Université de Franche-Comté

Quel impact pour les HAP présents dans l'atmosphère ?

L’antenne de Montbéliard du laboratoire Chrono-environnement pilote un travail de thèse sur l’impact des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) présents dans l’atmosphère sur les systèmes sol, plantes et micro-organismes. Ses résultats intéressent notamment la Communauté d’agglomération du Pays de Montbéliard qui finance les travaux. Premier défi : concevoir un dispositif expérimental de simulation de pollution aérienne en laboratoire suffisamment fiable pour une étude scientifique.

 

 

Au laboratoire Chrono-environnement, dans les bâtiments de recherche du pôle universitaire des Portes du Jura à Montbéliard, Dorine Desalme, doctorante, présente l’avancée de ses travaux au comité de pilotage de sa thèse, constitué de Daniel Gilbert, Geneviève Chiapusio, Nadine Bernard, Philippe Binet (enseignants-chercheurs) et de Marie-Laure Toussaint (assistante ingénieur), pour l’aspect technique. Ses recherches s’inscrivent dans la continuité de celles menées à Nancy par Philippe Binet sur les hydrocarbures aromatiques polycycliques, ces polluants organiques issus de la combustion fossile et de bois. « En ce sens, la contamination des milieux par les HAP est vraiment universelle », indique Philippe Binet.

 

 

Une exposition en mode chronique

Mais jusqu’alors, l’étude de l’impact des HAP était axée essentiellement sur la pollution des sols de sites bien localisés comme les friches industrielles — et dans ce cas la contamination constatée est de forte dose, de l’ordre du gramme par kilogramme de sol. Les recherches actuelles de l’antenne montbéliardaise du laboratoire Chrono-environnement partent cette fois de l’hypothèse selon laquelle ils sont présents partout dans l’atmosphère, avec un impact potentiel sur les milieux qui reste à mesurer. « Comme sur les arbres autour d’un parking, par exemple. Il s’agit d’une pollution, certes à faible dose, mais diffuse, rémanente, quotidienne. Quel est l’impact d’une exposition quotidienne sur le long terme ? », s’interroge Philippe Binet. « Les rejets d’un pot d’échappement d’une voiture, quel impact cela peut-il avoir à l’échelle d’un mois, d’un an, en mode chronique ? ». Ces travaux originaux et novateurs permettront de mieux comprendre la complexité d’une pollution atmosphérique.

 

 

Donner des outils aux politiques

Biologiste, Dorine Desalme a fait le choix de travailler sur un sujet pouvant déboucher sur de nombreuses applications en se focalisant sur ce type de pollution. Pour mesurer la transmission des HAP de l’atmosphère vers les milieux — ou écosystèmes — et mener à bien sa thèse, la doctorante bénéficie d’un contrat de trois ans d’allocation de recherche pris en charge à 100 % par la Communauté d’agglomération du Pays de Montbéliard. Ce qui est assez rare pour être signalé. La collectivité montre ainsi son attachement à son environnement, dans un contexte de forte industrialisation. Par le biais d’un transfert d’informations et la mise au point d’indicateurs à l’usage des collectivités (le Conseil général est également très intéressé par ces travaux), ce point de vue de la recherche fondamentale pourrait ainsi permettre aux acteurs publics d’anticiper, d’évaluer et finalement de prendre des décisions en matière de pollution atmosphérique ou de pollution des sols, des eaux et des sédiments. Car les HAP sont des produits à forte rémanence, ce qui pose le problème de leur accumulation au cours du temps…

 

 

 

La grande famille des HAP

 

Les hydrocarbures aromatiques polycycliques forment une famille très nombreuse de plus de cent composés, qui sont diversement émis et diversement biodégradables. Les molécules observées par les chercheurs appartiennent à un groupe de 16 composés dont la surveillance est recommandée par l’UE. Les recherches se focalisent généralement sur les molécules les plus lourdes et les plus toxiques (comme le benzo(a)pyrène), mais pas forcément celles qui voyagent le plus loin ni les plus ubiquistes.

 

 

 

Comprendre la circulation des HAP

« Physiologie végétale, microbiologie, chimie analytique, métrologie… C’est une thèse très pluridisciplinaire, pour moi ce sera formateur », indique la jeune femme. Dorine Desalme s’est d’abord attachée à construire une méthodologie. Première étape : la mise au point et la validation de capteurs destinés à mesurer la dose d’HAP dans l’atmosphère. « Notre choix a été de travailler en laboratoire, dans des conditions contrôlées, et pour cela il nous a fallu mettre au point un dispositif de pollution. Mais en toute logique, l’étape suivante sera constituée des mesures in situ ». La mise au point du dispositif de validation est complexe, mais Dorine a pu bénéficier des compétences de Jean-Claude Roy, enseignant-chercheur au laboratoire FEMTO-ST, pour la modélisation des flux de HAP. Il s’agit d’étudier précisément le transfert air – plantes, air – sol et sol – plantes, le passage du polluant d’un compartiment vers un autre. « Les HAP sont des éléments souvent en suspension dans l’air, avec des possibilités de transfert à longue distance », note Nadine Bernard.

 

 

 

Première expérimentation en conditions contrôlées

 

L’étude des modalités du transfert des HAP dans le compartiment sol – plantes – micro-organismes est réalisée, dans un premier temps, à partir d’une expérimentation en conditions contrôlées. Des microcosmes (plantules de trèfles dans un sol agricole) sont placés pendant un mois dans une enceinte parcourue par un flux d’air enrichi en un HAP bien précis, le phénanthrène. Après un mois, les différents compartiments des microcosmes ont été récoltés et analysés séparément (feuilles, tiges, racines et sol). Les impacts biologiques sont mesurés par pesée des biomasses végétales, mesure des surfaces foliaires et par observation de la colonisation par les micro-organismes symbiotiques au niveau des racines. Le transfert du phénanthrène dans les microcosmes est déterminé par dosage analytique des différents compartiments.

 

 

 

L’intérêt du dispositif réside dans la reproduction des conditions réelles, avec des résultats facilement transférables. Et les premiers résultats, déjà, sont significatifs : Dorine Desalme a relevé de 100 à 160 microgrammes de phénanthrène (le HAP diffusé) par mètre cube d’air selon l’endroit analysé dans l’enceinte expérimentale. « Mais les données brutes montrent qu’il n’y a pas de transfert en profondeur au niveau du sol », constate Philippe Binet. Prochain objectif des travaux : finaliser la validation du dispositif expérimental.

 

 

Contact : Philippe Binet

Laboratoire Chrono-environnement

Université de Franche-Comté

Tél. (0033/0) 3 81 99 46 89

 

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