Université de Franche-Comté

Publicité : des auteurs à l’ombre de leur création

Envahissante, toute puissante, la publicité s’est toujours prêtée à des personnifications plus ou moins positives, reléguant dans l’ombre les hommes et les femmes qui la créent. La remettre à sa juste place d’objet et rendre à ses créateurs leur statut légitime de sujets, voilà l’objectif d’une thèse qui considère sous un aspect plus humain l’idée qu’on peut se faire de la pub.

 

 

Si on connaît bien la publicité, on en sait en revanche beaucoup moins sur ceux qui la font. Et si l’on considère que la publicité peut être trompeuse voire mensongère, il n’y a qu’un pas facile à franchir pour taxer ses géniteurs de manipulateurs. En s’attachant à découvrir les professionnels de la publicité, et en particulier ses concepteurs et ses rédacteurs, Nathalie Pelier montre, dans une thèse d’histoire soutenue en novembre 2010 (1), que ces hommes et ces femmes, qui simplement exercent leur métier, ont parfois à subir des revers bridant leur imagination et leur créativité, et voient leur travail déconsidéré à l’aune de talents dits artistiques. On est ici bien loin de l’image réductrice du vendeur parfois retors ou du stéréotype de la star associé aux grandes réussites publicitaires.

 

Hormis quelques grands noms de la pub, comme les très médiatiques Marcel Bleustein-Blanchet ou Jacques Séguéla, l’identité et le travail des rédacteurs et concepteurs de publicité restent méconnus. En 1829, date à laquelle le terme « publicité » revêt une finalité commerciale et non plus seulement informative, la publicité est écrite par des journalistes et des écrivains, dont les fameuses réclames sont publiées dans les journaux. Les rédacteurs publicitaires apparaissent au début du XXe siècle, et avec eux des textes écrits dans le strict souci de vendre. Les concepteurs donnent à la campagne sa dimension visuelle et esthétique. À partir des années 1950, leur mission s’oriente vers les idées présidant à la naissance d’une campagne, et le côté esthétique devient l’apanage des directeurs artistiques. Les deux aspects de conception et de rédaction ont alors fusionné dans un même métier.

 

Créativité bridée et complexe d’infériorité

Dans les années 1960 et 1970 porteuses de vagues contestataires, il ne fait pas bon s’avouer publicitaire. Les années 1980 marquent l’âge d’or de la pub, et la part de rêve qu’elle véhicule alors balaie les réticences à l’égard de la profession. Pourtant le travail des concepteurs-rédacteurs est loin de se réduire aux slogans phares et aux campagnes chocs marquant cette décennie. Et la réalité de la majorité d’entre eux est très éloignée de l’imaginaire collectif se représentant une profession nimbée d’argent et de prestige. Au cours des années 1990, la pub s’assagit. L’alter mondialisme apporte de nouvelles idées, la guerre du Golfe marque les esprits, de nouvelles limites à la publicité sont posées par les lois Evin et Sapin, cette dernière l’obligeant à plus de transparence en matière financière. La profession de concepteur-rédacteur se normalise.

 

Cependant, quelle que soit la période considérée, les concepteurs-rédacteurs de pub ont souvent à souffrir d’un complexe d’infériorité. Tout juste reconnus créatifs quand ils ne sont pas considérés comme des vendeurs de soupe, ils sont pris en otage par des annonceurs-payeurs dont l’avis l’emporte toujours, et le regard d’artistes et d’écrivains considérant la création publicitaire comme mineure. Et Nathalie Pelier de conclure : « la publicité a une réputation d’enfant terrible… mais les concepteurs-rédacteurs qui la mettent en mots s’avèrent quelquefois plus naïfs que calculateurs, et souvent plus fragiles que l’ensemble d’une production publicitaire qui les dépasse quelque peu ».

 

 

(1) Contribution à une histoire des représentations des professionnels de la publicité française : le cas des rédacteurs et concepteurs-rédacteurs, thèse soutenue à l’UTBM, laboratoire RECITS, école doctorale LETS — Langages, espaces, temps, sociétés.

 

 

Contact : Nathalie Pelier

Université de technologie de Belfort – Montbéliard

Tél. (0033/0) 6 32 86 79 35

 

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