Université de Franche-Comté

Petit traité de survie des plantes – Université de Neuchâtel (sous la direction de), 2001 – 2013

Belle aventure que celle du Pôle de recherche national (PRN) Survie des plantes ! Guidée pendant douze ans par l’université de Neuchâtel, elle a associé des scientifiques de toute la Suisse dans des recherches d’envergure, attachées à décrypter les mécanismes de nutrition, de reproduction et de défense des plantes. Avec pour préoccupation constante de favoriser la biodiversité et de se mettre au service de l’agriculture.
L’heure du bilan a sonné mais ne marque pas la fin de l’histoire : les travaux accomplis affichent certes leurs résultats, mais promettent aussi de nouveaux rebondissements.

D’expériences de laboratoire en études de terrain, passant des conditions extrêmes de la haute montagne à celles des tropiques, quelque cent soixante-dix chercheurs en Suisse ont participé à l’aventure du PRN Survie des plantes.

Piloté par l’université de Neuchâtel, doté d’un financement total de 74 millions de francs suisses sur douze ans, ce réseau a réuni des équipes des universités de Fribourg, Berne, Lausanne, Genève et Zurich, des écoles polytechniques de Lausanne et de Zurich, et de stations fédérales de recherche.

875 publications dans des revues à comité de lecture, 120 autres articles scientifiques et une quarantaine de contributions à des ouvrages spécialisés… les résultats parlent d’eux-mêmes quant au dynamisme et à la qualité des recherches. De la capacité d’adaptation des plantes au fonctionnement de leur système immunitaire, des stratégies qu’elles développent pour assurer leur subsistance aux liens qu’elles tissent avec l’environnement pour garantir leur reproduction, l’ensemble des mécanismes fondamentaux de survie des plantes a été passé au crible par les experts, donnant ainsi un bon coup d’accélérateur à la connaissance.

Plantes : le front du refus

Doper le système immunitaire des plantes ? C’est possible, entre autres grâce à un acide aminé, l’acide ß-amino-butyrique, BABA pour faire plus simple. BABA aide la plante à mettre en place les réactions biochimiques qui lui sont indispensables pour affronter des situations difficiles comme le gel ou le manque d’eau. Il l’aide aussi à se battre contre les attaques des bactéries, virus et champignons pathogènes.

C’est l’arabette des dames, la plante chouchoute des laboratoires, qui s’est prêtée aux expériences et a révélé le secret de ce fonctionnement. Mieux encore, elle a récemment dévoilé en avant-première mondiale son aptitude à transmettre à ses rejetons cette capacité de défense supérieure : provisoirement modifiée, l’information génétique se transmet aux descendants, un phénomène qui demande cependant à être entretenu pour que les bénéfices perdurent par-delà les générations.

Arabette des dames (photo Alberto Salguero, Wikimedia commons)

Arabette des dames, photo Alberto Salguero, Wikimedia commons

 

Le génome d’une plante peut aussi servir la lutte contre des substances toxiques. Les chercheurs ont identifié deux gènes responsables de l’accumulation et de la détoxication de l’arsenic dans les cellules végétales. Le contrôle de ces gènes obligerait la plante à consigner le métalloïde toxique dans ses racines, une opération permettant aux feuilles et aux graines d’entrer indemnes de poison dans la chaîne alimentaire. Un véritable espoir pour améliorer les cultures en Asie, qui en sont fortement polluées et génèrent de véritables fléaux en termes de santé publique.

Des scénarios pour contrer les envahisseurs

Plante invasive des plus célèbres, l’ambroisie ne se contente pas d’être une menace pour la biodiversité. Son pollen hautement allergène sévit à la mesure de sa diffusion et altère la santé de 15 % de Suisses, d’Allemands et de Danois, et jusqu’à 60 % de Hongrois ! Si l’arrachage de la plante indésirable et la plantation de végétaux concurrents peuvent empêcher sa prolifération, bloquer ses capacités de reproduction pourrait s’avérer plus efficace. La solution ? Lui faire rencontrer des insectes friands de pollen, qui, en limitant sa profusion, gêneront le processus de reproduction de l’ambroisie. Six insectes sont pressentis pour mener à bien cette mission.

À l’inverse, certains insectes peuvent eux aussi se montrer envahissants et perturber un équilibre fondé sur des accords tacites entre règnes végétal et animal. Une plante, en cas d’agression par un insecte herbivore, émet un signal odorant particulier. Un SOS aromatique perçu par d’autres insectes, ennemis des premiers, qui volent alors au secours de la plante en détresse. Des herbivores étrangers, inconnus de la plante, feraient déclencher un signal différent. De quoi faire perdre leurs repères aux parasitoïdes locaux, et voir chuter le nombre de leurs interventions. Une chenille ravageuse de feuilles et une larve s’attaquant aux racines, susceptibles de proliférer en Europe du Sud où le climat leur est de plus en plus favorable, sont particulièrement dans le collimateur des chercheurs.

Les pédigrées de la vigne sur le net

En Suisse, si Chasselas, Pinot, Gamay et Merlot se partagent 80 % des 15 000 hectares de terres viticoles que compte le pays, plus d’une centaine de cépages sont cultivés sur une surface huit fois plus petite que le seul Bordelais.

Des variétés au profil génétique recensé, décrit et mis à disposition via une banque de données créée en 2006 par le PRN Survie des plantes, la Swiss vitis microsatellite database. La majorité des échantillons provient de ceps fournis par les stations de recherche Agroscope, une base complétée par des dons de viticulteurs professionnels et de collectionneurs amateurs.

Trente-deux exemplaires de vigne sauvage européenne, issus de populations naturelles suisses en voie de disparition, sont venus enrichir les génotypes de cépages et de porte-greffes, offrant ainsi des données précieuses pour la conservation et l’amélioration de cette plante. Dans les vignes actuelles et pour la petite histoire, sachez que l’étude génétique, qui établit le pédigrée des cépages à partir de cinquante marqueurs, a révélé l’origine lémanique du Chasselas, que la légende croyait natif d’Égypte.

Outil d’identification, également précieux pour la lutte contre les pathogènes ou encore l’élaboration des programmes de sélection, cette banque de données est accessible sur http://www1.unine.ch/svmd/

Photo Olivier Viret

Photo Olivier Viret, Wikimedia commons

 

De nouveaux chapitres à écrire

Ces quelques exemples sont tirés de la foisonnante histoire du PRN Survie des plantes, alimentée par de nombreux contributeurs. Martine Rahier a participé à la rédaction de ses premières pages : cofondatrice du Pôle en 2001, elle en assure la direction jusqu’à sa prise de fonction de rectrice de l’université de Neuchâtel en 2008. La responsabilité du Pôle revient alors à Ted Turlings, qui dirigeait par ailleurs l’école doctorale née en parallèle en 2001, intégrée depuis 2009 à l’Institut de biologie de l’université.

D’autres projets devraient voir le jour, dont le Centre d’excellence en écologie chimique n’est pas le moindre. Inscrit au plan d’intentions 2013 – 2016 de l’université de Neuchâtel, ce programme évoluera vers le rôle que tiennent les substances chimiques dans les interactions entre les organismes.

Sphynx du tabac. Photo Alexandre dell'Olivo. Wikimedia commons

Sphinx du tabac, photo Alexandre dell’Olivo, Wikimedia commons

Adossée à l’ensemble de ces recherches, une plateforme technologique bâtie au cours de ces années continuera d’assumer sa vocation : donner le moyen de mesurer les réactions biochimiques des plantes soumises à un stress comme le changement brusque de lumière, l’excès d’eau ou l’attaque d’insectes herbivores. Toutes les universités helvétiques ont déjà eu recours à ses services, qui devraient encore s’amplifier.

Contact : Ted Turlings 

Institut de biologie 

Université de Neuchâtel
Tél. (0041/0) 32 718 31 58

http://www.unine.ch/plantsurvival

 

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