Université de Franche-Comté

Radiobiologie expérimentale : quand les cellules s’envoient des messages d’alerte

Comment les cellules irradiées informent-elles leurs voisines d’une agression subie afin qu’elles s’ypréparent à leur tour ? La réponse à cette question fondamentale ouvre des perspectives, notamment en matière de radiothérapie. Dans des travaux expérimentaux menés conjointement aux États-Unis et financés en partie par la NASA, le laboratoire de Chimie-physique et rayonnements Alain Chambaudet étudie cet effet bystander.

 

 

L’effet bystander est un effet de proximité connu en psychologie. Les chercheurs en sciences dures l’ont repris à leur compte, dès 1992, en mettant en évidence un phénomène touchant les cellules biologiques traversées par un seul rayonnement ionisant, ou plus exactement leurs voisines, sur lesquelles on constate des effets induits. Comme si les cellules directement touchées leur avaient transmis l’information… « Parmi les nombreux signaux émis par la cellule agressée, certains sont destinés aux cellules voisines qui n’ont pas été atteintes », explique la revue Biofutur dans un article paru en septembre 2008. « Ces signaux activent alors une voie de signalisation qui permettrait de préparer une réponse cellulaire à l’agression. Ce sont les effets bystanders ».

 

 

De la pierre à la cellule : les effets des rayonnements ionisants

Les interactions de rayonnements ionisants avec la matière sont l’un des thèmes de recherche du laboratoire de Chimie-physique et rayonnements Alain Chambaudet, unité mixte de l’université de Franche-Comté et du CEA. « On a beaucoup travaillé sur la matière inerte, mais depuis une douzaine d’années on s’est orienté vers la radiobiologie », confirme Michel Fromm, qui le dirige.

 

 

Des sujets sociétaux

« Les effets de ces rayonnements sur le vivant sont des sujets sociétaux. Aujourd’hui, nous nous posons des questions, notamment sur les faibles doses. Avec l’opposition au nucléaire, nous sommes descendus à des seuils très bas. Mais si on connaît les conséquences des fortes doses sur le vivant — les catastrophes d’Hiroshima ou de Nagasaki sont explicites — on ne sait pas encore quelles peuvent être exactement celles des faibles doses dans lesquelles nous évoluons tous, ou à peine en-dessous ».

 

 

Suivre les particules à la trace dans les boîtes de Petri

Les cellules développent-elles des résistances ? Comment fonctionne cet effet de proximité ? Et comment l’utiliser pour attaquer des tumeurs, des cellules cancéreuses ? À long terme, les réponses à ces questions pourraient améliorer la radiothérapie. Conscients de l’enjeu, des chercheurs du laboratoire Alain Chambaudet développent des stratégies expérimentales pour comprendre le phénomène. Les chimistes s’intéressent à la biologie… et se prennent au jeu. La collaboration complice de Michel Fromm avec Édouard Azzam, professeur et radiobiologiste réputé de l’université de médecine et de dentisterie du New-Jersey aux États-Unis, fait faire des pas de géant au laboratoire. L’universitaire américain s’était déjà impliqué dans la thèse de Sylvain Gaillard, dirigée par Michel Fromm et soutenue en 2006, qui avait validé un dispositif utilisant le greffage assisté par rayons UV de CR39 (une matière plastique détectrice de particules chargées) sur le fond d’une boîte de Petri. Le dispositif devait permettre d’observer les dégâts d’un rayonnement à l’échelle subcellulaire, et le professeur Azzam en avait validé la partie biologique. Séduit par ces premiers travaux qui avaient fait l’objet de trois publications, il a souhaité poursuivre la collaboration avec les Bisontins pour se pencher plus en détail sur l’effet bystander, et a obtenu des crédits de la NASA et du Département américain de l’énergie. Codirigée par Michel Fromm et par le professeur Azzam, la doctorante Géraldine Gonon Deguille a ainsi quitté Besançon après un an pour le New-Jersey, afin de pousser plus loin les recherches. « On a déjà des résultats sur les distances de propagation », confie le directeur du laboratoire franc-comtois. « On a des idées sur les voies de signalisation cellulaire à l’origine de cette communication, mais pas encore le schéma exact. Le sujet est excitant, ces expériences ont un caractère fondamental ».

 

 

Noyaux de cellules fibroblastes humains (microscopie confocale)

 

Noyaux de cellules de fibroblastes humains (microscopie confocale).

Dans les trois inserts en bas : à gauche, deux traces nucléaires (particules alpha) ;

au centre, les noyaux cellulaires appartenant à la culture cellulaire immédiatement adjacente ;

à droite, la colocalisation « impact-effet biologique ».

 

 

Contact : Michel Fromm

Laboratoire de Chimie-physique et rayonnements Alain Chambaudet

Université de Franche-Comté / CEA

Tél. (0033/0) 3 81 66 65 60

 

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