Université de Franche-Comté

Nanoluxe ou l'exemple d'une action collective

Cofinancée par le privé, le public et l’Europe, elle permet d’acquérir un avantage compétitif

 

L’ingénierie de projet, c’est le joker de l’Institut Pierre Vernier (IPV), le service nouveau et indispensable qu’il offre à ses partenaires industriels. Cette ingénierie de projet obéit à des règles et suit un cheminement très encadré, afin de sécuriser toutes les étapes et tous les partenaires d’un transfert. Porté auparavant par le Pôle Microtechniques, le projet Nanoluxe est maintenant animé par l’IPV, dont il constitue le premier exemple d’action collective. Visite guidée du parcours avec Patricia Jeandel, chef de projet.

 

 

Pour définir le cahier des charges d’un projet collectif, il est avant tout nécessaire d’identifier un dénominateur commun et un premier noyau de spécialistes. Une sorte de point de départ ou de préalable. Ce dénominateur commun, pour le projet Nanoluxe porté depuis janvier 2008 par l’Institut Pierre Vernier, c’est le développement d’un nanofilm d’aspect (chargé d’apporter de meilleures qualités esthétiques à l’objet) et de son procédé d’application.

 

 

 

Un germe : des entreprises motivées

La seconde phase est celle du recrutement. « On recherche alors les entreprises intéressées par le verrou technologique que l’on envisage de lever », indique Patricia Jeandel, l’un des chefs de projet de l’IPV, en charge, justement, du montage du dossier Nanoluxe.

 

D’un point de vue technique, le dossier consiste en la recherche de formulations, la mise au point et l’industrialisation de nanofilms, revêtements invisibles mais dotés de nouvelles fonctionnalités, dont des propriétés « anti-traces de doigts ». En l’occurrence, le projet et les travaux sur les « couches à effet barrière » ayant été démarrés au sein du Pôle Microtechniques qui les avait labellisés, Nanoluxe comptait déjà comme partenaires plusieurs industriels locaux du secteur du luxe, dont SURFACES SYNERGIE, qui avaient contribué à cette dynamique. Mais à ce stade on n’en saura pas davantage sur la liste des participants…

 

 

 

La recherche de compétences scientifiques

Dans ce projet, comme dans toute autre action collective de transfert de technologie, parallèlement à cette étape « recrutement » est menée une phase d’identification des structures, laboratoires ou équipes R & D qui pourront apporter la solution recherchée. Un partenaire scientifique et technique indispensable détecté par une veille dont s’acquittent parfaitement les centres de transfert de technologie, puisqu’il s’agit là de l’une de leurs principales missions. « L’objectif étant toujours de rester compétitif, notre rôle est d’identifier qui peut répondre à ce besoin », poursuit Patricia Jeandel. Pour le cas Nanoluxe, c’est un laboratoire public d’une université parisienne qui a été retenu comme pouvant répondre au mieux à la problématique technologique de ces fameuses « couches à effet barrière ».

 

 

 

Un accord de consortium

Les partenaires étant identifiés — laboratoire, industriels et Institut Pierre Vernier, pilote et partie prenante — la phase suivante consiste en la rédaction d’un cahier des charges technique, par des ingénieurs de l’IPV, et le montage d’un consortium, par un juriste, ces deux opérations étant menées sous la conduite du chef de projet. « Le consortium permet de se mettre d’accord dès le début sur la relation, et de travailler dans la confiance et la discrétion, puisqu’il comporte des accords de confidentialité. Les accords de consortium sont des documents contractuels qui ont valeur juridique, ils fixent les règles du jeu et calent les hypothèses de démarrage ».

 

Le montage du projet alors en cours — il y aura ensuite la phase d’acceptation, puis de gestion —, reste à savoir comment le financer. Il s’agit également d’une des missions du département Ingénierie de projet de l’IPV. Pour Nanoluxe, les industriels partenaires ont vu leurs propres engagements financiers abondés par des financements publics (Europe avec le FEDER, État, Région), sans lesquels ils n’auraient sans doute pu mener cette opération trop lourde pour des PME.

 

 

 

Le déploiement de la technologie

C’est là l’avantage du projet collectif, dans lequel s’est donc également engagé l’IPV, en même temps qu’il a mis tout en œuvre pour permettre le transfert. Il engage ses départements techniques et — c’est tout l’intérêt — sait qu’il aura pour mission, ensuite, de déployer la technologie acquise vers d’autres PME régionales sur des secteurs non concurrentiels. Ce transfert à bénéficiaires multiples est également l’un des objectifs de CEMIASS et d’ISIST, autres projets collectifs tout aussi prometteurs, dans les domaines de la manipulation et de l’assemblage d’objets microtechniques et dans la télémédecine. Pour l’heure, l’IPV a recruté un doctorant CIFRE, pour le compte de l’ensemble des partenaires de Nanoluxe, qui a démarré ses travaux au sein du laboratoire à l’université Pierre et Marie Curie (Paris). Ce thésard a trente-six mois pour mener les recherches scientifiques, puis les appliquer au développement d’un nanofilm et de son procédé d’application. Avec un double objectif : la soutenance d’une thèse et la réalisation d’un prototype industriel à Besançon après une période d’essais et de mesures en laboratoire.

 

 

Contact : Patricia Jeandel

Institut Pierre Vernier

Tél. (0033/0) 3 81 40 20 05 / (0033/0) 3 81 40 57 05

 

 

Chef de projet, chef d'orchestre

 

Dans l’ingénierie d’un projet innovant, le chef de projet est le pilote, une fonction indispensable d’un centre de transfert, celui qui conduit les travaux, de la détection du besoin au transfert effectif de technologie. Il travaille dans une « logique d’entonnoir » : il ouvre largement la réflexion au début, puis resserre lorsque le projet est mûr et que le moment est venu de s’engager contractuellement. Il donne ainsi à chacun les moyens d’imaginer les hypothèses de travail que le juriste intégrera ensuite dans les accords de consortium. Il supervise les travaux des ingénieurs (cahier des charges technologique) et des juristes (consortium) et veille à leur bonne adéquation. En amont, dans la partie « montage », il aura vérifié qu’il n’y a pas d’antagonisme dans la stratégie des partenaires et, en mutualisant les risques, se sera attaché à les limiter. « On optimise le choix par rapport à une logique environnementale ou de développement durable, et à une logique de coût pour l’industrie. Ce n’est pas que de la technologie pour se faire plaisir », assure Patricia Jeandel. Le chef de projet s’occupera ensuite lui-même de l’ingénierie financière : quelles subventions solliciter ? Dans quels programmes, quelles lignes budgétaires s’inscrire ? Quelle valorisation possible (à travers un brevet, par exemple) ?

 

Le rôle du chef de projet n’est pas de décider mais de permettre aux différents acteurs de décider. À lui de veiller à ce que ces décisions s’inscrivent bien dans une logique de qualité, coût, délai. À lui de gérer le temps, pendant les arbitrages, et de s’assurer que le soufflé ne retombe pas. Dans le cadre d’une action collective, il a un rôle de médiateur, et c’est lui qui rend des comptes aux financeurs ou s’assure que les objectifs sont bien respectés. Un chef d’orchestre, en somme.

 

 

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