche-Comté

Thérapies innovantes : à la croisée des sciences

SOMMAIRE

Introduction

Connexions interdisciplinaires pour médecine high tech

Vers une médecine personnalisée

Thérapies sur mesure

Utiliser le potentiel des cellules apoptotiques…

… et des fibroblastes

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Nous sommes à Besançon en 2005. D’un côté, des scientifiques de FEMTO-ST sont passés maîtres dans l’art de greffer des substances biologiques sur des substrats en or. De l’autre, des médecins du CHRU et de l’Établissement français du sang (EFS) souhaitent faire évoluer le système de détection de compatibilité des groupes sanguins vers un dispositif innovant, pour une sécurité optimale de la transfusion d’urgence. Leur rencontre propulse la recherche vers de nouveaux horizons : la technologie apprend à fixer des anticorps sur la biopuce, puis des globules rouges. C’est ainsi que le SmarTTransfuser naît à Besançon en 2006, proposant de remplacer le « buvard », sur lequel sont effectués les traditionnels tests manuels, par une biopuce sur or ultrasécurisée.

La preuve de concept apportée, la recherche peut passer à une nouvelle étape pour rendre la puce capable de déterminer les rhésus et anticorps irréguliers, et offrir à terme un dispositif complet au lit du patient. Le SmarTTransfuser répondrait non plus seulement à l’objectif visé à l’origine, mais aussi aux immenses besoins des pays en voie de développement en ce domaine, une perspective apte à susciter l’intérêt du monde industriel pour une production de masse. Affaire à suivre…

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Aujourd’hui, les relations entre sphère médicale et mondes scientifique et technique se formalisent et donnent lieu à de véritables connexions, reléguant à une époque révolue l’image de l’ingénieur empilant sur ses étagères des inventions restées sans objet. En témoignent le dynamisme des échanges et la structuration d’une recherche autour de la notion d’interactivité, qui permettent à la médecine de trouver des solutions et à la technologie des applications.


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Connexions interdisciplinaires pour médecine high tech

Les centres d’investigation clinique (CIC) comme celui de Besançon, alliant une branche « Biothérapies » (BT) et une autre « Innovation technologique » (IT) sont des points d’intersection où s’agrègent les moyens et les compétences. Au cœur de l’hôpital, ils impliquent aux côtés des sciences médicales, non seulement la technologie, mais aussi les mathématiques, le droit, le sport, la philosophie… Qu’elle vise des thérapies préventives, de diagnostic, curatives ou palliatives, l’innovation se conçoit de façon multidisciplinaire dans un seul but, améliorer les techniques et les traitements médicaux, et par là même la santé et la qualité de vie de l’être humain.

Les conditions les meilleures sont réunies dans la région comtoise et dans sa capitale pour tendre vers cet objectif, ralliant la recherche, la formation, le médical et l’entreprise autour de forces vives qui puisent leurs racines dans le terreau local. « L’ensemble forme une continuité extrêmement profitable. Un exemple symbolique est cet étudiant dont le projet de réalisation d’un dispositif médical initié à l’ISIFC, l’Institut supérieur d’ingénieurs de Franche-Comté, devient mature lors d’un stage au CHRU, puis se finalise dans une entreprise locale où l’objet est produit et le jeune embauché ! », raconte Lionel Pazart, médecin et responsable du CIC-IT de Besançon.

Directeur de Recherche CNRS en optique à l’Institut FEMTO-ST, Bruno Wacogne souligne lui aussi « l’environnement très favorable dont bénéficie Besançon, avec une recherche à la pointe, un CHRU très volontaire et un véritable tissu de PME tournées vers les activités de santé. »

De cette vitalité naissent d’autres collaborations encore, tel le Collegium SMYLE, dont deux des trois axes de recherche lient l’Institut FEMTO-ST et l’École polytechnique fédérale de Lausanne autour de la santé ; des équipements techniques
comme, dans le domaine de l’imagerie, l’Équipement d’Excellence IMAPPI prévoyant la combinaison des technologies IRM et TEP, une remarquable avancée pour les études précliniques portant sur le petit animal, et auquel l’Institut UTINAM est associé. Ou encore la plateforme protéomique CLIPP regroupant tous les acteurs de Bourgogne et Franche-Comté impliqués dans les travaux sur la protéine, des nanosciences aux biostatistiques. Enfin les deux fédérations hospitalo-universitaires (FHU) labellisées en septembre dernier sous l’égide de l’INSERM, procèdent là encore d’une philosophie de rassemblement et concernent aussi les deux régions. Dédiée à la prise en charge des pathologies inflammatoires, la FHU INCREASE implique largement l’EFS domicilié dans la capitale comtoise.

SmarTTransfuser

SmarTTransfuser : le dispositif miniaturisé pour améliorer la sécurité des transfusions sanguines

a été réalisé en collaboration avec l'entreprise STATICE à Besançon


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Vers une médecine personnalisée

À Besançon, l’une des pierres angulaires de ces différents dispositifs est le programme Biom’@x, qui tire parti de la multidisciplinarité de l’Institut FEMTO-ST en lien avec le CHRU, l’unité de recherche INSERM et les unités d’enseignement telles que l’ISIFC.

De sa plus petite composante, la cellule, à l’organisme humain tout entier, Biom’@x veut comprendre le fonctionnement d’un système biologique. « La recherche fondamentale en sciences pour l’ingénieur est confrontée au fait que l’on travaille sur la variabilité du vivant, explique Bruno Wacogne. D’abord les êtres humains sont tous différents, ensuite un individu est lui-même en constante évolution. » L’idée est de mettre au point des dispositifs médicaux dits intelligents, c’est-à-dire capables de s’adapter en permanence à cette variabilité, ouvrant la voie à une médecine personnalisée.

Microchirurgie des cordes vocales

Microchirurgie des cordes vocales :

la source laser est placée à l’intérieur de la gorge du patient

Ainsi, en microrobotique chirurgicale, un système de visualisation 3D et le recours à la fluorescence guident un laser en fonction de la déformation des tissus au fur et à mesure d’une intervention, pour que le faisceau soit toujours bien dirigé vers la lésion, par exemple dans le cas d’une opération des cordes vocales. Dans le domaine de la procréation médicalement assistée, le suivi de la maturation d’un ovocyte aide à déterminer à quel moment une fécondation in vitro a les meilleures chances de réussite. Mesure de propriétés mécaniques par capteurs de nanoforce, intégration des systèmes, traitement d’image, modélisation de la structure, définition d’un espace dual informatique…, le projet capitalise de nombreuses ressources de l’Institut FEMTO-ST, dont c’est là une recherche très spécifique.

La dialyse péritonéale est aussi dans le collimateur des chercheurs. Dans ce procédé qui représente 10 % des dialyses en France, le péritoine sert de zone d’échange entre le sang du patient et un liquide artificiel qui est injecté pour le débarrasser de ses déchets. Les scientifiques cherchent à améliorer le processus en qualifiant à la fois le sang et le liquide pour rendre les échanges plus efficaces. Ainsi, un capteur donnera les informations sur l’urée, la créatinine ou encore le sodium à éliminer, de manière à adapter en continu la composition du liquide de dialyse et donner la meilleure réponse possible aux besoins de l’organisme.

Ces exemples, comme d’autres, amènent Bruno Wacogne à souligner que « les métiers des sciences pour l’ingénieur, s’ils conservent des briques de base disciplinaires essentielles, doivent désormais lever des verrous non seulement scientifiques, mais aussi conceptuels pour répondre aux exigences de la recherche médicale ». Le chercheur relève en outre « une accélération sans précédent de la structuration multidisciplinaire, notamment dans le cadre de la recherche translationnelle ». Un avis que partage Lionel Pazart qui voit les activités du CIC passer à la vitesse supérieure au terme de huit ans d’existence de la structure au sein du CHRU. Chacun des axes de recherche développés au CIC dans l’optique de réaliser des études cliniques implique désormais, aux côtés des médecins, de nouvelles chevilles ouvrières spécialistes des sciences pour l’ingénieur ou d’autres domaines encore. « Nous bénéficions aujourd’hui d’une véritable expérience et de réseaux bien constitués. Nous entrons pleinement dans un processus structuré de gestion de l’innovation dans lequel s’inscrivent également nos partenaires. »

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Le génie biomédical répond à trois vœux

À la fois médicale, technique et réglementaire, la culture prévalant à l’ISIFC se veut triple. L’école d’ingénieurs de l’université de Franche-Comté positionne ses diplômés à l’interface entre professionnels de santé et sphère industrielle. Ses élèves sont régulièrement en contact avec le monde hospitalier et les projets menés en binôme avec des chercheurs apportent à l’enseignement sa dimension recherche. Enfin, différents stages immergent les élèves dans le monde industriel qui, à terme, deviendra leur principal employeur.

Ainsi, les ingénieurs ISIFC sont à même de maîtriser ce cycle de vie partant de l’identification d’un besoin médical à la fabrication et la distribution du dispositif correspondant, en passant par les aspects réglementaires et les implications sanitaires et financières que suppose sa mise sur le marché.

L’un des exemples les plus parlants de partenariat multidisciplinaire a été baptisé S-Alive par les élèves-ingénieurs. Après le traitement d’un cancer de la mâchoire par radiothérapie, la glande salivaire est inopérante pour une très longue durée, parfois même de façon irréversible. S-Alive est un nouveau dispositif de salive artificielle dont la diffusion est programmée en continu dans la bouche du patient par un actionneur implanté par acte chirurgical avant le début du traitement. Depuis son lancement en 2006, ce projet fait intervenir de multiples compétences : le service de chirurgie maxillo-faciale et le CIC-IT du CHRU de Besançon, le laboratoire de recherche en sciences séparatives biologiques et pharmaceutiques de l’université de Franche-Comté, Biotika®, l’entreprise universitaire de l’ISIFC, l’école vétérinaire de Lyon et l’entreprise CISTEO MEDICAL. « Nous en sommes aujourd’hui à une phase d’études précliniques pour tester l’absence de risques infectieux du dispositif chez le cochon, explique Nadia Butterlin, directrice de l’ISIFC. Au fil des échanges et des avancées, le projet a maintes fois évolué et demandera encore plusieurs années avant d’arriver à sa conclusion, mais il est très prometteur. »

Quelque 350 ingénieurs sont sortis des rangs de l’ISIFC depuis la création de l’école en 2001. Neuf sur dix travaillent dans l’industrie du dispositif médical, dont 30 % en Franche-Comté et autant en Suisse. 

Contact : Nadia Butterlin 

ISIFC 

Université de Franche-Comté 

Tél. (0033/0) 3 81 66 61 09 

 

Thérapies sur mesure

Les termes de transfert et de translation font aussi partie du vocabulaire de l’Établissement français du sang (EFS) Bourgogne – Franche-Comté, où la recherche se décline depuis ses aspects les plus fondamentaux jusqu’à la mise au point de thérapies. L’EFS assure en effet la production de médicaments de thérapie innovante (MTI) dont le qualificatif « préparés ponctuellement » (MTI PP) signifie qu’ils sont fabriqués pour les besoins d’un patient et de lui seul. Principalement issus de l’ingénierie cellulaire et tissulaire, les MTI PP sont produits à l’EFS depuis le début des années 1990.

La fabrication de ces produits tombe aujourd’hui sous le coup de nouvelles normes européennes obligeant l’établissement à équiper ses locaux de salles blanches, à l’environnement stérile et ultracontrôlé. Des travaux en cours de programmation, un investissement important que la participation à  un réseau en biologie et santé et la levée de fonds qui l’accompagne vont soutenir : associant des plateformes de thérapie cellulaire dans le cadre des programmes d’Investissements d’Avenir, ECellFrance met en réseau les compétences autour d’un projet scientifique d’envergure en médecine régénérative.

« Les cellules souches mésenchymateuses sont à la base du projet, explique Philippe Saas, directeur du laboratoire Interaction hôte-greffon / tumeur et ingénierie cellulaire et génique. Présentes dans la moelle osseuse et les tissus gras de l’organisme, ces cellules ont la capacité de se différencier en divers types cellulaires et ainsi de régénérer aussi bien de l’os que du cartilage ou de la peau, et de limiter les lésions des tissus greffés. »

Bien d’autres projets animent les bureaux et les paillasses de l’EFS. Et bien du chemin demande à être parcouru avant qu’ils se concrétisent auprès des patients. L’innovation est également dépendante de contraintes administratives, aussi Marina Deschamps, chercheur EFS en thérapie cellulaire et génique, considère d’un bon œil l’année à venir. Car 2014 apportera enfin la satisfaction de voir s’ouvrir le protocole CASPASE 9, successeur du protocole TK connu dans le monde entier depuis sa première mise en œuvre en 1996 à Besançon. À la base, ce travail porte sur les lymphocytes T. D’une valeur inestimable pour leur effet antitumoral, ces leucocytes doivent cependant être contrôlés car ils sont aussi susceptibles de s’attaquer aux cellules saines de l’organisme. C’est cet effet délétère qui provoque la maladie du greffon contre l’hôte, qui, mortelle dans 30 % des cas, peut survenir à la suite d’une greffe allogénique de moelle osseuse. Pour apporter une solution à ce dilemme, les lymphocytes T sont prélevés du sang du donneur pour subir une modification génique : on ajoute à chacun un gène suicide, programmé pour détruire la cellule dans le cas où son action prendrait un tour défavorable. Ce gène agit à la manière d’un interrupteur que l’on active uniquement en cas de besoin, grâce à une substance à laquelle il est sensible, injectée au moment opportun. Ce processus est celui du protocole TK. S’il est bâti exactement sur le même principe, le protocole CASPASE 9 voit modifier de façon capitale la nature du gène suicide. D’origine virale avec TK, il est d’origine humaine avec CASPASE 9, garantissant par le fait l’innocuité du processus nouvelle génération.

Les essais cliniques de phase I qui seront menés sur une dizaine de patients l’an prochain permettront de confirmer l’absence de toxicité du protocole et de déterminer l’efficacité des dosages.

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Utiliser le potentiel des cellules apoptotiques…

Phase I également pour un nouveau traitement de la polyarthrite rhumatoïde, mis au point à Besançon par des chercheurs en immunologie de l’INSERM, en collaboration avec des médecins du CHRU. Son principe est fondé sur le processus de mort apoptotique des cellules. Lorsqu’elles meurent ainsi, par dizaines de milliards chaque jour, ces cellules créent un microenvironnement capable de stopper la réponse immunitaire de l’organisme devant ce qu’il pourrait considérer comme une anomalie. L’idée est de recréer et d’utiliser le microenvironnement produit lors de l’apoptose pour « endormir » le système immunitaire et l’empêcher d’agir contre ses propres cellules, un mécanisme responsable de l’inflammation lors de maladies inflammatoires chroniques.

Culture de macrophages (rouges) et de cellules apoptotiques (blanches)

De gauche à droite : culture de macrophages (rouges) et de cellules apoptotiques (blanches) à T. 0, 6, 12 et 24 h.
De haut en bas : microscopie à fluorescence 100 μm, puis 50 μm, puis en lumière blanche 50 μm.
On peut observer au cours du temps la disparition des cellules apoptotiques qui sont éliminées de façon efficace par les macrophages.

« Les cellules sont prélevées sur le patient, puis sont rendues apoptotiques en laboratoire où elles subissent divers traitements. Elles sont ensuite réinjectées, procurant à l’organisme un environnement anti-inflammatoire apte à combattre la maladie », explique Sylvain Perruche, chercheur INSERM au laboratoire bisontin Interaction hôte-greffon / tumeur et ingénierie cellulaire et génique. « Nous espérons un résultat durable avec une injection unique du médicament, ce qui limiterait le coût de la thérapie avec une efficacité équivalente à celle des biothérapies actuelles, voire supérieure sur certains sujets », explique Éric Toussirot, rhumatologue au CHRU et étroitement associé au projet. Ce traitement est une première en France, pour lequel treize à vingt patients seront inclus dès le printemps prochain dans le protocole de phase I.

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… et des fibroblastes

Autre domaine, autre cellule de prédilection. En dermatologie, le fibroblaste mobilise toute l’attention des chercheurs car cette cellule présente dans le derme joue un rôle fondamental dans la construction de l’architecture de la peau. Philippe Humbert est responsable du laboratoire d’ingénierie et de biologie cutanées à Besançon, associé à Interaction hôte-greffon / tumeur et ingénierie cellulaire et génique. Sous sa direction, les chercheurs ont réussi à fabriquer une peau artificielle dont la tension est comparable à celle de la peau naturelle. Une propriété hautement intéressante pour améliorer la performance d’une greffe. En effet, la peau se rétracte dès lors qu’elle fait l’objet d’un prélèvement, et la surface à transplanter se réduit telle… une peau de chagrin.

« Les myofibroblastes sont des fibroblastes spécialisés dans la cicatrisation d’une plaie. Ce sont eux qui, en accrochant les fibres de collagène, donnent de la tension à la peau en même temps qu’ils la reconstituent », explique Philippe Humbert. Le processus biologique est reproduit en laboratoire : à partir d’un prélèvement de peau, les fibroblastes sont mis en culture pour les faire évoluer en myofibroblastes, qui, placés dans du collagène, se chargent de produire du tissu sain à déposer sur une plaie ou une brûlure pour assurer leur reconstruction.

Cette recherche a donné lieu à une collaboration active avec les mécaniciens de l’Institut FEMTO-ST, et sollicité les équipements des salles blanches de la plateforme MIMENTO pour l’étude et la mesure des forces de la peau et de ses propriétés élastiques. Elle a fait l’objet d’un dépôt de brevet sous le nom de Mecaskin. La peau artificielle est actuellement testée sur l’animal avec le concours de l’école vétérinaire de Lyon. Elle sert par ailleurs de support à la réalisation de tests toxicologiques in vitro.

Mecaskin et peau humaine

     Mecaskin                                peau humaine

Mecaskin comparé à la peau humaine en histologie

« En dermatologie, d’autres équipes de recherche travaillent sur des aspects très voisins, qui tous tendent à comprendre et à utiliser les propriétés biologiques des cellules et les processus à l’œuvre dans la reconstruction de la peau, raconte Philippe Humbert. Afin de faire fructifier nos connaissances et nos savoir-faire, nous avons décidé de nous réunir dans un groupement de recherche public. » Labellisé par le CNRS, le tout nouveau Consortium Cicatrisation a vu le jour en septembre dernier à Besançon.

Construite sur les avancées scientifiques et technologiques de différentes disciplines qu’elle questionne en retour, l’innovation thérapeutique prend la forme d’une chaîne que les maillons rendent plus performante à mesure qu’ils s’accrochent solidement entre eux. Aussi notables que leurs compétences, la volonté et le dynamisme que montrent les acteurs à travailler ensemble se concrétisent en engagements productifs, résolument tournés vers une façon nouvelle d’envisager la médecine.

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Thérapie lumineuse

Exposer une substance à une onde électromagnétique pour la rendre active contre des cellules cancéreuses est l’idée de base de la thérapie photodynamique (PDT). Réputée novatrice dans le traitement curatif de cancers solides en gastro-entérologie, dermatologie, ORL, gynécologie et urologie, cette technique millénaire puise ses racines en Inde et Égypte antiques, où l’on soignait les maladies de peau grâce à la lumière.

Des photosensibilisants, injectés dans l’organisme où ils sont réputés séjourner plus longtemps dans un tissu tumoral que dans les tissus sains, sont activés par rayon laser pour détruire les cellules cancéreuses. Là encore, il convient de déterminer le moment le plus opportun pour activer la substance afin qu’elle remplisse son rôle en touchant le moins possible de cellules saines. Au laboratoire de chimie organo-métallique et de catalyse moléculaire de l’université de Neuchâtel, Bruno Therrien souligne la complexité en même temps que l’intérêt de la PDT. « De nombreux paramètres sont à agencer et à combiner pour espérer trouver une fenêtre thérapeutique, comme la dose de médicament, la durée et le moment de l’exposition, la longueur d’onde… » Les expériences menées sur des souris avec des photosensibilisants standard ont démontré la possibilité de pénétrer les tissus jusqu’à 15 mm. Pour gagner en profondeur, il faut utiliser des ondes plus longues, et trouver les photosensibilisants correspondants.

Autre paramètre de cette équation complexe, le taux d’oxygène présent dans les cellules est déterminant : c’est de lui que dépendent les processus amenant à la nécrose des cellules cancéreuses. Or il n’est pour l’instant pas possible de le contrôler ni même de le mesurer lorsque se produit l’irradiation. C’est pourquoi de nouveaux photosensibilisants sont actuellement développés : munis de leur propre agent d’activation, ils n’auront pas besoin d’oxygène. Enfin, le manque de solubilité des substances photosensibles représente une véritable difficulté. Pour contourner l’obstacle, les chercheurs ont réussi à emprisonner des photosensibilisants dans une cage à base d’arène ruthénium, un composé organométallique parfaitement soluble, lui. Excellent vecteur de communication, le complexe arène ruthénium, lorsqu’il atteint le cœur de la cellule, libère l’agent photosensibilisant qui entre en action sous l’effet d’un laser approprié.

Une piste prometteuse, d’autant que le ruthénium a une autre corde à son arc (cf. en direct n° 247, mars – avril 2013) : il possède aussi des propriétés anticancéreuses et présente une toxicité moindre que les dérivés de platine actuellement utilisés en chimiothérapie, dont il pourrait représenter une alternative.

Cage arène ruthénium avec photosensibilisant

Une cage arène ruthénium avec un photosensibilisant en son cœur

(dessin Bruno Therrien)

Contact : Bruno Therrien 

Laboratoire de chimie organo-métallique et de catalyse moléculaire 

Université de Neuchâtel
Tél. (0041/0) 32 718 24 00 

 

 

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Particules à double emploi

On parle ici en nanomètres et pourtant même à l’échelle du millionième de millimètre, une infime variation de taille peut encore changer tout l’intérêt d’une particule.

Celles que synthétisent Stéphane Roux et son équipe de chimistes à l’Institut UTINAM sont en or, un cœur entouré d’une couche de molécules organiques, l’ensemble ne dépassant pas 10, voire 5 nm de diamètre. L’or est un radiosensibilisant, capable d’absorber les rayons X utilisés en radiothérapie. La couche organique assure différentes fonctions selon sa composition. Elle peut par exemple piéger du gadolinium, utilisé pour mettre au point les agents de contraste en imagerie.

Si l’or et le gadolinium présentent tous deux des propriétés intéressantes pour améliorer la qualité des images médicales, pour les chercheurs la valeur ajoutée de la particule hybride réside dans ses possibilités de thérapie du cancer ou encore du diabète.

Voilà le scénario attendu de l’action de ces nanoparticules dans le cas du traitement d’une tumeur cancéreuse. Inerte en l’état, l’or, quand il est irradié, est à l’origine d’une production formidable de radicaux libres qui vont attaquer la matière biologique autour d’eux. Pour agir sur les cellules cancéreuses et les éliminer sans altérer les tissus sains, l’or ne doit donc être déposé que dans la tumeur. Pour que la particule soit dirigée au bon endroit, les chercheurs veulent exploiter une différence physiologique fondamentale entre les tissus : très vascularisée, la tumeur est irriguée par des vaisseaux construits très rapidement, ce qui les rend plus poreux que les autres : les nanoparticules peuvent passer à travers leurs parois, alors qu’elles sont trop grosses pour pénétrer dans les vaisseaux sanguins moins perméables des tissus sains. Le suivi de la particule d’or est assuré par IRM grâce au gadolinium fixé dans la couche organique. « On peut regarder dans quels délais après l’injection le taux de particules présent dans la tumeur est le plus propice pour une irradiation la plus efficace et la plus sûre possible », explique Stéphane Roux.

Injection de nanoparticules radiosensibilisantes à base d'or chez le rat

Visualisation d’une tumeur chez le rat,

4 minutes après injection de nanoparticules radiosensibilisantes à base d’or

Le concept désormais validé, l’étape suivante consistera à améliorer la durée de séjour de la particule dans la tumeur pour une plus grande efficacité, l’objectif à terme consistant à combiner simultanément le suivi par imagerie IRM et la radiothérapie.

Contact : Stéphane Roux 

Équipe nanoparticules, contaminants et membranes
Institut UTINAM 

Université de Franche-Comté / CNRS 

Tél. (0033/0) 3 81 66 62 99 

 

 

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Contact :

Lionel Pazart – CIC-IT — Centre d’investigation clinique de Besançon – Innovation technologique – CHRU de Besançon
Tél. (0033/0) 3 81 21 86 22

Bruno Wacogne – Département d’optique – Institut FEMTO-ST – Université de Franche-Comté / ENSMM / UTBM / CNRS
Tél. (0033/0) 3 81 66 63 88

Philippe Saas – Laboratoire Interaction hôte-greffon / tumeur et ingénierie cellulaire et génique – Établissement français du sang Bourgogne – Franche-Comté / Université de Franche-Comté / INSERM – Tél. (0033/0) 3 81 61 56 15

Marina Deschamps – Laboratoire Interaction hôte-greffon / tumeur et ingénierie cellulaire et génique – Établissement français du sang Bourgogne – Franche-Comté / Université de Franche-Comté / INSERM – Tél. (0033/0) 3 81 61 56 15

Sylvain Perruche – Laboratoire Interaction hôte-greffon / tumeur et ingénierie cellulaire et génique – Établissement français du sang Bourgogne – Franche-Comté / Université de Franche-Comté / INSERM – Tél. (0033/0) 3 81 61 56 15

Éric Toussirot – CIC-BT — Centre d’investigation clinique de Besançon – Biothérapie – CHRU de Besançon
Tél. (0033/0) 3 81 21 83 96

Philippe Humbert – Laboratoire d’ingénierie et de biologie cutanées – Établissement français du sang Bourgogne – Franche-Comté
Université de Franche-Comté / INSERM – Tél. (0033/0) 3 81 21 90 72

 

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