Université de Franche-Comté

Soixante-dix ans et trente articles pour les droits de l'homme

Adoptée en 1948 par l’Assemblée générale des Nations Unies réunie à Paris, la Déclaration universelle des droits de l’homme a depuis été traduite dans trois cent soixante langues dans le monde. Si la teneur du texte original est intemporelle, les trente articles du manifeste se chargent de sens nouveaux avec l’évolution des technologies et des sociétés. Focus sur quelques-unes de ses proclamations…

 

 

    

 

SOMMAIRE

Article 4 Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude […]

Article 14-1. Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autre pays

Article 21-3. La volonté du peuple est le fondement de l’autorité des pouvoirs publics […]

Article 12. Nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée […]

Article 27-1. Chacun a droit à la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l’auteur.

 

  

 

Article 4.

Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude ; l’esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes.

Si le terme évoque en général d’emblée la traite négrière du XVIe siècle et des suivants, l’esclavage est d’abord intrinsèque aux civilisations antiques. Chez les Barbares, la femme et l’esclave sont des êtres de même ordre. La raison en est simple : la nature, parmi eux, n’a point fait d’être pour commander. » Tiré de l’œuvre d’Aristote, cet extrait donne le ton : au IVe siècle avant J.-C., on ne naît pas égaux, et l’esclavage est inscrit dans le droit. De même, le terme Barbare, mentionné chez Hérodote dès le Ve siècle avant J.-C. pour désigner celui qui ne parle pas grec, évolue peu à peu pour qualifier celui qui peut être réduit en esclavage. Cette idée est présente dès le milieu du deuxième millénaire avant J.-C., dans les textes mésopotamiens puis la Bible, pour ne citer que ces exemples, pour attester l’existence d’un esclavage de masse envers des populations étrangères.

L’esclavage dans l’Antiquité est l’un des domaines de recherche privilégié de l’ISTA (Institut des sciences et techniques de l'Antiquité) depuis sa création en 1967, et qui en est l’une des références mondiales. Directeur de l’ISTA, Antonio Gonzales témoigne de la réalité très compliquée de l’esclavage, quelles que soient les époques. « La frontière entre le monde libre et les esclaves n’est pas toujours aussi marquée que ce que l’on imagine. À Rome, les citoyens aussi travaillent, et parfois les hommes libres peuvent aussi connaître des conditions de vie effroyables. » La condition d’esclave diffère selon les milieux.

tableau Le marché aux esclaves

Extrait du tableau Le marché aux esclaves, Gustave Boulanger, 1882

Les esclaves ruraux étaient souvent attachés pour travailler dans les champs et considérés comme du bétail, et le sort des esclaves dans les mines était pire encore. L’esclave domestique d’une riche famille romaine avait, lui, toutes les chances de vivre dans des conditions acceptables, parfois meilleures que certains hommes libres. Jusqu’au IIe siècle, le maître, le pater familias, a cependant un pouvoir absolu, et un droit de vie et de mort sur sa maisonnée, qui peut compter jusqu’à plusieurs milliers d’esclaves. Sous le règne de Néron, le meurtre de l’ancien préfet de la ville de Rome, Pedanius Secundus, par un esclave qu’il refusa d’affranchir alors qu’il était devenu assez riche pour changer de condition, est à l’origine de représailles envers les quatre cents esclaves de la maisonnée, qui furent tous exécutés, malgré les protestations de la plèbe et de quelques hauts dignitaires.

Comme toutes les choses que l’on peut acheter et vendre, les esclaves sont soumis à la loi du marché, et c’est leur surabondance qui a favorisé leur affranchissement. Cependant l’affranchi reste lié à son ancien maître, comme son fils après lui, bien que la loi lui accorde le statut d’homme libre. « L’être collectif est celui qui prévaut pendant l’Antiquité et qu’exprime l’idée de cité. Même libre, l’individu reste un atome dans un ensemble. La liberté n’a alors pas le même sens qu’aujourd’hui », précise Antonio Gonzales.

Juridiquement, l’esclavage disparaît de la surface du globe à la fin du XIXe siècle, de la Grande-Bretagne à Cuba, des États-Unis à la France, où l’abolition est signée en 1848, voilà tout juste 170 ans. Le passé esclavagiste, qui a nourri le racisme, a laissé des traces, et des tensions subsistent, comme aux Antilles françaises ou en Afrique, où on ne perçoit souvent que l’esclavage européen de la traite sans se pencher sur ce que furent les pratiques locales.

Enfin, dans les faits si ce n’est pas dans la loi, l’esclavage existe toujours, et toujours sous de multiples formes : enfants-soldats, exploitation sexuelle, mendicité forcée, servitude pour dettes… Au Pakistan, les femmes et les enfants sont des millions à être exploités dans les briqueteries, et à Paris, des travailleurs dans des ateliers clandestins sont réduits en esclavage. Les images récentes d’une vente de migrants africains en Libye confirment la vitalité des pratiques esclavagistes, mais réduisent celles-ci à la sphère africaine, alors que l’esclavage reste un phénomène planétaire indissociable des facteurs ethniques, sociaux et économiques. Les chiffres diffèrent selon les organisations, mais font tous état de dizaines de millions d’esclaves modernes dans le monde, 35,8 millions selon l’ONG Walk Free dans un rapport de 2014. Et si la communauté internationale s’émeut de telles situations, dans les faits les puissants conservent l’immunité.

dessin plante attachée

En Suisse, deux chercheures du SFM (Forum suisse pour l’étude des migrations et de la population) de l’université de Neuchâtel ont mené l’enquête pour le compte de la police fédérale. Elles ont interrogé les experts de la justice, de la police, de l’aide aux victimes, des ONG, des syndicats, sur la question de l’exploitation du travail dans le contexte de la traite d’êtres humains, une analyse jusqu’alors inédite sur le territoire, et qui a rendu ses conclusions en 2016. « Il est difficile d’avancer des chiffres, mais les tendances sont très claires, raconte Johanna Probst, sociologue au SFM.

Le phénomène est confirmé dans certains secteurs, comme la construction, la restauration-hôtellerie, l’agriculture et l’économie domestique. Il concerne aussi des activités illicites telles que la mendicité ou le vol ». 86 % des spécialistes interrogés estiment que les cas portés à leur connaissance ne constituent qu’une petite partie visible d’une réalité de grande ampleur.

                            Roar Hagen, Norvège

« Les situations sont difficilement saisissables d’un point de vue juridique, car souvent les personnes apparaissent consentantes pour exercer le travail », rapporte Johanna Probst. Il n’en reste pas moins que l’enfermement et les violences physiques sont parfois là, et que les menaces, les violences psychiques, la confiscation de passeports ou autres documents de voyage, les retenues sur salaire arbitraires et le logement dans des conditions déplorables sont le lot quotidien de ces travailleurs-esclaves. La majorité des exploités sont des migrants sans-papiers, de ce fait en infraction avec la loi, ce qui donne un moyen de pression efficace à leurs exploiteurs. Placés dans un contexte de grande vulnérabilité dûe à la non maîtrise de la langue, au manque d’information et à statut de séjour précaire, les personnes ainsi asservies sont réticentes à collaborer avec les autorités de poursuite.

Les résultats de la recherche du SFM convergent avec ceux d’études menées dans les pays de l’Union européenne sur ce sujet. Ils posent la question de la nécessité d’inclure une nouvelle norme pénale au droit suisse, qui aujourd’hui interdit la traite pour l’exploitation du travail, mais ne caractérise pas l’exploitation elle-même au titre d’infraction.

 

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Article 14-1.

Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autre pays   

L’Europe fait face ces dernières années à un afflux de migrants sans précédent dans son histoire. Cette crise migratoire est à l’origine de tensions entre les pays de l’Union, de prises de mesures et de signatures d’accords espérant en améliorer la gestion, et avant tout de la mort de milliers de personnes et de souffrances humaines, soulignant la difficile connexion entre droit et éthique. Venant de Syrie, d’Afghanistan, du Nigeria, d’Erythrée ou du Bangladesh, entre autres, les migrants fuient les guerres civiles ou des situations de crise économique grave. Mais comment expliquer des déplacements aussi importants ? La moitié du XXe siècle regorge malheureusement d’exemples de violences perpétrées à des distances comparables et qui n’ont cependant pas généré d’exodes massifs vers l’Europe. Etienne Piguet, enseignant-chercheur en géographie des mobilités à l’Institut de géographie de l’université de Neuchâtel, teste des hypothèses expliquant la crise migratoire actuelle dans différents travaux de recherche. « L’évolution historique et l’asymétrie des droits entre l’intérieur et l’extérieur de l’Europe sont à mon sens les deux grandes explications à donner à ce phénomène ». Les possibilités de se déplacer sont aujourd’hui plus grandes que par le passé, et même si elles signifient une prise de risque très importante et des difficultés évidentes, elles encouragent les personnes à partir. Cette « réduction » des distances s’accompagne, malgré des disparités, d’un accès à l’information nouveau et de ressources financières un peu meilleures pour les classes moyennes, qui constituent d’autres motivations au départ. À ces évolutions historiques et économiques s’ajoute celle du droit.

dessin hommes scaladant barbelés

Bruno Liberati, Brésil

« Même si les politiques d’asile se durcissent, même si certains abus et difficultés sont à déplorer, les pays d’Europe reconnaissent des droits fondamentaux aux personnes, ce qui n’était pas le cas avant, et ne l’est pas toujours ailleurs ». De plus, il n’est quasiment plus possible de déposer une demande dans une ambassade, et se rendre physiquement dans un territoire devient aujourd’hui une démarche obligatoire pour y demander asile.

La question de savoir qui est responsable de prendre en charge une demande d’asile est un enjeu crucial autant pour les pays d’accueil que pour les personnes concernées. Comment est géré l’accès aux territoires et par là même l’accès à une procédure d’asile ? Le sujet relève du casse-tête, surtout en période de flux migratoires majeurs. Il est au centre d’autres recherches menées à l’université de Neuchâtel, où Christin Achermann, spécialiste des questions de migration, droit et société, codirige le Centre de droit des migrations. « La déclaration universelle des droits de l’homme expose un idéal vers lequel tendre, mais n’est pas directement applicable et invocable. Les conventions, constitutions et lois prennent le relais pour traduire ces principes généraux en termes législatifs. Reste que dans la pratique, l’application peut encore être autre. Ce sont ces phénomènes que nous étudions. »

Le traitement d’une demande d’asile est, dans la majorité des pays européens, géré selon le système Dublin, qui stipule que normalement, le pays dans lequel arrive en premier une personne migrante est responsable du traitement de la demande. Cette règle de base a donné lieu aux engorgements que l’on sait en Grèce et en Italie, ces deux pays représentant des points d’arrivée privilégiés en Méditerranée. « Outre le problème de gestion de ces flux pour les pays d’accueil, le système n’est pas bien vécu pour nombre de requérants, pour qui poser le pied sur un territoire n’a pas à conditionner le choix de l’endroit où ils envisagent de s’installer. » Peu comprennent ce que le système Dublin implique et beaucoup pensent qu’ils pourront circuler en Europe pour rejoindre un pays où ils comptent de la famille ou des amis.

Cette faille du système Dublin a donné lieu à des discussions intenses et controversées au sein de l’Union européenne sans qu’on ait trouvé à ce jour une solution qui parvienne à fédérer tous les États membres et résoudre les défis liés à la répartition inégale des demandes d’asile entre eux. « Dans l’Union européenne, l’accueil des réfugiés procède d’un droit qui tendrait sur le papier à une harmonisation, mais qui en réalité est très différent selon les pays. »

Partout en Europe, les arrivées de migrants se sont atténuées, passant en Méditerranée de plus d’un million de personnes en 2015 à moins de 170 000 à mi-décembre 2017 pour l’année en cours, selon le Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Il est encore difficile de savoir quel rôle les accords internationaux et les changements législatifs ont joué sur cette diminution des arrivées enregistrées.

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La femme, un être humain à part entière

« Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits », article 1.

Alors que les droits des femmes occupent depuis plusieurs mois une place inédite dans l’actualité et les débats publics, les étudiants de master en droit de l’université de Franche-Comté se sont impliqués dans des opérations de sensibilisation sur le thème des violences conjugales. « Nous avons organisé des conférences au cours desquelles ils ont débattu en direct autour d’un cas pratique », raconte Orianne Vergara, chercheure spécialiste en droit patrimonial de la famille au CRJFC, le Centre de recherches juridiques de l’université de Franche-Comté. Une expérience formatrice et motivante, puisqu’elle a donné naissance en septembre 2017 à l’association Pépites solidaires, où les étudiants engagés donnent des informations sur les dernières actualités juridiques concernant les femmes.

Par ailleurs une boite a été installée dans l’enceinte de l’UFR SJEPG pour recueillir des phrases-témoignages entendues ici ou là, et s’en servir à titre d’exemples pour un projet tutoré de master. « L’esprit volontairement un peu provocateur du style Balance ton porc n’a pas été apprécié par tous, mais finalement cela prouve un certain malaise, et cela crée le débat. » Orianne Vergara souligne que le droit des femmes est loin d’être un axe de recherche privilégié en France et rappelle que « cela ne fait pas un siècle que la femme est considérée par le droit européen comme un être humain à part entière »…

L’occasion de se souvenir qu’au sein de la famille française, jusqu’en 1907, l’épouse ne disposait pas de son salaire, et que la femme mariée n’acquiert une pleine capacité juridique qu’en 1938. Que l’époux a tout pouvoir sur les biens communs jusqu’en 1965 et que c’est lui qui prend toutes les décisions concernant les enfants jusqu’en 1970. Le viol entre époux, qui contredit l’obligation du « devoir conjugal » inscrit dans la loi française en 1804, est reconnu par la Cour de cassation en 1990, et il faut attendre 2006 pour qu’il soit inscrit dans le code pénal. Aujourd’hui en France, le droit entre conjoints est variable selon qu’ils sont liés par le mariage, par un PACS ou qu’ils soient concubins, pour les couples homosexuels comme hétérosexuels. Orianne Vergara préconise l’adoption de droits harmonisés pour tous en ce qui concerne les règles du quotidien, et plus protecteurs pour les femmes. « Aujourd’hui, au-delà du quotidien, un régime comme celui de la séparation de biens pour les couples mariés joue généralement en défaveur des épouses, qui continuent à assumer leur rôle de mère au détriment de leur carrière. En cas de séparation, renvoyer chacun à ses seules contributions financières comme apport à la famille apparaît injuste », conclut Orianne Vergara, qui attire l’attention sur les améliorations à apporter au droit concernant la condition féminine.

 

 

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Article 21-3.

La volonté du peuple est le fondement de l’autorité des pouvoirs publics ; cette volonté doit s’exprimer par des élections honnêtes qui doivent avoir lieu périodiquement, au suffrage universel égal et au vote secret ou suivant une procédure équivalente assurant la liberté du vote.

dessin colombe en cage
                                Medi Belortaja, Albanie  

Dans ses travaux menés à l’Institut de lutte contre la criminalité économique pour fixer les critères objectifs permettant l’identification des potentats, ces dirigeants d’Etat corrompus qui profitent de l’exercice de leurs fonctions pour s’enrichir de manière exponentielle au détriment du bien être de leur peuple, la juriste Mariame Krauer-Diaby remarque que le système de gouvernance que ces despotes infligent à leur pays bafoue les intentions de la Déclaration universelle des droits de l’homme à plus d’un titre. « Ces systèmes, en général fondés sur une prise du pouvoir par la force, un coup d’État le plus souvent, entrent évidemment en contradiction avec l’article 21 en niant la volonté du peuple. » Sani Abacha, chef de l’État nigérian de 1993 à 1998, Moussa Traoré, président du Mali de 1968 à 1991, Yahya Jammeh, déchu de ses fonctions de Président de la Gambie après vingt-deux ans au pouvoir, n’en sont que quelques représentants. Pour se donner un semblant de légitimité et rester à la tête du pays, certains d’entre eux n’hésitent pas à organiser des simulacres d’élection. D’autres gagnent leur place grâce au vote, mais modifient ensuite la Constitution de leur pays pour s’arroger le droit de trôner pendant plusieurs mandats, comme ce fut le cas de Ferdinand Marcos, Président de la république des Philippines de 1965 à 1986. On constate parfois une transmission du pouvoir au sein d’une même famille, comme c’est le cas actuellement en République démocratique du Congo, où l’actuel président Joseph Kabila n’est autre que le fils du précédent, Laurent-Désiré Kabila.

Au-delà de l’exercice illégal du pouvoir, le détournement des ressources du pays pratiqué par les potentats est responsable de conséquences des plus graves pour les populations, sur le coût de la vie, la santé, l’éducation… Les articles 22 « Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille », et 26 « Toute personne a droit à l’éducation », restent vains. L’article 5 « Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants » est également lettre morte pour eux, comme Marcos, reconnu à titre posthume responsable de la violation des droits de l’homme auprès de deux mille victimes, pour lesquels une loi a été spécialement créée en 2003 en vue de dédommagements. La forme des élections et la durée du pouvoir font partie des indicateurs permettant de qualifier ou non ces dirigeants de potentats. Intervenant très en amont d’une affaire financière, les investigations de l’équipe de recherche pluridisciplinaire de l’ILCE sont ainsi à même de prévenir le placement de fortunes considérables et illégalement constituées sur les comptes bancaires suisses.

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Article 12.

Nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes à son honneur et à sa réputation.

 

La vulnérabilité des personnes âgées suscite différentes prises de mesures de la part des services publics, notamment dans les pays anglo-saxons depuis une trentaine d’années. Avec pour objectif louable de protéger les seniors des arnaques et abus en tous genres, ces initiatives posent la question du respect de leur vie privée. À l’ILCE, le criminologue Olivier Beaudet-Labrecque et son équipe viennent d’obtenir un financement de la HES-SO, la Haute Ecole Spécialisée de Suisse occidentale, pour dresser un état des lieux des situations et tirer profit de leurs enseignements. Olivier Beaudet-Labrecque cite à titre d’exemple une mesure qui se concrétisera dès 2018 sur l’ensemble du territoire américain. « Les banques américaines seront invitées à obtenir de leur clientèle âgée les nom et coordonnées d’une personne de confiance, ainsi que l’autorisation de contacter cette dernière dès lors que la situation le rendrait nécessaire. » Ce type de mesures généralistes peut très vite faire craindre de basculer dans l’ingérence, aussi d’autres pays comme les Pays-Bas sont plutôt adeptes de solutions de proximité, proposant des aides personnalisées via des lignes téléphoniques dédiées ou des réseaux de professionnels sur le terrain.

reconstitution procès faculté de droit de neuchatel Ces interventions veulent toutes contrer les phénomènes d’abus et de maltraitance financière dont sont victimes certaines personnes âgées, et qu’Olivier Beaudet-Labrecque et son équipe ont répertoriés lors d’une première étude. « La famille et les proches, jouant sur le registre émotionnel pour se voir céder un chalet à la montagne ou retardant l’installation d’un parent âgé dans une institution spécialisée pour préserver leur héritage, sont impliqués bien plus qu’on l’imagine dans la maltraitance financière de leurs aînés. » Les abus de confiance de la part des professionnels et aidants sont plus rares mais existent bel et bien, comme la signature d’un nouveau testament en faveur d’un avocat ami d’un notaire pas plus scrupuleux que lui, ou de procurations abusives sur comptes bancaires.

        Procès fictif à la Faculté de droit de Neuchâtel, 2016

Les tentatives de fraude de la part d’inconnus ne sont quant à elles pas toutes couronnées de succès, mais font preuve d’une belle énergie créative : faux neveux choisissant leurs victimes dans le bottin téléphonique, faux policiers attentionnés se voyant confier des biens à mettre en lieu sûr, faux plombiers auteurs de larcins plutôt que de soudures, demandes de règlement d’envois de revues non commandées, vols à la tire. La cybercriminalité pour sa part s’est développée au rythme de l’évolution technologique et n’est pas encore très documentée scientifiquement. Les spécialistes s’accordent cependant à dire qu’elle est bien supérieure à ce que les premières indications donnent à penser.

Dans de nombreux cas, les personnes âgées n’osent avouer ce qu’elles jugent de la faiblesse ou de l’inaptitude de leur part par rapport à une escroquerie, ou encore ne veulent pas entrer en conflit avec leurs proches. L’étude menée par l’ILCE devrait alimenter la proposition de solutions de manière éclairée, tout en gardant à l’esprit les notions de respect de la vie privée décrites à l’article 12.

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Article 27-1.

Chacun a droit à la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l’auteur.

Le droit d’auteur est né avec l’imprimerie et évolue depuis au gré des révolutions technologiques. Ce sont les premiers moyens de production et de diffusion de masse qui ont incité les éditeurs à se protéger et à faire valoir leurs droits. Dans les années 1980, la mise en circulation de supports vierges autorisant la reproduction d’œuvres sonores, puis la multiplication des diffusions télévisuelles grâce aux réseaux câblés, ont amené le droit à se renouveler. Aujourd’hui et depuis les années 1990, internet pose de nouveaux questionnements car il dépasse les frontières, remettant en cause le principe de territorialité selon lequel chaque pays fixe ses propres règles en matière de propriété intellectuelle. Vincent Salvadé est cofondateur du Pôle de propriété intellectuelle et de l’innovation [PI]2 de l’université de Neuchâtel, où il est professeur associé, et codirecteur de la SUISA, la coopérative suisse des auteurs et éditeurs de musique, l’équivalent de la SACEM en France. « L’organisation mondiale de la propriété intellectuelle a pris les devants rapidement, et dès 1996, un traité international sur le droit d’auteur était signé, que chaque pays a ensuite transposé dans son propre droit. » Vincent Salvadé salue la rapidité de l’OMPI et l’homogénéité du droit ainsi adopté, mais souligne les revers d’une mise en œuvre un peu précipitée. «  Il manque à ce traité une prise en compte plus constructive du consommateur. Certaines mesures ne sont pas comprises et rendent le droit d’auteur impopulaire. »

Comme la défense des DRM (Digital right management), des mesures techniques qui limitent l’accès aux œuvres et leur reproduction, mais qui avantagent l’industrie du divertissement plus que les auteurs-compositeurs. « Les DRM procèdent d’une politique difficilement défendable à l’heure où les consommateurs sont entrés dans la culture du quasi-gratuit, explique le spécialiste. Aujourd’hui, pour rien ou presque rien, il est possible d’accéder à des millions d’œuvres ; cette réalité n’a plus rien à voir avec celle du disque. » Pour compenser les pertes générées pour les auteurs en raison du transfert des sources sonores vers internet, les festivals et les concerts se multiplient, et les prix des billets augmentent. Pour lutter contre le piratage en France, le système de réponse graduée HADOPI (avertissements suivis de sanctions), se révèle assez peu efficace contre un phénomène aussi massif. En Suisse, le consommateur n’est pas inquiété, le téléchargement n’étant pas considéré comme illicite, mais paie une redevance sur la copie privée, un dédommagement pour les auteurs qui n’est pas toujours du goût du public. Pour Vincent Salvadé, « réussir à garantir leurs droits aux auteurs, sans léser les consommateurs, implique de renforcer la responsabilité des intermédiaires, fournisseurs d’accès et plateformes d’hébergement. » La nouvelle loi suisse sur le droit d’auteur qui sera votée au cours de l’année pourrait aller dans ce sens.

 

En savoir plus : Salvadé V., Droit d’auteur et technologies de l’information et de la communication, Schultess Médias Juridiques SA, 2015

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Plaidoyer pour les droits de l’homme

affiche concours cassin Profession de foi sans pouvoir de sanction, la déclaration universelle des droits de l’homme a inspiré nombre de textes qui, eux, ont un effet contraignant sur les droits des pays signataires. La Convention européenne des droits de l’homme, entrée en vigueur en 1953, est un texte de référence qui fait loi bien au-delà des frontières de l’Union européenne, et concerne aussi la Suisse. La Faculté de droit de l’université de Neuchâtel participe chaque année depuis quinze ans au concours René Cassin de plaidoirie sur le droit européen des droits de l’homme. Pour l’édition 2018, trois étudiants neuchâtelois rédigent actuellement un mémoire sur le thème « lanceur d’alerte », une épreuve écrite qualificative pour espérer plaider oralement la cause qu’ils ont à défendre. Du 4 au 6 avril, trente équipes opposeront alors leurs points de vue à Strasbourg, devant un jury qui, pour être fictif, n’en est pas moins inflexible et prompt à mettre les parties en présence devant leurs contradictions. « Les deux équipes finalistes iront plaider devant la Cour européenne des droits de l’homme, cette fois dans une mise en situation réelle », expliquent Alfio Russo et Federica Steffanini, doctorants à la faculté, et qui se chargent de la sélection des candidats à l’interne et de la logistique sur le terrain. Tous deux sont des assistants de Pascal Mahon, titulaire de la chaire de droit constitutionnel suisse et comparé, responsable de ce concours à l’université de Neuchâtel. 

 

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Contacts :

Université de Franche-Comté

Antonio Gonzales – ISTA – Institut des sciences et techniques de l’Antiquité – Tél. +33 (0)3 81 66 54 73

 

Orianne Vergara – CRJFC – Centre de recherches juridiques de Franche-Comté

 

Université de Neuchâtel

Johanna Probst – Forum suisse pour l’étude des migrations et de la population – Tél. +41 (0)32 718 39 57

Étienne Piguet – Institut de géographie – Tél. +41 (0)32 718 19 19

Christin Achermann – Centre de droit des migrations – Tél. +41 (0)32 718 12 79

Vincent Salvadé – Pôle de propriété intellectuelle et de l’innovation – Tél. +41 (0)21 614 32 10

Alfio Russo / Federica Steffanini – Faculté de droit – Tél. +41 (0)32 718 19 02

 

Haute Ecole de gestion Arc

Mariame Krauer-Diaby / Olivier Beaudet-Labrecque – ILCE – Institut de lutte contre la criminalité économique

Tél. +41 (0)32 930 20 17 / 20 15

 

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